Christophe Jarry

Laboratoire de Psychologie des Pays de la Loire (EA 4638), Université d’Angers. Maison de la Recherche Germaine Tillion.
christophe.jarry chez univ-angers.fr

Ergologie : développements théoriques et mise à l’épreuve clinique

Résumé / Abstract

L’objectif de ce travail est de réaliser une synthèse systématique des propositions théoriques médiationnistes au sujet du modèle de l’Outil et de tenter quelques pas de plus pour son développement théorico-clinique. Pour ce faire, je propose une confrontation et une discussion des portraits-robots issus de la théorie avec l’observation clinique de quelques patients supposés atechniques.

The aim of this work is to propose a systematic synthesis of « Théorie De la Mediation’s » theoretical propositions on the « Tool model » and to take a few more steps forward. To do this, I propose a confrontation and a discussion of the « photofits pictures » resulting from theory with clinical observation of supposedly « atechnical  » patients.



Initiée par l’observation de patients présentant des troubles du langage écrit, lecture, écriture, qui ne soient pas qualifiables d’aphasiques, l’hypothèse d’un deuxième plan de médiation culturelle, analogue à celui du Signe mais indépendant de celui du Signe, se trouve d’abord dans les travaux de Jacques Laisis (1971) et d’Attie Duval-Gombert (1976, 1985). Par la suite, dans une volonté de déconstruire le concept neurologique d’apraxie et plus particulièrement l’apraxie dite « idéatoire » à partir d’une analyse critique des notions de dextérité, de connaissances conceptuelles ou encore de schéma corporel, Le Gall (1998) propose un développement des hypothèses théoriques relatives au modèle de l’Outil et de son lieu de mise à l’épreuve expérimentale, la clinique de l’atechnie. Je vais tenter ici, espérons-le sans trahir la pensée de mes auteurs de référence, une synthèse théorique et systématique du modèle de l’Outil guidée par un objectif principal de développer et de mettre à l’épreuve différents portraits-robots des troubles techniques à l’instar des méthodologies proposées par Le Gall (1998), Guyard (1999) pour l’aphasie ou encore Mettens et Schotte (1999) au sujet des troubles axiologiques. Ce travail est également guidé par un élément important de la méthode scientifique proposée par Gagnepain (2005, p. 36) pour expliquer les facultés humaines : « … tendre à un nombre de plus en plus réduit des processus en cause ; … », comme le rappelle également Le Gac-Prime (2013). Tous les concepts et le lexique utilisés ici sont issus des travaux de Gagnepain (1990, 1994), Bruneau et Balut (1997), Le Gall (1998) et des considérables suggestions théoriques de Le Guennec (1992, 2015). Ainsi, mises à part des citations précises, je ne reviendrai pas sur ces références. Avant de présenter les différents portraits-robots de l’atechnie analogique à ceux de l’aphasie, revenons d’abord sur ce que la TDM suggère à propos de la technique, la dialectique technico-industrielle.

1 Le modèle de l’Outil, propositions de synthèse théorique

1.1 Instrument et Outil

En référence au modèle du Signe et de la dialectique logico-rhétorique, le premier pôle de la dialectique technico-industrielle est gestaltique. Analogiquement à l’objet, rapport perceptif, symbolique, le trajet désigne un rapport actif à l’environnement dont les éléments sont considérés dans leur pouvoir faire, « chose pour faire », « chose faite » (Le Guennec, 2015). Comme fonction naturelle, le trajet est le fruit d’un double mécanisme cinétique et praxique qui construit une opération par synthèse des données de la motricité. La motricité et l’opération sont les deux niveaux de l’activité animale. L’action naturelle, nommée instinct, est donc un processus de sériation progressive et indéfinie de trajets qui se font tour à tour moyen et fin. L’instrument, entendu comme processus et non chose concrète, est la liaison active, opératoire, d’un 1er trajet moyen (pour grimper) et d’un 2e trajet fin (pour atteindre) qui sera lui-même moyen d’un 3e trajet (pour prendre) lui-même fin du 2e. Comme le montre les conduites animales, la ténacité de l’instinct, l’attention soutenue, le labeur, qu’il implique, permet à l’action naturelle d’être efficace mais dans cette relation sérielle, le moyen et la fin soit coexistent, soit n’existent pas, ils se supposent l’un l’autre et disparaissent dès que l’action est terminée. L’instrument est donc éphémère, il n’existe que dans l’action en cours et son efficacité est immédiate. Cette instrumentation laborieuse est le maximum de l’activité possible de l’animal.

Comme le Signe, l’Outil est un principe formel, une capacité d’analyse structurale. Pour Gagnepain (1990, p. 139), l’Outil est : « fondamentalement équipement, c’est-à-dire ce pouvoir à la fois stockable et manipulable dont, sans l’exercer, pourtant nous disposons et grâce auquel, au lieu de tâtonner, voire de bricoler, nous construisons l’opération. Extérieur à nous-même, il ne dépend plus ni de nos forces ni de nos besoins. ». Contrairement à l’instrument, l’Outil rend donc le moyen et la fin toujours disponibles et permet à l’homme des actions qui lui sont naturellement hors de portée. Le tournevis sert toujours à visser, la lampe à éclairer, la voiture à transporter ou la maison à loger, même en l’absence de l’opérateur et en dehors de toute action effective. Par ailleurs, à la différence de l’animal dont l’efficacité est directement proportionnelle à la puissance naturelle, la sécurité permise par l’Outil permet à l’homme de dégager son attention et de ménager son énergie en agissant de façon « machinale ». Analogiquement à l’impropriété du Signe, cette disponibilité de l’Outil permet donc à l’homme de tendre au loisir. La sécurité est un principe qui doit être entendu comme l’assurance d’un résultat toujours reproductible. L’Outil transforme donc radicalement la façon de faire : en évitant de faire grimper, l’escalier modifie la démarche, tout comme la chaise modifie l’assise en lui assurant confort et repos musculaire ; la vis fait tourner pour enfoncer, le bouton fait appuyer pour ouvrir, sonner ou encore mémoriser ; dans l’activité de déplacement, la voiture met les jambes au repos. Mais dans toute activité instrument et Outil coexistent toujours, les touches du clavier assurent l’apparition des lettres à l’écran seulement si les doigts les atteignent avec suffisamment de précision et de force.

1.2 L’instance technique : la fabrication

Le deuxième pôle de la dialectique technico-industrielle est la fabrication. De l’analyse du moyen, la mécanologie et de la fin, la téléologie, émergent les deux faces de l’outil, le fabriquant et le fabriqué. Axialement, l’analyse qualitative taxinomique crée de l’identité technique en différenciant le moyen et la fin en matériau et tâche, c’est l’axe vertical des oppositions. L’analyse quantitative générative crée de l’unité en segmentant le moyen et la fin en engin et en machine, c’est l’axe horizontal des contrastes. Le critère d’analyse mécanologique est l’utilité alors que celui de l’analyse téléologique est le dispositif.

En termes de mécanologie :

Le matériau est l’analyse qualitative du moyen. C’est une identité oppositionnelle abstraite qui rend la matière, l’énergie ou encore la lumière exploitables en en faisant émerger différentes qualités techniques comme la résistance, la transparence ou la perméabilité. En tant que principe formel, le matériau n’existe que par différenciation avec d’autres : la rigidité n’existe que de s’opposer à la souplesse. Pour Gagnepain (1990) une identité mécanologique abstraite peut correspondre à une diversité physique réelle. Selon un principe de polyhylie, différentes matières peuvent réaliser un même matériau : le bois peut être combustible comme le papier, certains tissus ou certains gaz.

L’engin est l’analyse quantitative du moyen en termes d’unités minimales identifiables par leur combinaison au sein d’une même matière ou d’une même pièce manufacturée. Un stylo intègre un corps de plastique assurant sa saisie et un réservoir d’encre terminé par une bille utile à sa répartition. Le démontage d’un tel ustensile peut alors faire apparaître d’autres unités techniques comme lorsque le corps du stylo bille, débarrassé des autres accessoires, devient une sarbacane au demeurant négligée dans l’acte d’écriture. Dans une tasse, la partie utile pour contenir le liquide peut être de verre et l’anse pour la saisir, être en métal ou plastifiée. Mais, une autre tasse composée uniquement de céramique, par exemple, peut s’analyser comme engin puisqu’elle intègre un fond plat pour être stable, une anse pour être saisie, des rebords non coupants… Ainsi, selon un principe de plurihylie (ou hétérohylie [1], l’analyse en terme d’engin néglige la pluralité matérielle de l’objet et ne se superpose en aucun cas au nombre de pièces physiquement présentent.

À propos de la téléologie :

La tâche est l’analyse qualitative de la fin, elle peut se décliner sous forme de verbe d’action comme tracer, perforer, percuter par exemple. Selon un principe de polytropie, une identité structurale téléologique peut correspondre à différentes fins comme le sème à différents effets de sens. Le traçage conduit tout aussi bien à l’écriture, au plan ou à la caresse, la percussion peut assurer emboîtement, libération de pièces ou sonorisation.

La machine est l’analyse quantitative de la fin. Elle intègre une combinaison de tâches diverses dans une unité technique minimale. L’écriture au clavier intègre percussion sur le clavier, contrôle visuel par la lecture de ce qui s’affiche à l’écran, assise de l’écrivain, voire écoute de la voix qui dicte. Selon un principe de polytélie, une seule unité téléologique assure donc des fins plurielles. La lampe est analysable en machine car elle intègre l’équilibrage du pied, le vissage de l’ampoule ou encore le contrôle de la lumière par l’abat-jour, qui peuvent également chacun se retrouver ailleurs.

Les exemples que j’ai essayé de donner montrent bien la difficulté d’illustrer des cadres de variation abstraits et donc toujours relatifs. L’analyse explicative est donc toujours une question de point de vue et elle n’est jamais intégrale d’autant plus qu’il n’y a structuralement aucune hiérarchie entre matériau, engin, tâche et machine. Tout objet réel peut donc faire l’objet d’une analyse taxinomique ou générative, téléologique ou mécanologique. Cette relativité formelle est d’autant plus vraie que le fabriquant et le fabriqué trouvent leur critère l’un dans l’autre, ce que Gagnepain (1990) désigne sous le concept de réciprocité des faces. Il est également important de noter à ce propos que l’analyse technique de l’Outil n’implique pas nécessairement la présence conjoncturelle de matière, d’« objets réels » au sens positif du terme. Comme le précise le Guennec (2015, p.43) : « le matériau n’est pas rivé à la matière », il peut se réaliser à travers elle mais également à travers la lumière ou l’énergie. Dans ce dernier cas, l’analyse technique peut porter sur la seule présence du corps humain comme dans toutes les activités physiques (chant, danse, sport, arts martiaux…) où l’analyse porte sur l’énergie musculaire, où les parties du corps deviennent elles-mêmes le trajet de cette analyse [2].

La réciprocité des faces :

Mécanologiquement, l’utilité est le critère immatériel d’analyse du fabriquant en fonction du fabriqué. Elle distingue le matériau abstrait de la matière naturelle en lui fournissant son propre critère en fonction d’une tâche. Par l’utilité, un changement de matériau est identifiable par un changement de tâche. Le bois se fait support mécanologique d’une fonction téléologique de solidité dans la chaise mais aussi support de combustion dans le feu, ce n’est plus le même matériau.

Au contraire, le dispositif permet matériellement de fonder la tâche. Téléologiquement, le dispositif est le critère d’analyse du fabriqué en fonction du fabriquant, Pour Gagnepain (1990, p. 152) : « le dispositif est un ensemble d’engins groupés en vue d’une tâche que leur combinaison a pour but de déterminer. ». La planche et le clou, le crayon et le papier ou encore la casserole, la plaque et le beurre constituent donc des dispositifs. Paradoxalement, un changement de dispositifs par remplacement ou ajout d’une pièce, atteste d’un changement de tâche et tout matériau ou engin peut se retrouver dans d’autres dispositifs comme les phonèmes dans un nombre illimité de marques. Par la multiplication de ses combinaisons, l’engin permet donc l’économie des dispositifs comme le phonème l’économie des marques. Dans le cadre de l’unité de la machine, les dispositifs sont solidaires, chacun assurant l’existence de l’autre. « Le crayon se retrouve ainsi associé à la feuille dans l’écriture, au rouge à lèvres et au fard dans le maquillage, au chevalet et à la toile dans l’esquisse. De même le marteau se retrouve avec l’enclume dans la ferronnerie, avec le ciseau en sculpture, avec les plaques et les vis en orthopédie. » (Le Gall, 1998, p. 115).

La projection des axes :

Avec la bifacialité et la biaxialité, le dernier principe inhérent à la structure est la projection des axes taxinomique et génératif l’un sur l’autre, fondatrice de similarité par catégorisation et inclusion et de complémentarité par ordination et intégration.

La projection de l’axe génératif sur l’axe taxinomique impose le règne de l’un sur le différent et reclasse la diversité de matériau ou de tâche à partir d’une unité sans rien changer de leur statut proprement oppositionnel. Cette inclusion crée de la ressemblance autour de l’identité partielle. En permettant une réduction de la différence, cette catégorisation permet une économie de la variation. Techniquement le type concerne la similarité téléologique et la covalence la ressemblance mécanologique. La covalence classe ensemble des engins autour d’une identité de matériau comme le marteau, le tournevis et la télécommande par leur préhensibilité ou les projectiles que sont le ballon, la cartouche et la flèche. Le type classe ensemble des machines qui ont en commun une même tâche comme le vélo et la voiture qui permettent de se déplacer.

La projection de l’axe taxinomique sur l’axe génératif, en faisant régner l’influence du même sur le pluriel, redistribue, ordonne, la pluralité à partir de l’identité d’un même choix, des éléments contrastés, engins ou machines qui deviennent alors solidarisés. Cette intégration autour de l’unité partielle permet de réduire les combinaisons possibles par la présence d’un élément qui en appelle un autre et vice-versa. La syndèse concerne la complémentarité téléologique et la covariance la solidarité mécanologique. La covariance concerne la solidarité de plusieurs engins autour d’un même matériau qui les oblige l’un envers l’autre. La craie est efficace sur l’ardoise du tableau noir mais pas sur le tableau blanc dont c’est le revêtement d’acier émaillé qui permet à l’encre du marqueur d’adhérer sans être absorbée. La syndèse réaménage l’organisation de machines autour d’une même tâche en obligeant ainsi techniquement leur succession. Il est nécessaire de percer le trou puis de fixer la vis avant de poser le tableau comme il peut être nécessaire de mouiller le pinceau pour appliquer la peinture sur la toile.

Par la similarité et la complémentarité formelle, les objets portent donc en eux-mêmes leur propre substituabilité et leur propre programme d’action, leur mode d’emploi. Ils obligent également leur manipulation dans le sens où le corps humain est également analysable techniquement et pris dans le jeu de la complémentarité et de la similarité. Ce n’est pas la même chose d’écrire avec un crayon ou un clavier. Le crayon, en plus d’imposer la feuille, impose une saisie verticale avec le pouce, l’index et le majeur afin qu’il soit correctement orienté sur la feuille, elle-même posée sur une table, puis de déplacer l’avant-bras de la gauche vers la droite et de haut en bas autour des axes de l’épaule et du coude… sans parler du guidage des doigts par les lettres à former. Mais il assure, contrairement au sable, la pérennité de la trace. Pour sa part, le clavier sécurise une partie de la production liée à la forme des lettres mais impose un pianotage plus ou moins percussif, en fonction de sa sensibilité, et de garder un œil rivé sur l’écran… sans parler de l’assise ou de la droiture du dos en fonction des qualités de la chaise et de la hauteur de la table qui complètent le poste de travail.

Par son instance technique, l’Outil emmène donc l’Homme loin de l’efficacité immédiate de l’instrument. Mais, si la technique permet la disponibilité de l’Outil, elle n’assure pas, à elle seule, la qualité de l’ouvrage et doit elle-même faire l’objet d’une seconde négation réinvestissant concrètement l’Outil dans la chose à faire.

1.3 La performance industrielle : la production

En tant que troisième pôle de la dialectique technico-industrielle, la production est le réinvestissement performanciel de la forme abstraite, que la technique instaure, dans le contexte, la conjoncture, en l’occurrence la chose à faire, l’ouvrage. Elle corrige le loisir de l’Outil en réintroduisant l’efficacité de l’instrument, elle fait fonctionner. L’interrupteur ne produit la lumière ou l’obscurité pour lesquelles il est disponible que par l’action d’appuyer dessus ; la voiture libère les jambes et permet le déplacement à partir du moment où nous tournons la clé de contact, enclenchons une vitesse et tournons le volant ; le pull nous couvre et nous tient chaud dans la mesure où nous prenons la peine de l’enfiler. Analogiquement au message, fruit de la dialectique logico-réthorique, l’ouvrage porte en lui à la fois les traces de l’analyse de l’Outil dans le programme et la manipulation qu’il impose mais également les trajets relatifs à l’action entreprise. Pour obtenir de la lumière, ce n’est, manuellement, pas la même chose ou le même trajet, de faire pression sur un interrupteur de type poussoir, intégrant en lui l’ouverture et la fermeture d’un circuit électrique, et de faire tourner un interrupteur de type rotatif intégrant une possibilité de variation de l’intensité du courant électrique, même si la finalité peut être équivalente. Malgré la sécurité introduite par l’Outil, toute production fait donc intervenir une instrumentation ; la part de l’un et de l’autre peut varier suivant l’activité. D’une certaine manière, la répartition industrielle des tâches, imposant toujours le même geste à l’opérateur, illustre une prévalence de l’Outil sur l’instrument lequel est beaucoup plus présent dans la manipulation précise du rouleau à pâtisserie ou de la truelle.

Face aux différents cadres de variation abstraits que sont la tâche, la machine, le matériau et l’engin, les différentes composantes de la production explicite se déclinent non plus mécanologiquement et téléologiquement, mais mécaniquement et téléotiquement avec le vocabulaire suivant :

  • La qualité utile de la matière est le réinvestissement mécanique du fabriquant, l’identité mécanique. C’est aussi un principe de distinctivité mais issue de l’analyse explicite qui nie l’analyse mécanologique. Face à la polyhylie du matériau se trouve le caractère polyergique de la matière qui le recoupe pour faire, d’une différence mécanologique (pas le même support), une identité mécanique (toujours le même moyen). La même matière peut réaliser des matériaux différents : le bois est solide, combustible, débitable, isolant…
  • L’ustensile est l’unité industrielle mécanique. C’est la négation de l’analyse mécanologique en engin pour actualiser l’action. C’est la prise du crayon d’une certaine manière qui unifie dans l’action le corps du crayon permettant sa saisie avec le réservoir d’encre et la bille permettant la trace sur la feuille. C’est ce qui peut être usuellement appelé un objet ou un outil dans le sens courant du terme. Dans l’ustensile, une seule pièce matérielle, concrète, peut intégrer plusieurs engins. La tasse, par exemple, est la manifestation de plusieurs engins avec son fond plat pour être stable, son anse pour être saisie, ses rebords non coupants… Face à la plurihylie (ou hétérohylie) de l’engin, l’hylotomie de l’ustensile réalise une unité mécanique, matérielle, là où peuvent mécanologiquement se distinguer plusieurs engins.
  • L’identité téléotique qui présente en négatif les caractéristiques de la tâche est l’opération. Elle est un cadre de cohérence. À la polytropie de la tâche, s’oppose la synergie de l’opération. Une identité de tâche comme une finalité d’assemblage, peut trouver à se réaliser dans différentes opérations : collage, soudure ou emboîtement. Le versage peut tout aussi bien permettre de produire une pièce de métal, de remplir un verre ou de réguler un fleuve par l’écluse.
  • Enfin, l’unité téléotique est l’appareillage qui réanalyse quantitativement la machine et permet de la mettre en action. Ainsi écrire peut impliquer plus ou moins de matériel traduisant la mise en œuvre de plus ou moins de machines : faire se déplacer un crayon sur une feuille, agencer des pièces de scrabble, allumer un ordinateur et pianoter sur son clavier, ou même faire voler un avion afin que sa fumée trace un motif dans le ciel. Face à la polytélie du fabriqué se retrouve donc la périplasie de l’appareillage : à une pluralité téléologique (plusieurs machines) correspond une unité téléotique (un appareillage).

Le lecteur trouvera des développements théoriques beaucoup plus complets chez Le Guennec (2015), notamment en ce qui concerne le pôle industriel de la production. Ce cheminement théorique a pour seul ambition ici de fournir des repères d’analyse pour aborder la clinique des troubles d’utilisation d’objets, qui peut s’envisager, comme pour l’aphasie, sous forme de portraits-robots.

Tableau 1 : Tableau général des concepts de l’ergologie (d’après Gagnepain, 1990 et le Guennec, 2015)

- - Instance Performance
Analyse : Mécanologique Téléologique Mécanique Téléotique
Fabriquant Fabriqué
Différenciation Identité Matériau Tâche Matière Opération
Polyhylie Polytropie Polyergie Synergie
Segmentation Unité Engin Machine Ustensile Appareillage
Plurihylie Polytélie Hylotomie Périplasie
Catégorisation Similarité Covalence Type Champ industriel
Ordination Complémentarité Covariance Syndèse Expansion industrielle

Tableau 2 : Résumé des principes de la dialectique technico-industriels inhérents à la fabrication et à la production.

- Mécanologique Mécanique Téléologique Téléotique
Diversité polyergie polyhylie synergie polytropie
Identité polyhylie polyergie polytropie synergie
Pluralité hylotomie plurihylie périplasie polytélie
Unité plurihylie hylotomie polytélie périplasie
Chaque principe est cité deux fois, suivant la manière de lire le tableau. Par exemple : la polyergie fait correspondre une diversité mécanologique et identité mécanique

2 L’atechnie

2.1 Distinguer l’atechnie de l’apraxie

Comme l’aphasie, trouble culturel du Signe, se distingue de l’agnosie, trouble naturel de la représentation, l’atechnie, trouble de la médiation technique, se distingue de l’apraxie, équivalent naturel de l’agnosie au plan de l’activité. Ainsi comme le précise Le Gall (1998), il est tout à fait possible, comme le postule le modèle, d’observer cliniquement une atechnie sans apraxie et inversement. Cela n’empêche, bien sûr pas, et c’est cela qui rend l’observation difficile, ces deux pôles de se compenser comme les déductions de l’agnosique structurent la perception. La programmation incorporée de l’Outil qui impose à l’exploitant « paradigmatiquement », par types, des choix et « syntaxiquement », par syndèse, des successions d’étapes, est à même de compenser dialectiquement un trouble naturel, praxique, de l’instrument qui peut, par ailleurs, lui-même en retour, masquer un défaut d’analyse technique par un tâtonnement et des conduites d’approche guidés par la finalité entrevue. Ce qu’il est possible à la suite de Guyard (1999) de définir comme une adhésion à l’efficacité immédiate, une « adhérence à l’efficience » (Guyard, 2009). La notion de troubles du geste n’est donc pas plus opérante pour distinguer l’apraxie de l’atechnie et définir les troubles d’utilisation d’objets que le trouble de dénomination pour distinguer agnosie, aphasie ou encore trouble de la Personne car « l’outil n’est sans doute pas tant le prolongement de la main que celui de l’esprit » (Le Gall, 1998, p. 63). Pour initier une réelle clinique des troubles d’utilisation d’objets spécifiquement liés à une détérioration du système formel de l’Outil, il est nécessaire, non pas de multiplier, mais de manipuler précisément les situations cliniques de test à partir d’un ensemble d’hypothèses cohérentes fournies par le modèle pour mettre en évidence les mécanismes implicites qui dysfonctionnent à travers les performances et les compensations des mécanismes préservés qui fonctionnent alors par excès. Mais, au préalable, il faut également dessiner les contours de ce que Le Gall (1998) définit, à la suite de Gagnepain (1990) comme une apraxie.

Par raisonnement analogique avec l’agnosie, Gagnepain (1990, 1994) suggère que l’action naturelle présuppose, d’une part la motricité et d’autre part la praxie. Il range sous la rubrique d’akinésie les troubles moteurs comme l’hémiplégie et conserve l’étiquette d’apraxie pour « l’incapacité de diriger son geste » (1994, p. 96). À la suite des travaux sur la notion d’apraxie réflexive, d’espace somato-centré et espace extéro-centré et sur la relation des troubles praxiques avec la représentation de l’espace dans ses rapports avec le corps, Le Gall (1998) précise que le rapport au corps propre pourrait asseoir l’apraxie. Globalement, il pose l’hypothèse que l’apraxie définit la difficulté à intégrer les différentes parties du corps dans un ensemble ordonné, orienté, dirigé, où les relations entre les différents segments isolés du corps et le corps dans son intégralité, sont vues comme un rapport parties-tout. Pour lui l’apraxie ainsi entendue ne gênerait donc pas nécessairement un moment de l’acte mais son inscription dans un ensemble, dans une bonne forme si l’on veut poursuivre dans la perspective gestaltique. Pour Le Gall (1998) l’imitation de postures non-significatives serait un test assez spécifique de l’apraxie même si elle peut également perturber l’utilisation réelle d’objets.

2.2 Les formes prototypiques d’atechnie

L’atechnie quant à elle, concerne plus particulièrement les rapports de complémentarité et de similarité des objets entre eux, mais pas seulement. En effet, comme nous l’avons déjà abordé au point 1-2, Le Gall (1998) précise que même en l’absence conjoncturelle de « matériel », l’Outil peut être analytiquement présent dans les situations de pantomimes par exemple (qui ne sont donc pas qu’une question d’apraxie comme cela est traditionnellement pensé en neurologie). Cela vaut comme pour le Signe qui rend capable de langage sans nécessairement verbaliser lorsque l’on « parle ou chante dans sa tête ». Analogiquement à l’aphasie, il est possible de distinguer comme le fait cliniquement Le Gall (1998) des atechnies générative ou taxinomique, mécanologique ou téléologique. Je propose ici une synthèse des descriptions de Le Gall (1998 ; voir également Sabouraud, 1995) avant d’exposer les portraits robots qui peuvent être déduits du modèle.

Atechnie mécanologique taxinomique : Défaut de différenciation du matériau, incapacité à choisir le moindre critère utile. Les patients semblent rester dans les limites de la tâche, le dispositif est préservé mais ne permet pas de préciser les moyens car les patients ne peuvent exclure aucune possibilité, comme s’ils ne voyaient pas ce dont ils ont besoin alors qu’ils peuvent l’énoncer. Le Gall (1998) parle de « pseudo-agnosie » car cette conduite peut donner l’impression d’un trouble perceptif. Dans leurs recherches autour d’une identité partielle qui sert de flexion en vue d’une tâche, les patients opèrent par approches successives avec un comportement d’exploration du matériel à première vue hasardeux, avec une perplexité apparente. Un ustensile peut donc être utilisé pour un autre, parfois avec une maladresse apparente du fait de saisies non conventionnelles, d’explorations manuelles aléatoires. Les patients peuvent être piégés par les ressemblances qui leur sont fournies, car ils sont eux-mêmes en difficulté de catégorisation. L’augmentation du choix de matériel ne perturbe pas davantage les patients qui font déjà une confusion entre l’agent et le support de l’action. Par contre, la réduction des différences augmente les troubles puisque, plus le critère est proche, plus le patient est en difficulté de distinction.

Atechnie mécanologique générative : Défaut d’actualisation de l’engin. Les patients différencient bien et identifient bien les matériaux et les tâches à accomplir mais comme ils opèrent sur la base d’unités partielles, ils ne peuvent agencer plusieurs critères d’utilité, ils ne peuvent pas tout mettre en même temps et vont donc au plus direct, ce que Le Gall (1998) traduit par une manipulation centrée sur la « partie active » des objets, l’élément fonctionnel principal : le fer du marteau au lieu du manche par exemple. Cela peut donner l’impression d’une maladresse apparente sur l’orientation des ustensiles, des saisies non-conventionnelles, des persévérations, mais pas d’errance sur le choix. Un test piège peut être de fournir aux patients des ustensiles incomplets dont ils ne rechercheront pas la partie manquante, ou de proposer une certaine saisie qui ne sera pas modifiée. Par contre l’objet correctement mis en main est une aide et peut permettre d’initier l’action lorsque les patients touchent à tout sans véritablement rien prendre en main. Le nombre d’objets à utiliser successivement augmente les difficultés et les patients peuvent adhérer à l’ordre fourni mais l’augmentation du choix dans un assortiment n’exacerbe pas particulièrement le trouble.

Atechnie téléologique taxinomique : Défaut de différenciation de la tâche et donc de constitution d’un dispositif. Les patients qui ne sont guidés par aucune fin précise manifestent un comportement exploratoire par inventaire sans savoir ce qui est à faire. Ils peuvent rassembler des objets de manière peu conventionnelle, apparemment au hasard et surtout utiliser un ustensile à la place d’un autre. En fait les rassemblements peuvent se faire sur la base des critères de matériau, par couleur, forme, matière mais il en ressort une impression de mauvaise planification et de confusions des objets. Les patients peuvent être piégés par la fourniture d’engins insolites par rapport à l’action en cours et qu’ils intègrent dans leur activité sans refuser. Les saisies des objets peuvent être satisfaisantes et il n’y a pas de maladresse apparente mais l’augmentation du choix d’objets perturbe particulièrement les patients, et la restriction de l’assortiment au strict nécessaire peut être aidant.

Atechnie téléologique générative : Défaut d’actualisation de la machine et donc d’enchaînement des dispositifs qui donne l’impression d’un défaut de planification ou d’initiative. Les patients opèrent sur la base d’unités partielles téléologiques. Les actions sont donc réalisées de façon fragmentaire, chacune se suffisant à elle-même, ou avec des interruptions, des hésitations, des retours en arrière sans qu’aucune action, aucun dispositif n’en appelle un autre. Les patients, ne sachant pas dans quel ordre s’y prendre et donc par où commencer, peuvent ne rien faire malgré leur verbalisation. Par contre les saisies sont plutôt bonnes. Du fait de l’adhérence à l’ordre fourni, la présentation successive du matériel peut être aidante ou perturbante suivant qu’elle est bonne ou non.

Les tableaux 3 et 4 et 5 proposent une illustration sous forme de portraits robots des différentes atechnies à partir des propositions de Le Gall (1998), Gagnepain (1990) et Le Guennec (1992, 2015).

Tableau 3. Synthèse des troubles techniques taxinomiques et génératifs

Atechnies TaxinomiquesAtechnies Génératives
Défaut d’opposition

Difficultés d’inclusion de diversité structurale.

Difficultés de reclassement, activité en apparence incessante et incohérente.

Similarité excessive, convergence incontrôlée.

Un choix en fait perdre un autre
Défaut de segmentation

Difficultés d’intégration de pluralité structurale.

Difficultés de redistribution, activité en apparence réduite et sans cohésion.

Solidarité / complémentarité excessive, concurrence incontrôlée.

Un segment en fait perdre un autre

Tableau 4. Portraits robots des atechnies téléologiques

Atechnies téléologiques : Perte du support, l’utilité ne contrôle plus l’analyse de la fin, le dispositif est aléatoire
Taxinomiques   Génératives
Défaut d’analyse différentielle de la fin, la fin ne permet plus de différencier des moyens.

Perte de la tâche et de la complémentarité téléologique (syndèse) avec maintien de la machine et du type.

La similarité téléologique s’exerce sans contrôle différentiel, toutes les fins se ressemblent.

Déséquilibre de la dialectique polytropie-synergie, non contrôle de la diversité téléotique, une même fin pour assurer n’importe quelles tâches différentes.

Les tâches ne s’excluent plus les unes et les autres dans des ensembles d’actions cohérentes.


Extension indéfinie du champ téléotique. L’opération est indéfinie, tout peut servir à faire n’importe quoi.

Errances autour d’identités partielles : confusion d’ustensiles, réunion aléatoire d’ustensiles dans des opérations indéfinies. Actions relevant d’un autre champ.

Difficultés de reclassement du matériel disponible, adhérence aux catégories proposées.

Manipulation conservée.

Trouble augmenté par le nombre d’ustensiles et la présence d’ustensiles inutiles à l’action en cours.
Défaut d’analyse segmentale de la fin, la fin ne permet plus de contraster des moyens.

Perte de la machine et de la similarité téléologique (type) avec maintien de la tâche et de la syndèse.

La complémentarité téléologique s’exerce sans contrôle segmental, toutes les fins se suffisent.

Déséquilibre de la dialectique polytélie-périplasie, non contrôle de la pluralité téléotique, une fin unique peut assurer une infinité de machines.

Les machines ne se délimitent plus dans une cohésion d’étapes et ne s’obligent plus entre elles dans un programme d’action.

Chaque opération est une unité isolée, pas de constitution d’appareillage, l’appareillage se réduit jusqu’à l’inaction.

Persévérations autour d’unités partielles : juxtaposition d’opération au coup par coup, action fragmentaire, défaut d’initiative.

Difficulté de redistribution du matériel disponible, adhérence à l’ordre fourni.

Manipulation conservée.

Trouble diminué par le pré-découpage en étapes.

Tableau 5. Portraits robots des atechnies mécanologiques

Atechnies mécanologiques : Perte de la fonction, le dispositif ne contrôle plus l’analyse des moyens, utilité aléatoire
Taxinomiques   Génératives
Défaut d’analyse différentielle du moyen

Perte du matériau et de la complémentarité mécanologique. (covariance) avec maintien de l’engin et de la covalence 

Les matériaux ne s’excluent plus de manière cohérente, les matières, les couleurs se confondent : pseudo-agnosie

La ressemblance mécanologique s’exerce sans contrôle différentiel, tous les moyens se ressemblent. Un même moyen pour assurer des matériaux différents

Déséquilibre de la dialectique polyhylie-polyergie non contrôle de la diversité mécanique, un même réel envisageable pour assurer des matériaux différents.

La qualité utile est indéfinie, tout peut être utile ou non. N’importe quel critère matériel pour tenter de faire l’affaire.

Errances autour d’identités partielles : confusion d’ustensiles, confusion de l’agent et du support, exploration incertaine, incapacité à identifier un objet présent.

Maladresse apparente.

Trouble augmenté par la ressemblance des matières.
Défaut d’analyse segmentale du moyen.

Perte de l’engin et de la similarité mécanologique (covalence) avec maintien du matériau et de la covariance.

Les engins ne délimitent plus les différentes parties d’un ustensile : saisies par la partie active

La solidarité mécanologique s’exerce sans contrôle segmental, tous les moyens se suffisent. Chaque qualité utile est une unité isolée, pas de constitution d’ustensile

Déséquilibre de la dialectique plurihylie-hylotomie non contrôle de la pluralité mécanique, un unique réel pour assurer des engins distincts. Un seul pour tous.

Difficulté à enchaîner des différences de moyens, d’intégration de tous les matériaux dans un seul engin, l’ajout d’un en faisant perdre d’autres.

Persévérations autour d’unités partielles : saisies anormales, saisie par la « partie active ».

Maladresse apparente.

2.3 Mise à l’épreuve de la clinique, études de cas

Pour illustrer les portraits-robots précédemment exposés, je vais maintenant présenter trois études de cas de patients rencontrés avec l’équipe de l’unité de Neuropsychologie du CHU d’Angers et dont je vais discuter la conduite en fonction des propositions formulées au travers des portraits-robots [3]. Pour écarter toute implication de potentielles séquelles d’hémiplégie droite, ces patients ont été examinés au niveau de la main gauche ce qui, dans les tests proposés, ne pose pas de problèmes à des sujets du même âge ne présentant pas de lésions cérébrales.

Trois mois avant que nous ne commencions à le rencontrer, LF a présenté un accident vasculaire ischémique sylvien gauche responsable de lésions fronto-temporo-pariétales. Au plan moteur, il persistait une discrète hémiparésie au niveau du membre supérieur droit. Pour parler succinctement du langage, au moment de l’examen, l’expression orale est très modérément réduite, avec un discret manque du mot mais pas réellement de tendance à la paraphasie ni à l’agrammatisme. Au cours de plusieurs séances d’une même semaine nous lui avons proposé plusieurs tests visant à tester l’utilisation d’objets usuels dans des conditions de choix multiple ou de choix réduit ainsi qu’un test de résolution de problèmes techniques. Ce test est constitué de 3 boites de plexiglas, donc transparentes, à l’intérieur desquelles sont coincées des petites pièces, billes ou cubes, que nous demandons d’extraire à l’aide de tiges de bois ou de métal plus ou moins longues et flexibles (acier, liège, étain…, voir Jarry et al., 2016a ) [4]. Dans les épreuves d’utilisation d’objets usuels appariés demandant de choisir un ustensile, agent, et de l’utiliser avec le support adapté (par exemple : la paire de ciseaux avec la feuille, l’ampoule avec la douille…) [5] LF ne montre pas de maladresse ni de tendance pathologique à l’exploration d’objets non pertinents. Quelques rares substitutions peuvent se retrouver dans le choix d’objets mais elles sont rapidement autocorrigées. Dans notre test des boites de plexiglas, il échoue à résoudre un problème consistant à aller chercher au fond d’une cheminée un petit cube qui dispose d’un anneau métallique pour le saisir en faisant un crochet avec une tige d’étain suffisamment longue. En choix multiple, il pose à côté de la boîte quelques tiges avec un certain rapport morphologique d’angles mais n’atteint jamais le cube, d’ailleurs il n’est pas sûr qu’il essaye. En choix restreint, il frotte la tige proposée le long de la boîte sans jamais aller à l’intérieur, vers le cube. Sa conduite particulière se retrouve mise en exergue dans une activité multi-tâche où nous présentons dans un premier temps tout un ensemble d’objets pour faire du café, de la peinture et mettre une fleur dans un vase. Dans une apparente perplexité, il pose d’abord le soliflore sur la feuille où est esquissée une étoile à peindre, et fait une pause. Il déplace un bol, fait une pause, touche quelques autres objets, fait une pause. Puis, il met l’entonnoir dans le bol, prend le doseur, la repose, ouvre le pot de café, reprend le doseur et met du café dans l’entonnoir. Il fait glisser ce dernier dans le bol comme s’il tamisait, il fait une pause. Il verse de l’eau dans le bol à travers l’entonnoir, fait une pause. Il installe le filtre à café dans la cafetière, fait une pause. Enfin, il verse le contenu du bol dans le soliflore à l’aide de l’entonnoir et s’arrête encore. Il apparaît une conduite perplexe, des hésitations, quelques confusions et beaucoup d’interruptions. L’ensemble nous paraît évocateur d’une juxtaposition d’opérations au coup par coup, où chaque fin se suffirait à elle même, un excès possible de complémentarité téléologique, faute d’un contrôle de la périplasie. Nous faisons donc l’hypothèse d’une atechnie générative téléologique.

GJ a présenté un déficit moteur de l’hémicorps droit suite à un hématome fronto-pariétal gauche également responsable d’une aphasie dite « motrice » avec manque du mot, paraphasies phonologiques, débit articulatoire ralenti (dysarthrie) mais sans trouble de la compréhension. Comme LF, GJ présente de très discrètes difficultés de choix d’agents dans l’utilisation de paires d’objets usuels et ne montre pas de tendance marquée à explorer des items non-pertinents. Par contre, elle présente quelques maladresses apparentes. Lors d’une séance, ses erreurs concernent trois items dans une tâche classique de mime d’utilisation : elle retourne plusieurs fois une multiprise dans sa main, sans être sûre de son orientation et sans mimer le fait de la brancher ; elle saisit un peu maladroitement une allumette avec une pince pouce, index et majeur au niveau de l’extrémité non-inflammable, puis pose plusieurs fois la tête inflammable sur la table, mais sans réellement mimer le grattage nécessaire ; enfin, elle se montre également inefficace avec le décapsuleur, qu’elle saisi bien par le manche mais fait osciller de droite à gauche dans un plan horizontal, sans mimer le levier. Cette dernière conduite se retrouve également quand nous lui tendons les objets réels après le mime. Elle pose le décapsuleur sur la capsule dans un sens puis dans un autre sans jamais faire levier. Elle pose l’allumette sur la bougie sans l’allumer, puis la gratte avec succès mais ne revient pas vers la bougie. Elle hésite pour orienter et brancher la multiprise. Elle utilise un marteau pour enfoncer une vis et essaye mais sans succès, le tournevis avec le clou. Dans notre test des boites transparentes, elle semble bien viser le cube ou la bille qu’elle réussit à faire bouger mais ne réalise pas habilement les actions nécessaires pour les faire sortir complètement. Par exemple, pour une boite, elle insiste avec une tige d’étain assez longue mais ne fait pas le crochet nécessaire pour remonter le cube. Dans les 2 autres boites, elle semble prendre en compte la longueur des tiges mais pas leur rigidité ou leur flexibilité nécessaire. Cette variation autour d’un critère de longueur ne prenant pas en compte d’autres critères, nous suggère une persévération autour d’unités partielles, un déficit d’analyse en engin et de contrôle de l’hylotomie. Avec les quelques défauts de manipulation, l’ensemble nous amène à proposer l’hypothèse d’une atechnie mécanologique générative très modérée. Par rapport au portrait-robot, GJ ne réalise pas de saisie par la partie active. Par contre, elle montre parfois une certaine tendance à utiliser d’abord ses mains avant de faire intervenir un outil.

YB présente une hémiparésie droite résiduelle de l’hémiplégie initiale et une aphasie dite de Broca suite à un AVC sylvien gauche. Dans l’ensemble des tâches d’utilisation d’objets elle montre des difficultés de saisie et de manipulation marquées. Elle prend généralement les objets directement, sans contredire leur sens de présentation éventuellement inapproprié, puis les pose ou les frotte sur la table de manière persévérative, sans mimer d’opération précise. Cette saisie directe l’amène à prendre le couteau, le tournevis et le tire-bouchon par la partie active. Dans les modalités de choix multiple, un probable déficit d’analyse différentiel des fins se manifeste par des confusions d’ustensiles et d’opération. YB montre une tendance à choisir n’importe quels objets agents et à les poser ou les frotter sur les différents supports. Quelques items sont réussis comme la prise, l’ampoule et le pichet qui semblent plus faciles que les autres, sans doute du fait du rapport morphologique direct entre l’objet et le dispositif support. De plus, YB tente d’agir sur certains supports directement à la main comme GJ. Avec la réduction du choix, il persiste des difficultés pour manipuler les objets et pour terminer les actions, mais le comportement d’YB ne témoigne pas d’une franche compréhension des opérations à réaliser. Pour notre épreuve de résolution de problème mécanique elle fait peu, touche beaucoup les boîtes avec ses mains sans utiliser d’objets médiateurs, et quand elle prend des tiges, c’est pour les poser et les laisser à l’intérieur des boîtes. La réduction du choix améliore peu la performance. À aucun moment YB n’effectue véritablement les actions nécessaires de crochetage ou de levier. Enfin, sa conduite est également réduite et persévérative dans les activités multi-tâches (café, peinture…). En choix multiple, elle prend le pinceau puis désigne ou touche avec chaque autre ustensile, chacun leur tour, et revient mimer le fait d’écrire ou de peindre sur la feuille devant elle. Elle s’arrête quand elle les a tous passés en revue. En fait, elle donne l’impression d’avoir effectué la tâche d’écrire le nom de chaque objet sur la feuille, cela de manière assez hésitante et découpée. En choix restreint, pour le café elle insère le filtre fermé à son emplacement. Sur sollicitation, elle allume la cafetière sans eau et sans café puis met de l’eau dans le filtre. Pour la fleur, après hésitations et sollicitations, elle la met dans le soliflore sans en avoir retiré l’entonnoir qui a permis de verser l’eau. Enfin, pour l’item « peinture », elle prend le pinceau, le repose, met de l’eau dans le bol, reprend le pinceau puis touche la palette avec. Puis elle touche plusieurs fois la feuille puis la palette avec le pinceau alternativement. Peut-être qu’elle peint, mais sans peinture ? À ce stade de la réflexion, nous émettons l’hypothèse, chez YB d’une conjonction probable de troubles taxinomiques et génératifs même si la conduite générale, réduite et persévérative, oriente peut-être un peu plus vers un déficit génératif.

En conclusion, retour sur la méthode

L’anthropologie clinique propose de trouver un critère de résistance à ses hypothèses dans la clinique, et particulièrement pour ce qui concerne l’utilisation d’objets, dans la clinique des patients cérébrolésés, en les confrontant à des tests pièges permettant de mettre en exergue des principes d’impossibilité, impossibilité de faire autrement, dans une logique différentielle : « ce que l’un peut faire, l’autre ne peut pas le faire, et réciproquement. » (Schotte, 1997, p. 169). La clinique devient alors une démarche de validation d’hypothèses logiquement construites à partir du modèle et les symptômes qui intéressent cette clinique ne sont pas anecdotiques ou fortuits mais doivent être construits par la situation d’examen, donc prévisibles et reproductibles (voir Le Gall, 1998).

C’est dans ce sens qu’avec mes collègues nous avons initialement pensée la tâche de résolution de problèmes mécaniques (les boites de plexiglas), afin de commencer à mettre à l’épreuve les portraits-robots pour chacun desquels nous avions des attentes particulières vis-à-vis de certains indicateurs comme la fluidité de la conduite, l’influence du choix multiple, l’exploration et l’utilisation d’outils pertinents et non pertinents, les différentes persévérations etc. Plus précisément, d’un point de vue mécanologique, la variation de la forme et de la matière des tiges devait nous permettre de mettre en évidence une impossibilité taxinomique d’identification de l’outil pertinent avec des conduites d’approche, une exploration incertaine des outils traduisant un excès de ressemblance (polyhylie) où toutes les matières peuvent converger. Elle devait également nous permettre de mettre en évidence des persévérations autour d’unités partielles, traduisant un défaut génératif d’actualisation de l’engin, un excès de solidarité (plurihylie). Concernant la téléologie, nous attendions que les différentes composantes des boîtes, impliquant des opérations de levier, de tirage ou encore de crochetage puissent piéger des patients présentant, par déficit taxinomique et excès de similarité (polytropie), une incapacité d’identifier les tâches à accomplir. Au niveau génératif, nous imaginions qu’un excès de complémentarité (polytélie) puisse se manifester sous la forme de difficultés de planification, d’actions avortées, d’opérations non-enchaînées ou non-terminées, se suffisant à elles-mêmes.

Schotte (1997) précise que si les tests doivent piéger les patients, il est tout aussi vrai qu’ils ne doivent pas piéger les sujets qui ne présentent pas de déficits. Il précise également trois principes généraux pour l’étude scientifique des pathologies humaines (voir aussi Le Gall, 1998) :

  • Les phénomènes ne sont pas les causes.
  • Des symptômes en apparence dissemblables ou de complication inégale peuvent être l’expression d’un seul et même trouble.
  • Des symptômes peuvent être l’effet incident d’un trouble sur un fonctionnement lui-même intact.

À ce titre, les illustrations apportées ici montrent que la confrontation des hypothèses avec la réalité de la conduite des patients est un exercice périlleux et que certains symptômes interprétables d’une manière, comme l’altération d’une face ou d’un axe, pourraient tout aussi logiquement être interprétés d’une autre manière. Les productions des patients déstabilisent souvent nos projections théoriques et ce que nous attendons des épreuves. Par exemple, il apparaît, dans ce travail, que les patients que nous avons classés sous l’étiquette d’une atechnie générative manifestent une tendance à mimer plutôt qu’à réaliser franchement les activités, donc à « faire sans faire ». Cette constatation doit questionner la théorie. Cette tendance au mime reflète-t-elle un trouble génératif de l’Outil analogique aux stéréotypies de l’aphasie de Broca ? Est-ce un défaut mécanologique tel que la partie active est réduite à sa plus simple expression, la main ? Une autre constatation inattendue et surprenante liée à nos contraintes méthodologiques (utilisation de la main non dominante, indemne de tout déficit sensori-moteur) se retrouve dans l’incapacité des patients à contredire leur latéralité dominante et manipuler, comme nous le demandons, les objets avec la main gauche, alors que cela ne pose aucun problème à des sujets contrôles. YB par exemple, manifeste des défauts de manipulation en saisissant certains objets par la partie active uniquement avec la main gauche. Cela veut-il dire que le système de l’Outil influence la latéralité, peut-être même l’organise-t-il ? En revanche, comme nous avons pu l’observer pour de nombreux autres patients, elle produit ce que nous attendons pour des items comme la prise, l’ampoule ou le pichet. Cela est sans doute, comme les erreurs, le fruit du raisonnement pathologique. Certains patients pourraient-ils faire autrement que réussir ces items, pathologiquement guidés par des rapports de matière, de couleur ou de forme ?

Enfin, comme nous l’avons déjà critiqué dans un article précédent (Jarry et al., 2017), et ce qui sera un des objectifs dans la poursuite de ces travaux, nous ne nous sommes pas donnés suffisamment ici la possibilité d’expérimenter l’implicite qui opère en nous et nous inscrit dans la situation expérimentale, au même titre que le patient, au-delà de nos hypothèses théoriques. En effet, ce travail minutieux ne peut se faire sur la base de quelques observations saisies au cours d’une hospitalisation mais seulement au travers d’un suivi long et régulier impliquant le patient, le thérapeute et le chercheur (Duval-Gombert et Le Gac-Prime, 1997 ; Le Gac-Prime, 2010). Néanmoins, le visionnage des vidéos a posteriori nous a initiés de manière inattendue à la prise de recul sur notre attitude et son influence dans la situation expérimentale, en fonction de la manière dont certains patients nous ont interpellés et sollicités au cours des séances. Par exemple, il nous est arrivé de nous rendre compte d’une tendance de notre part à faire produire des patients qui hésitaient à prendre les objets ou semblaient perplexes quant aux tâches à accomplir. Ils exprimaient pourtant clairement leurs difficultés et justifiaient leur réduction d’activité : « je ne sais pas », « je ne vois pas », « je … ? » ou nous interrogeaient du regard en touchant certains objets. Mais de notre côté, nous les encouragions en fait à produire des erreurs, notre attendu, par quelques phrases qui restaient dans la limite de nos consignes (« oui c’est ça, faites », « vous pouvez prendre les objets, allez-y ») mais qui n’ont pratiquement jamais émergées dans les rencontres avec les sujets contrôles. Paradoxalement, dans l’instant de ces situations, nous ne percevions pas que les patients nous interrogeaient, c’est un comble, justement sur ce qu’il fallait faire ! [6]

Pour conclure, il me semble que ces observations et commentaires illustrent bien comment, dans une démarche clinique expérimentale, des propositions théoriques permettent de construire des observations, de faire émerger des conduites qui ne sont pas immédiatement observables chez des patients mais aussi comment, en retour, la résistance conjoncturelle des phénomènes peut alimenter la réflexion théorique et poser de nouvelles questions. L’étude de cas ne correspond jamais au cas pur imaginable à partir de la théorie (Guyard, 1999) et finalement, « … ce qu’on teste, c’est moins le malade que la valeur de notre propre explication. » (Gaborieau, 2006).

Remerciements

Je remercie vivement Dr. Frédérique Etcharry-Bouyx, Dr. Valérie Chauviré, Dr. François Osiurak, et M. David Delafuys pour leur aide précieuse et leur participation à la rencontre et à l’examen des patients. Je remercie aussi très largement Pr. Didier Le Gall pour son accompagnement et son orientation dans mes réflexions et questionnements depuis de nombreuses années. Enfin, je remercie chaleureusement les patients pour leur coopération sans laquelle ce type de travail serait bien sûr impossible.

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Notes

[1Le Guennec (2015).

[2À ce propos, le lecteur pourra également consulter la discussion sur les « techniques du corps » proposée par J.-M. Le Bot (2009).

[3Le lecteur trouvera d’autres illustrations issues de nos travaux dans un ouvrage publié récemment, Jarry et al., (2016b).

[4Consigne de ce test : « En utilisant un des objets qui sont présentés devant vous, montrez-moi comment vous pouvez faire sortir la pièce qui est coincée dans cette boîte.  ». Il est également montré au sujet qu’il peut bouger la boîte sur le plan vertical mais qu’il ne peut pas la soulever, accompagné de la consigne : « Vous pouvez bouger la boîte, comme ça, mais vous ne pouvez pas la soulever. ».

[5Consigne de ce test et exemple : l’examinateur dispose le premier dispositif d’exemple (un cadenas) sur la table, devant le sujet. Tout en installant le dispositif, il donne la consigne : « En vous servant d’un des objets présentés sur ce support, je vais vous demander de faire ce qu’il y a à faire avec ça ». En saisissant la clef et en ouvrant le cadenas, il précise : « Par exemple, il est possible de faire comme ceci. ». Ensuite, le cadenas est refermé et la clef reposée sur le support, suivie de la consigne : « À vous maintenant. ». Chaque dispositif est proposé un par un avec la consigne : « Allez-y, montrez-moi comment vous feriez avec ça. ».

En modalité de choix multiple, imposant un choix avant utilisation, tous les objets « agents » sont présents simultanément sur le support de présentation. En modalité de choix restreint, seul l’ « agent » correspondant à chaque dispositif « support » est présenté pour chaque item.

[6Une discussion fortement source d’inspiration pour moi à ce sujet se retrouve chez Duval-Gombert et Le Gac-Prime (1997).


Pour citer l'article

Christophe Jarry« Ergologie : développements théoriques et mise à l’épreuve clinique », in Tétralogiques, N°23, Le modèle médiationniste de la technique.

URL : https://tetralogiques.fr/spip.php?article89