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Axel Augé, Gérard de Boisboissel

Axel Augé, maître de conférences des Universités, Liris, Université de Rennes 2 (EA 7481) et Crec Saint-Cyr (escc) axel.auge chez st-cyr.terre-net.defense.gouv.fr
Gérard de Boisboissel, ingénieur de recherches, Crec Saint-Cyr (ESCC) gerard.deboisboissel chez st-cyr.terre-net.defense.gouv.fr

L’acceptabilité relative de l’augmentation technique des performances physico-cognitives du combattant. Enquête auprès des élèves-officiers et de leurs cadres aux Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan

Résumé / Abstract

Le désir de dépasser ses limites biologiques est très ancien et s’enracine au sein des armées dans une recherche d’efficacité opérationnelle. Dans l’institution militaire, la technologie démultiplie la puissance. Or les nouvelles perspectives qu’offrent les nanotechnologies, la biotechnologie, l’informatique et les sciences de la cognition peuvent améliorer les capacités du combattant et augmenter son rendement sur les théâtres d’opération. Mais si l’impact des innovations technologiques sur la guerre n’est plus à démontrer, l’acceptabilité physico-cognitive de l’augmentation des performances du soldat ne va pas de soi. L’enquête empirique menée aux Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan auprès des officiers en formation initiale de l’armée de terre et de leurs cadres révèle que l’acceptation des techniques ayant un effet direct sur le corps des soldats pour accroître leurs performances opérationnelles suscite un engouement limité, en particulier lorsque ces techniques peuvent présenter des risques d’effets iatrogènes (indésirables) ou d’altération de l’organisme, ou si elles transforment l’identité professionnelle, le statut et les positions du combattant. Cet article montre que des processus symboliques et sociaux entrent en jeu dans l’économie générale de l’acceptabilité des dispositifs techniques et technologiques d’amélioration des performances du soldat au combat.

Mots-clés
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Les données empiriques utiles à l’écriture de cet article ont été collectées en milieu militaire par les sous-lieutenants Loghan Viaud et Clément Serreta, élèves du deuxième bataillon de l’école spéciale militaire de Saint-Cyr. Nous les en remercions.

L’amélioration des capacités du combattant au moyen des innovations technologiques suscite de fortes controverses depuis plusieurs années dans les milieux militaires et universitaires. Pour le chef militaire, le développement des technologies au service du combat est une évidence. La technologie militaire démultiplie la puissance [1] et procure une supériorité tactique. Les guerres menées après les attentats du 11 septembre en 2001 à New York ont montré le bond technologique [2] des armées modernes et leur supériorité sur l’adversaire. Dans le monde universitaire, le problème de l’innovation technologique comme voie d’amélioration des domaines d’activités (communication, travail, action militaire, aide à la personne, médecine, etc.) se pose en termes d’invention, de diffusion, d’acceptabilité et d’appropriation par l’homme ; y compris pour l’individu militaire pour lequel le combat, considéré comme le but final des armées, fait de celui-ci son principal instrument [3]. Mais, l’invention [technologique] écrit Marc Bloch n’est pas tout. Encore faut-il que la collectivité l’accepte et la propage [4]. Il s’agit là d’un enjeu majeur pour la conduite des opérations militaires où entre en jeu la place de l’homme en général et du combattant en particulier c’est-à-dire le soldat, le marin ou l’aviateur.

Mais la question se pose d’autant plus avec l’apparition de nouvelles technologies telles que les NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences de la cognition) dont la convergence ouvre des perspectives inédites de renforcement des capacités humaines dans le domaine physique et intellectuel. On passe ici du monde traditionnel de l’équipement militaire classique avec ses problématiques d’appropriation et d’usage telles que décrites ci-dessus, mais non invasif, à un monde où la technologie peut désormais avoir un effet sur l’Homme lui-même et son intégrité, dans l’optique de dépasser ses limites physiques et physiologiques.

Ces nouvelles techniques sont soit a) pharmacologiques [5], au travers de substances administrées par voie entérale (per os) à effet physiologique ciblé mais qui peuvent présenter des risques d’effets iatrogènes (indésirables), soit b) invasives et qui altèrent l’organisme, comme la pose d’implants, soit c) l’anthropotechnie chirurgicale qui peut aller jusqu’à des transformations irréversibles du corps humain.

La définition générale retenue pour caractériser le combattant augmenté est celle d’un soldat dont « les capacités sont augmentées, stimulées ou créées dans le but de renforcer son efficacité opérationnelle. Ces augmentations vont de la modification physiologique, ou d’un changement d’état psychologique, à l’utilisation de moyens qui faisant corps avec lui, assurent la continuité de l’amélioration de ses capacités corporelles, sensorielles, physiques ou cognitives [6] ».

Mais comment le combattant peut-il accepter d’augmenter ses capacités à partir de moyens technologiques ayant un effet sur lui ? Pourquoi et à quelles conditions le combattant est-il prêt à intégrer l’innovation par des substances ou des implants pour conduire l’action opérationnelle ? Le soldat n’est-il qu’un acteur rationnel soumis aux seules injonctions d’efficacité ou au contraire, ses actes donnent-ils à voir des procédures normatives et symboliques qui organisent ses choix et l’appropriation technologique ?

À l’aide d’une enquête quantitative menée auprès d’officiers et d’élèves-officiers des Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, cet article s’intéresse aux perceptions et aux conditions d’acceptabilité individuelle et sociale des innovations technologiques par les élèves-officiers dans le but d’augmenter leurs performances au combat.

Alors que les résultats d’enquête confirment que la majorité des interrogés est favorable à l’usage des technologies pour augmenter les performances du combattant, une analyse plus fine révèle que cette tendance de départ doit être nuancée lorsque l’on touche à l’intégrité physique ou psychologique du combattant. L’enthousiasme des enquêtés pour ces technologies est à interpréter comme le résultat d’un consentement implicite vis-à-vis d’une technologie et non pas comme l’expression d’une adhésion explicite à l’élargissement d’un usage sans limite de la technologie au nom de la performance sur le terrain [7]. L’article avance l’hypothèse d’un engouement limité des officiers et des élèves-officiers pour l’usage des technologies destinées à augmenter les performances humaines du combattant, en particulier lorsque celles-ci transforment l’identité professionnelle, le statut et les positions au combat. Dit autrement, les officiers et les élèves-officiers conditionnent à des questions de statut et de position l’usage des technologies pour augmenter les performances humaines au combat. Ces technologies sont aussi invasives ou administrées par voie entérale, ce qui par nature préoccupe le sondé qui peut y voir une agression contre son intégrité et une perte de maîtrise de ses capacités naturelles.

Nous avons partagé l’article en trois parties. Une première partie présente la méthode et les modèles utilisés pour définir l’acceptabilité de l’augmentation des performances du combattant et leur acceptation sociale, ainsi que la classification retenue pour ces augmentations. Une deuxième partie examine les principaux résultats de l’enquête empirique en présentant les résultats de 12 questions portant sur des procédés d’augmentation ayant un effet direct sur le combattant et posées aux élèves-officiers et aux cadres des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan. Enfin une troisième partie porte sur les motivations sociales et professionnelles expliquant le recours à la technologie comme facteur de performance en contexte opérationnel et revient sur les dimensions humaines et sociales qui limitent l’usage des technologies au service du soldat augmenté.

Pour rendre compte des perceptions à l’échelle des interrogés, nous mobilisons le concept d’acceptabilité sociale.

1. Acceptabilité et performances du soldat : définition et méthode

Le développement de l’exosquelette, de l’intelligence artificielle au combat et la transparence du théâtre dû aux systèmes d’informations ouvrent des perspectives nouvelles de renforcement des capacités humaines. Pourtant, les élèves-officiers en formation initiale aux Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, figures de la génération Y habituées à zapper, twitter et communiquer en réseaux, affichent un engouement limité face à l’augmentation des capacités du combattant. « Natifs numériques », dans une société où les Réseaux sociaux ordonnent tout, ces élèves voient le progrès technologique comme un instrument au service de l’homme et non comme une fin en soi, y compris au combat. Or une technologie invasive bouleverse la perception qu’a l’homme de la maîtrise de lui-même, la technologie apparaissant alors comme un moyen de le mettre au service d’un but qu’il doit atteindre sans pouvoir se contrôler, se percevant lui-même comme une machine à perfectionner. Ce saut technologique pose la question de l’acceptabilité de l’outil technique et ses usages, soit d’une façon générale pour ses usages et leur nécessaire acceptabilité sociale, soit pour ses effets sur l’être humain.

1.1 Acceptabilité sociale et enjeux pour l’action militaire

L’acceptabilité sociale désigne les modes de représentation et de signification des individus ou des groupes sur l’utilité et l’utilisabilité d’une technologie pour augmenter les performances du soldat au combat.

Florence Terrade [8] définit l’acceptabilité sociale à travers la question des usages et de l’utilisabilité des technologies. L’acceptabilité porte sur la représentation subjective de l’usage de la technologie et les dimensions pertinentes à prendre en compte sont l’utilité, l’utilisabilité perçue, les influences sociales et les conditions supposées de déploiement de la technologie [9]. Cette définition est intéressante car elle fait apparaître le soldat sous les traits de l’homo symbolicus préoccupé dans ses actes par des valeurs et des normes distantes d’une rationalité instrumentale. Une telle posture fait référence au travail déjà ancien de Max Weber sur l’action rationnelle en valeurs dans laquelle, les individus déterminent leur comportement en relation avec leur système normatifs. L’acceptabilité sociale est tout d’abord liée à l’innovation technologique et s’interprète à partir de deux modèles.

  • Le premier modèle, basé sur une approche coût-avantage, conditionne l’acceptabilité des procédures d’amélioration des capacités du combattant aux avantages opérationnels. Dit sous une autre forme, l’innovation technologique est acceptée à condition qu’elle libère le soldat de certaines tâches en assurant une valeur ajoutée à l’action militaire dans le domaine de la mobilité, de l’emport de charge, du ciblage ou de la protection.
    Ce modèle, matérialiste et utilitariste, met en avant une rationalité instrumentale et réduit le soldat à la figure de l’homo rationalis exclusivement portée par les possibilités technologiques d’amélioration de ses capacités au combat. La technologie est acceptée et utilisée si, et seulement si, elle satisfait un besoin opérationnel [10] ; mais pas dans n’importe quelles conditions, car l’homme reste et restera au cœur de la mêlée [11] comme le souligne l’autre modèle basé sur l’intention individuelle et des dimensions symboliques d’interprétation d’acceptabilité.
  • Ce deuxième modèle énonce que les normes subjectives et les valeurs déterminent la capacité du soldat à accepter l’outil technologique comme moyen d’amélioration des aptitudes au combat, d’autant plus si son intégrité physique ou psychologique s’en trouve modifiée. L’ajout de cette dimension axiologique dans l’interprétation de l’acceptabilité permet de rendre compte que la rationalité instrumentale du soldat est complétée de dimensions symboliques explicatives de ses choix, de ses actes et de ses comportements. Pierre de Villiers rappelle à ce titre, « qu’augmenter les capacités de l’Homme en le dotant d’un appareillage biotechnique, c’est le diminuer. Plus exactement, c’est augmenter ses fonctions par une diminution de sa nature [12] ».

Ce deuxième modèle dépasse donc le réductionnisme du modèle utilitariste qui n’envisage les interactions que sous l’angle exclusif de préoccupations instrumentales portées par des individus militaires et les résultats de l’enquête quantitative menée à Coëtquidan confirme la tendance.

Il existe un certain nombre de normes qui régissent la société et conditionnent l’acceptabilité ou non d’une technologie. Ces contraintes seront développées plus loin, mais concernent l’ensemble des normes et principes moraux qui régissent le fonctionnement d’une société.

Or ces augmentations, comme le mettent en lumière les questions posées dans ce sondage, renvoient à des perceptions différentes selon qu’elles ont pour effet d’être liées à :

  • des équipements portés par l’Homme tels que les exosquelettes ou les lunettes de vision nocturne.
  • des substances invasives psycho ou physio stimulantes, sans effet secondaire.
  • des substances invasives psycho ou physio stimulantes, mais avec effets secondaires.
  • des implants invasifs, sous cutanés ou semi-extérieurs, intégrant des composants technologiques à effet directs sur le corps humain.
  • des augmentations anthropotechniques chirurgicales, par essence irréversibles.

1.2 L’enquête quantitative

Les résultats empiriques présentés dans cet article s’appuient sur une enquête quantitative par questionnaire réalisée en 2019 auprès d’officiers et d’élèves-officiers en formation initiale aux Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan (ESCC). Ils présentent les modes d’acceptabilité sociale des technologies invasives ayant un effet sur le combattant pour augmenter ses performances opérationnelles.

Les questions posées pour cette enquête ont été tout d’abord inspirées de scénarios prospectifs mais réalistes réalisés en 2018 par MM. Gérard de Boisboissel du CREC Saint-Cyr et Cyriaque Naut de l’ENS, à partir des technologies envisagées comme disponibles et approuvées à l’horizon 2025 ainsi que des exigences physiologiques nécessaires en milieu opérationnel. Ces scénarios ont été présentés à des opérationnels militaires, des médecins militaires et des universitaires. Sept élèves officiers, dont les deux auteurs de cet article, lors d’un projet pédagogique durant l’année académique 2018/2019, en ont déduit douze questions principales, représentatives de possibles expressions de besoins en augmentation du combattant et en les associant à un contexte militaire simple et crédible. Aucune restriction éthique ou juridique n’a été prise en compte, signifiant qu’aucun jugement de valeur impliquant une évaluation ou une appréciation subjective des résultats n’a été formulée [13]. Ces questions ont ensuite été validées par le commandement des Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, qui a donné son accord pour la réalisation d’un sondage auprès des élèves-officiers et officiers-élèves de l’école spéciale militaire (ESM) et de l’école militaire interarmes (EMIA). Le bureau qualité pilotage des écoles a ensuite mis en œuvre ledit sondage, sous la forme d’une enquête sociologique par questionnaire, via un outil accessible en ligne sur l’espace numérique de travail des écoles et selon un processus de contrôle rigoureux.

1.3 Présentation des échantillons

Les données résultantes proviennent d’un échantillon de 228 officiers et élèves-officiers en formation initiale aux Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan. Deux échantillons [14] ont été réunis. Le premier rassemble les élèves-officiers inscrits à l’École spéciale militaire (73%) et des officiers élèves de l’École militaire interarmes (25%) sur le camp de Coëtquidan. L’autre échantillon est composé des cadres militaires des écoles de Saint-Cyr et réunit majoritairement des capitaines (51%). Les personnes interrogées sont majoritairement masculines (88% sont des hommes contre 12% de femmes parmi les élèves-officiers ; chez les cadres, 98% sont des hommes et 2% sont des femmes) et jeunes (74% de l’échantillon d’élèves à moins de 25 ans tandis que chez les cadres 37% a moins de 35 ans).

L’échantillon des élèves-officiers étudié comprend 32 élèves-officiers du 1er bataillon de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr (ESM), 74 du 2ème bataillon et 63 du 3ème bataillon. Le numéro du bataillon auquel un élève-officier appartient se décrémente d’une année sur l’autre. Il entre ainsi au 3ème bataillon de l’ESM, l’année suivante intègre le 2ème bataillon, puis finit sa formation initiale au 1er bataillon de France. Il en est de même pour l’École militaire interarmes EMIA qui a participé au sondage à hauteur de 34 élèves-officiers de la 1ère brigade, et de 25 élèves-officiers de la 2ème brigade. Pour un total de 228 élèves-officiers.

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Graphique n°1. Nombre d’élèves-officiers sondés par niveau de formation

45 cadres des écoles, d’une moyenne d’âge environ de 38 ans, ont également complété ce sondage en se répartissant selon leur Arme d’origine, à savoir 17 de l’Infanterie, 8 de l’Arme Blindée Cavalerie, 9 du Génie qui sont les 3 armes dites de mêlée ou de contact, 5 de l’Artillerie, 3 des Transmissions, 1 du Train et 1 du Matériel formant les armes dites de soutien plus un de le Gendarmerie.

Enfin, chez les élèves officiers, le taux de féminisation de l’échantillon correspond au taux moyen que l’on retrouve au sein des promotions.

Tableau n° 1. Le genre

Statut professionnelHommeFemme% Femmes
Cadres 44 1 2
Elèves-officiers 200 28 12

2. Accepter les technologies invasives pour accroître les performances opérationnelles

À l’échelon tactique, et au-delà de l’enjeu du matériel performant, la question de l’augmentation des capacités du combattant est une évidence pour le chef militaire. Le capitaine Louis-Joseph Maynié [15], instructeur aux Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan précise les domaines où s’enracine les capacités d’augmentation du combattant : une plus-value à l’échelon tactique sur l’adversaire, repousser les limites physiologiques et physiques de l’individu avec une meilleure endurance, une meilleure résistance aux contraintes climatiques et une meilleure récupération, ainsi qu’accroître ses capacités cognitives telles que la perception et l’analyse de situation.

Les performances tactiques passent par la capacité du soldat à affronter des environnements climatiques hostiles. « Pouvoir rendre le corps plus tolérant aux grandes chaleurs comme aux grands froids, tout en le rendant indifférent à l’humidité constituerait une réelle augmentation et un vrai facteur de supériorité [16] ».

Dans ce domaine, le soldat utilise des éléments associés à son environnement professionnel comme l’accoutumance et la force morale. Ces deux approches apparaissent pour les combattants, y compris dans le groupe des élèves-officiers, comme des composantes essentielles de leur identité.

Pour ce qui est de l’avantage que peuvent apporter des équipements portés par l’Homme au niveau tactique, nous trouvons les technologies de protection, de mobilité comme l’exosquelette, de vision nocturne, de détection thermique ou de vision déportée permettant d’augmenter les sens du combattant et le protéger de toute blessure. Le sondage ne porte pas sur ce type d’augmentations car étant portées, elles ne sont pas invasives mais sont au contraire aisément retirables.

Nous présentons maintenant les questions qui ont été posées aux sondés, au travers des catégorisations retenues d’augmentation qui sont le dépassement des limites physiologiques par l’absorption de substances, l’usage de substances psychostimulantes, l’anthropotechnie chirurgicale et la pose d’implants invasifs.

Les graphiques suivants mettent en avant le genre féminin car ce dernier donne des tendances significatives et marque des écarts avec la population masculine. Il a été choisi, à l’inverse, de ne pas faire créer une catégorie genre masculin car ce dernier étant majoritaire, il est similaire à celui de l’ensemble des élèves-officiers (EO), évitant de surcroît une surcharge informationnelle pour les graphiques présentés et pour une meilleure lisibilité. Cette différence sera néanmoins étudiée plus en détail dans un paragraphe ultérieur. Le faible taux de femmes cadres rend la distinction « Homme/Ensemble » non significative pour les cadres.

2.1 Le dépassement des limites physiologiques

Une première catégorisation des augmentations invasives concerne le dépassement des limites physiologiques de l’individu, dont le sommeil est le meilleur exemple, par l’ingestion de substances chimiques capables de favoriser l’augmentation de la masse musculaire, d’améliorer la récupération et de permettre un meilleur métabolisme. L’alimentation améliorée par des compléments alimentaires diminue les carences qui s’accumulent immanquablement lorsque le rythme, la chaleur et la fatigue coupe l’appétit du soldat.

Physio.1  : dans un contexte opérationnel exigeant, vous devez rester 36h en autonomie complète, sans avoir la possibilité de vous reposer. Pour vous alléger on vous propose de prendre une gélule coupe-faim (mais qui n’apporte pas de nutriments) plutôt que vos rations, ce qui réduit votre charge. Acceptez-vous ?

Graphique Physio n°1. Gélule coupe-faim

La question Physio.1 correspond ainsi à un possible besoin en opération, celui de prendre une pilule pour ne pas ressentir la faim et ainsi éviter de se surcharger en emportant de lourdes rations pour les déplacements. Environ 40 % des personnes sondées y sont favorables, avec une répartition similaire selon les catégories de personnes (équivalence hommes/femmes, un pourcentage pour les élèves-officiers légèrement supérieur à celui des cadres). Ce résultat peut être interprété comme une acceptation de l’inhibition d’un indicateur physiologique pour accroître les capacités d’endurance du combattant, mais pour ses opposants, masquer une information physiologique empêche le combattant de se connaître dans l’épreuve, car « la douleur est une information ».

Physio.1bis  : en tant que chef de section, seriez-vous prêt à l’imposer à vos hommes pour le bon déroulement de la mission ?

Graphique Physio n°1bis. Gélule coupe-faim imposée par le chef

Il est intéressant de noter que la réponse à la question Physio.1bis qui demande si un chef de section l’imposerait à ses hommes, montre une diminution d’environ 50 % du taux d’acceptation de cette gélule. Il est deux fois moins accepté d’imposer quelque chose à ses hommes qu’à soi-même.

Noter que le terme « imposer » se réfère ici à un ordre donné, et non pas à une administration forcée.

La question Physio.2 propose aux sondés une substance préalablement ingérée, aux vertus analgésiques, c’est-à-dire supprimant la sensibilité à la douleur, et qui se déclenche automatiquement dans l’organisme en cas de douleurs.

Physio.2  : on vous présente une substance aux vertus analgésiques (supprimant la sensibilité à la douleur) et qui se déclenche automatiquement dans l’organisme en cas de douleurs. Cependant cette substance pourrait avoir des effets secondaires sur certains individus en engendrant une attitude plus irritable à long terme. Acceptez-vous cette substance pour vous ?

Graphique Physio n°2. Analgésique avec potentiels effets secondaires

On trouve une acceptation plus marquée que le cas précédent, autour de 50 %, même si un possible effet secondaire d’irritabilité à long terme est souligné, lequel peut être perçu comme mineur. Mais un point notable est que les armes dites de mêlée sont plus enclines à accepter cette substance, car elles vivent plus intensément dans leur chair les difficultés du terrain et les exigences d’endurance comme les marches longues. Et ces difficultés sont parfois si extrêmes, comme les déplacements de soldats au Mali ou en Afghanistan dans des températures élevées, portant des charges pouvant aller jusqu’à 50 kg où il n’est pas de choix autre que d’avancer, que la réponse à la question Physio. 2bis de son administration par son chef à sa section est sensiblement la même que pour lui-même.

Notre société est attirée par les lumières de l’hypertechnicité. Les jeunes de l’ESM 3 sont encore peu aguerris et peu formés aux exigences militaires. Ils idéalisent la capacité que peuvent apporter des substances analgésiques pour résister à la douleur et ainsi améliorer leur endurance dans l’effort.

Physio.2bis  : acceptez-vous de donner cette substance à votre section ?

Graphique Physio n°2bis. Analgésique avec potentiels effets secondaires imposée par le chef

On constate ici très peu de différence avec le sondage précédent malgré le fait que les conséquences d’irritabilité peuvent au final incomber à la décision du chef. Ce dernier montrant l’exemple, les effets indésirables sont considérés comme mineurs et il fait une transposition aux autres membres de sa section de l’usage qu’il en ferait pour lui-même.

La question suivante est relative au contexte. Elle met en situation de crise très sérieuse un équipage dont le sous-marin a une avarie grave, demandant à chaque membre du bord de prendre des risques pour lui-même afin de maximiser les chances de survie de tous :

Physio.3  : votre sous-marin connaît une grave avarie moteur et doit se poser sur les fonds marins. Les conditions météorologiques particulièrement difficiles obligent les 60 membres d’équipages à être en totale autonomie pour au moins 144 heures. Considérant les réserves d’oxygènes limitées, le commandant ordonne la prise d’une pilule pour ralentir le métabolisme afin de diminuer la consommation d’oxygène et maximiser les chances de survie de tous. Or un accident grave s’est produit au cours d’une expérimentation lors de tests cliniques précédents. Que décidez-vous ?

Graphique Physio n°3. Sous-marin

La question du sacrifice de soi pour une cause collective est mise en lumière, au travers d’un ordre donné qui peut avoir un effet sur le long terme pour la santé de chacun en cas de survie de tous. Les réponses positives sont élevées, de l’ordre de 75 % d’acceptation, mais pose néanmoins la question sociologique des 25 % restant, refusant d’obéir à l’ordre demandant de prendre des risques graves pour soi-même au profit de tous. L’éthique sacrificielle ne saurait-elle être acceptée par les 25 % autres, alors qu’elle est constitutive du métier de soldat ?

Nous constatons que l’ESM 1 donne le pourcentage d’acceptation le plus élevé. Cet élément est dû au fait que ces derniers suivent une intense formation au métier de chef de section. Dans cette logique, l’accent est mis sur leur future responsabilité des moyens matériels et humains dont ils auront la charge et sur la réussite de la mission.

2.2. Les substances psycho stimulantes

Si les exemples précédents portent plutôt sur la réaction à des agressions sur le corps humain (faim, douleur) ou sur le ralentissement du métabolisme, un autre type d’augmentation porte sur des substances permettant de mettre au top de son potentiel cognitif un combattant afin qu’il puisse décider et réagir au mieux de ses capacités pour ainsi faire face aux situations de danger extrêmes. Ce qui somme toute est le Graal du combattant déployé.

Psychostimulant.1 : vous avez la possibilité de prendre une substance qui accroît vos facultés cognitives et physiologiques pendant 48h. Elle laisse cependant place, après les 48h, à une période de trois jours d’incapacité nécessitant un repos total. Dans quel contexte la prendriez-vous ?

Graphique Psychostimulant n°1. Cognitif au top pour 48H sans effets secondaires : urgence opérationnelle

Cette question est intéressante dans le sens où aucune contrainte sur l’être humain n’étant précisée, la substance administrée donne un effet miracle sans effet secondaire à court terme, même si le soldat connaît trois jours d’incapacité post facto. La seule contrainte est que la fenêtre temporelle où l’action du militaire est optimisée est limitée à deux jours, après quoi le combattant est totalement in-opérationnel. Les résultats montrent une acceptation de la technologie qui reste marquée par la prudence, du fait qu’un chef militaire ne peut jamais être certain de la durée de sa mission, et qu’un soldat inapte rend un groupe complet inapte à sa mission.

86 % des élèves-officiers de l’ESM3 inscrits en première année acceptent un stimulus chimique pour accroître leurs performances cognitives et psychologiques sur un théâtre opérationnel. Ce taux élevé correspond à une vision romantique de la guerre et au fait qu’ils ont moins conscience du temps long de l’engagement en opération, étant donné qu’ils sont sans expérience concrète de l’action militaire. Beaucoup d’entre eux estiment que la guerre est une opération où le zéro mort est atteignable et le niveau de violence maîtrisé. Ainsi, plus les élèves prennent conscience que la guerre est une activité paroxystique de la violence, éprouvant les âmes et les corps, plus leur acceptabilité diminue.

C’est donc un risque difficile à accepter, que les deux tiers des sondés considèrent comme possible uniquement dans le cas d’une urgence opérationnelle. 8 % d’entre eux, et ce n’est pas négligeable, sont d’accord pour le prendre dans des circonstances moins exceptionnelles comme l’aguerrissement ou une évaluation d’aptitude physique. Il est aussi notable de voir que les sondés qui ont le moins de formation militaire sont les plus favorables ou les plus enthousiastes de cette opportunité.

Psychostimulant.1bis  : maintenant, cette substance a les mêmes effets, mais on ajoute le fait que sur certains individus, les tests ont montré qu’elle entame le potentiel physique à long terme : trouble de la concentration, courbatures, tendinites. Dans quel contexte la prendriez-vous ?

Graphique Psychostimulant n°1bis. Cognitif au top pour 48H avec effets secondaires : urgence opérationnelle

Un autre point étonnant est que si l’on rajoute une autre contrainte à l’utilisation de cette substance, à savoir qu’elle a des effets secondaires indésirables et invalidants après coup, son utilisation n’est acceptée encore une fois qu’en cas d’urgence opérationnelle, mais avec une baisse d’environ 15 % en comparaison du cas précédent.

2.3. Implants invasifs

Les procédés invasifs peuvent aussi être biotechniques et s’insérer directement dans le corps humain au travers d’implants sous cutanés. Leur caractéristique est que l’implant est installé chirurgicalement de façon irréversible, jusqu’à ce qu’il soit retiré par une autre opération.

Implants.1 : vous êtes sur un théâtre d’opération extérieur. Votre commandement vous demande de vous faire implanter une puce permettant de vous mettre en réseau avec les différents échelons, avec notamment une géolocalisation qui permettrait de vous retrouver plus rapidement en cas de capture. Vous êtes libre de votre choix que décidez-vous ?

Graphique Implants n°1. Implant géolocalisation

Ce graphique [17] montre que 62 % des élèves-officiers de l’École spéciale militaire (l’ESM3) inscrits en première année sont favorables à recevoir un implant dans le corps afin d’être géo localisés en cas de capture. À l’inverse, plus ils sont anciens dans la formation, et plus le pourcentage en faveur d’un implant de géolocalisation baisse. En dernière année de formation à Saint-Cyr, ils ne sont plus que 31 %. Cet écart s’explique par la représentation différenciée entre les anciens et les jeunes élèves officiers face à l’action militaire. Les élèves plus anciens ont une image de l’action militaire dans laquelle la violence est élevée ; les combattant sont blessés et sont exposés à la mort ; le combat meurtrit les corps et les cœurs. Pour les anciens, l’action militaire n’est pas un jeu. Leur plus grande maturité les amène à prendre et accepter avec plus de précaution les ingrédients de l’action militaire.

Il est ici intéressant de constater un taux relativement élevé de réponses positives, avec un intérêt opérationnel clairement indiqué. Néanmoins, pour certains des réticents, la peur que l’ennemi vous charcute pour retrouver et extraire votre implant a dû influencer les résultats.

Implants.2 : pendant une mission de surveillance, êtes-vous prêt à accepter un implant, configuré avant la mission par votre commandement, qui vous enverrait des stimuli sous forme de vibrations lors de vos phases d’endormissement ? Il ne peut pas être arrêté pendant la phase opérationnelle. Vous êtes libre de votre choix que décidez-vous ?

Graphique Implants n°2. Implant stimuli

Le cas ci-dessus est plus complexe à accepter, car l’implant en question vous administre des stimuli pour vous réveiller, mais sans vous laisser la moindre possibilité de contrôle. Seul l’ESM 3 entrevoit cette possibilité pour un tiers d’entre eux, pour les autres on est un peu au-dessus de 10 %. À noter que quasi toute la gent féminine est contre.

Implants.3 : tout comme actuellement dans certaines entreprises suédoises, les militaires travaillant dans des endroits très spécifiques peuvent être invités à s’équiper d’une puce biométrique cyber-protégée incrustée sous la peau, afin d’assurer une meilleure sécurité d’accès aux bâtiments et pour le verrouillage / déverrouillage de leurs postes de travail. Vous êtes invité à faire de même, mais êtes néanmoins libre de refuser, que décidez-vous ?

Graphique Implants n°3. Puce cyberprotégée pour accès sécurisé

Ce cas de figure reprend une pratique qui commence à se développer dans les pays nordiques. À la date de l’écriture de cet article, plusieurs milliers d’employés suédois acceptent de se faire implanter des puces cyber-protégées pour faciliter leur vie professionnelle (accès sécurisés, cantine etc.). Au risque d’une traçabilité qui interfère avec leur liberté individuelle. Le cadre présenté ici est militaire, avec un accès probable à des zones confidentielles et fortement sécurisées. Entre un quart et un tiers des personnes sondées se disent favorables, ce qui indique qu’elles font totalement confiance en la gestion de ces puces par les autorités qui les délivrent. Pour les élèves de l’EMIA, l’adhésion à ces procédés tient aux enjeux opérationnels qu’ils prennent en compte : plus, ils ont de l’expérience, et plus les objectifs opérationnels sont forts.

Implants.4 : dans le cadre d’une opération militaire de haute intensité, on vous propose de vous implanter temporairement une puce qui analyse vos niveaux de stress en déterminant votre fréquence cardiaque maximale et votre taux critique de concentration en cortisol. Si la fréquence cardiaque maximale approche un seuil limite calculé par l’implant, ce dernier assure la libération automatique de cortisol permettant de réduire le stress. Un médecin militaire peut également, à distance, déclencher les effets mais l’activation et la désactivation de cette puce est une décision de commandement. Acceptez-vous cette puce ?

Graphique Implants n°4. Puce active anti-stress

Nous sommes ici dans un cas cumulant plusieurs facteurs complexes. La technologie est invasive et est gérée automatiquement par un algorithme analysant un taux de stress dans le corps. La puce peut être contrôlée à distance par le corps médical, sans possible interférence du combattant. Néanmoins la situation opérationnelle est de haute intensité, signifiant qu’il faut impérativement réussir la mission, et s’en donner tous les moyens. Les résultats montrent une faible acceptation de cette puce anti-stress, entre 7 et 20 selon les catégories de sondés. Notez que les cadres militaires des armes de mêlée, opérationnels aguerris, la refusent catégoriquement. L’écart des réponses entre les officiers élèves de l’EMIA 2 et de l’EMIA 1 s’explique par l’intensité donnée à l’action opérationnelle et la nécessité d’atteindre quoi qu’il en coûte les objectifs de la mission. L’exigence opérationnelle est plus forte chez les officiers élèves qui possèdent une expérience du « feu ». Ils ont conscience de la nécessité de mener à bien une opération militaire au regard de ses enjeux stratégiques (préserver l’unité du territoire et éviter sa fracture), politiques (imposer par la force le retour à la stabilité du territoire) et militaires (apparaître comme une force armée qui gagne des batailles).

2.4. Anthropotechnie chirurgicale

Les techniques d’augmentation ayant des effets sur l’homme peuvent également atteindre un point de non-retour volontaire, avec une chirurgie anthropotechnique modifiant le corps humain de façon irréversible. Une telle augmentation n’est concevable, a minima, qu’avec le consentement de la personne. Si de prime abord il est raisonnable de considérer cela comme une atteinte à l’intégrité de l’individu, la question posée ici présente une possibilité d’anthropotechnie chirurgicale offerte au combattant pour lui donner une bien meilleure acuité visuelle sans aucun effet secondaire.

Anthropotechnie.1 : vous avez la volonté de vous engager en tant que tireur d’élite. La moyenne des acuités visuelles de ces spécialistes est de 14/10ème. Or vous avez 10/10ème. L’Armée vous offre une opération des yeux (anthropotechnie) vous permettant, sans effets secondaires connus, d’acquérir une acuité de 14/10ème, mais cette opération est irréversible. La faites-vous ?

Graphique Anthropotechnie n°1. Acuité visuelle 14/10e

On constate que le pourcentage de réponse positive est très élevé, de 80 % en moyenne, atteignant même 89 % pour les nouveaux intégrants à Saint-Cyr.

Alors que chez les cadres cette opération n’emporte pas une adhésion totale (51 % y sont favorables), elle fait presque consensus dans l’échantillon des élèves avec des scores de 89 % de réponses favorables dans le groupe d’élèves le plus jeune, les élèves-officiers de l’ESM 3 dont la moyenne d’âge est de 22 ans. Ces élèves font davantage confiance à l’anthropotechnie à l’inverse de leurs cadres dont la moyenne d’âge est de 38 ans. Pour les élèves-officiers, l’amélioration de leur vue, passant pour certains de la myopie à la guérison au moyen d’une chirurgie laser sans séquelles accroît leur confiance envers des techniques médicales considérées comme banales. Les élèves-officiers adhèrent donc à cette forme d’augmentation alors que les cadres, plus âgés sont plus réticents. La différence d’âge joue donc sur les perceptions par rapport à cette opération, et plus largement par rapport à l’anthropotechnie.

Deux facteurs peuvent expliquer en partie ces résultats favorables :

  • Tout d’abord, la finalité de l’opération des yeux est une meilleure acuité visuelle pour pouvoir occuper un poste essentiel au sein des unités : le tireur d’élite. Et seuls les jeunes peuvent y prétendre, les cadres ayant le plus souvent fait un choix d’orientation professionnelle autre.
  • Ensuite les opérations des yeux sont une longue histoire à Saint-Cyr. En effet, plusieurs jeunes aspirants au métier militaire étaient réformés il y a quelques années s’ils étaient myopes. Et le corps médical leur refusait la possibilité de revenir à la normalité par une opération de la cornée réparatrice. Mais depuis quelques années, le corps médical a donné son feu vert à ces opérations constatant que les risques à long terme étaient nuls. Les opérations des yeux sont ainsi devenues courantes à Saint-Cyr.
    Si les perspectives d’une augmentation des capacités sont recherchées au nom de l’efficacité opérationnelle, une forme de retenue subsiste dans l’usage de la technologie par le combattant futur.

3. Homo symbolicus : les limites de l’usage des technologies du soldat augmenté

Dans la conduite de l’action militaire, la technologie ne lève pas tous les obstacles opérationnels. L’augmentation du soldat n’est pas synonyme de compensation. Le soldat doit pouvoir agir en mode dégradé et se passer de la technologie si elle ne répond plus. Pour cela, les valeurs et les normes professionnelles sont indispensables. L’image que le combattant se fait de lui-même et l’entraînement qu’il reçoit constituent le socle sur lequel s’appuient les dispositifs technologiques d’augmentation du combattant.

3.1. Le rôle des perceptions dans l’acceptabilité de l’anthropotechnie

Le soldat n’est pas uniquement un individu rationnel dont les actions sont tournées vers la recherche des bénéfices opérationnels. Il est aussi un acteur rationnel en valeur, au sens de Max Weber, c’est-à-dire prenant en compte les valeurs dans les actes posés, dans la construction de son identité et des représentations qu’il donne de lui-même. L’étude présentée dans cet article vise aussi à confirmer la nécessité de distinguer les différentes rationalités présentes dans l’acceptabilité des techniques susceptibles d’améliorer le rendement opérationnel du combattant. Les techniques invasives d’augmentation de la performance sont acceptées si elles préservent l’identité professionnelle et les fonctions combattantes. Autrement dit, l’image de soi conditionne l’utilisation d’une technologie invasive. De plus, l’attrait du soldat pour ces méthodes change si cette technologie l’asservit ou au contraire le grandit. C’est également le cas en termes de responsabilité : le combattant accepte le recours à des techniques invasives d’augmentation des performances si celles-ci lui permettent de conserver la maîtrise des actions opérationnelles qu’il assume et pour lesquelles il est responsable.

En revanche, les réponses des cadres et des élèves-officiers sont plus réservées lorsque les techniques invasives portent sur les tests d’aptitude physique pour une spécialité militaire exigeante (forces spéciales, aviation légère de l’armée de terre). Les réponses obtenues indiquent qu’un seul officier, sur 45 interrogés, souhaite obtenir de « bons résultats » et valider le test grâce à l’absorption de produit augmentant ses capacités physiques. Dans l’échantillon des élèves-officiers, la tendance est la même avec un taux de 3 % de réponses qui indique qu’une minorité accepte de consommer des substances susceptibles de les favoriser dans le cadre d’une sélection pour des tests physiques. Les réserves exprimées par ce groupe montrent que l’absorption de produits est assimilée à une forme de dopage, et donc à de la tricherie aux tests. Ces réponses trouvent une explication sociologique dans l’estime que les répondants ont d’eux-mêmes. En réalisant de « bonnes performances » sous l’effet d’un produit, leur estime de soi diminue et la fierté d’atteindre de telles performances avec une substance consommée s’efface. Le taux est très légèrement supérieur et atteint 8 % pour les femmes.

Graphique Psychostimulant n°1 ter. Cognitif au top pour 48h sans effets secondaires : tests d’évaluation

Ces résultats montrent l’importance des perceptions et de l’estime dans le groupe. Le combattant n’est pas isolé. Il appartient à un groupe d’hommes et de femmes avec lesquels il échange, entre en relation et interagit. Ce système d’interactions influence ses comportements et détermine ses actes. L’image du soldat (en termes d’amour propre) et celle qu’il projette sur les autres entrent en jeu dans son rapport aux techniques d’augmentation et sa capacité à accepter ou non telle ou telle augmentation ; en particulier à l’entraînement. Le rôle des perceptions est fort en situation d’entraînement, là où le regard des autres, « les frères d’armes » issus du groupe d’appartenance et la pression normative sont élevés. Ce regard des autres est un regard de vérité, qui ne s’accommode pas de techniques ou de méthodes déloyales dans le but de fausser les performances à l’entraînement. Il détermine ainsi le choix d’ingérer ou non une substance, notamment dans le cadre de tests sélectifs pour conduire une action militaire exigeante. Autrui valorise la performance si et seulement si elle est honnête c’est-à-dire qu’elle est obtenue sans fraude.

Cependant il convient de garder à l’esprit que, plus que les capacités individuelles du soldat, ce qui compte sur le champ de bataille, c’est la capacité collective de la troupe. La faiblesse d’un seul soldat dans le groupe entraîne de graves effets pour son unité dans certaines circonstances et notamment lors des actions de combat [18]. En conséquence, l’augmentation des capacités du soldat est au service de son unité, soit pour donner à cette dernière des capacités supplémentaires, soit pour niveler les différences, soit pour permettre à l’unité d’aller au-delà de ses capacités.

De plus, pour les élèves et pour les cadres, la réussite au test d’aptitude physique conditionnée par l’ingestion d’une substance ne correspond pas aux valeurs militaires ; elle donne au contraire l’image d’un individu incapable d’atteindre les standards fixés par le commandement, ou capable de l’atteindre uniquement par tricherie. Pour le soldat, la perception que ses camarades ont de lui est centrale : comment sera-t-il perçu par les autres en agissant ainsi ? Quelle image renvoie-t-il de lui en réussissant des tests difficiles à l’aide de substances invasives ? Ces questions soulèvent l’enjeu des effets du groupe d’appartenance des répondants, un groupe social prescripteur de la conformité aux normes professionnelles et des comportements valorisés.

Cependant, en situation d’urgence opérationnelle, les comportements diffèrent. Les réserves envers la consommation de substances invasives disparaissent : à la question du sondage « Psychostimulant.1 », 49 % des cadres affirment prendre cette substance en situation d’urgence contre 67 % pour les élèves.

Ces scores élevés sont logiques ; ils résultent du contexte d’urgence opérationnelle qui détermine des comportements et imposent des choix d’actions. Car dans une telle situation, la survie ou la réussite de la mission prime sur l’image de soi. L’urgence opérationnelle produit une hiérarchie des actes. Il ne s’agit plus de savoir si tel ou tel soldat a réussi un test avec ou sans l’aide d’une pilule mais bien de faire face et se sortir d’une situation dangereuse.

Les évaluations morales de l’augmentation diffèrent donc selon le contexte et les situations dans lesquelles le combattant est engagé, selon que ce dernier cherche une performance ou joue la survie de lui-même ou de son unité de combat. La question de l’augmentation est une question technique en elle-même moralement neutre, mais elle appelle des évaluations morales différentes selon les situations : dans les cas mentionnés ici, n’est-elle pas moralement condamnée comme « tricherie » ou « dopage », alors que dans d’autres circonstances (urgence opérationnelle), elle n’apparaît plus comme telle mais est au contraire légitimée.

3.2. L’homme, maître de lui-même et de la technologie

Everett Rogers et Fred Davis [19] proposent les prémices d’une modélisation de la diffusion de l’innovation [20] dans la société. Ils montrent que les bénéfices comparatifs d’une innovation ne justifient pas son adoption par les utilisateurs ; ces derniers veulent en garder le contrôle et l’utilisabilité c’est-à-dire la croyance que l’usage de l’outil technologique augmente sans effort leur performance. C’est la conviction principale portée par la majeure partie des répondants à travers les réponses données par les cadres et les élèves-officiers.

L’analyse des réponses obtenues auprès des deux échantillons (cadres et élèves-officiers) montre que ces groupes refusent toute augmentation s’ils n’en ont pas le contrôle. A la question Implant.2, les cadres sont 87 % à refuser une telle procédure ; les élèves, 82 %. Ces refus sont motivés par les risques de dysfonctionnement d’un tel dispositif. Tous s’interrogent sur l’impossibilité d’arrêter les vibrations émis par l’implant, sur l’emploi détourné de l’implant (punition, embêtement) et sur son utilisabilité. Ce refus exprime aussi le niveau de confiance en l’usage de la technologie par les soldats et l’usage que l’armée en fait. Si certains soldats ont montré leur méfiance envers la technologie et parfois envers l’institution, l’armée doit pouvoir éviter toute non maîtrise des systèmes technologiques implantés, notamment dans les cas où le soldat quitte l’armée.

Dans l’échantillon des cadres et des élèves, la retenue est la même envers la réception d’un implant corporel pour contenir en contexte opérationnel le niveau de stress.

À la question « Implants. 4 », 93 % des cadres (soit 7 % de réponses favorables) et 83 % des élèves-officiers (soit 17 % de réponses favorables) refusent cette technologie capable d’augmenter leur performance opérationnelle par une action qu’ils ne maîtrisent pas sur leur corps.

Cette question fait apparaître la figure du médecin militaire que tout engagé fuit par peur de la découverte d’une inaptitude. Dans la culture militaire des élèves-officiers, les visites médicales auprès du médecin militaire sont redoutées par les élèves-officiers et les militaires du rang. Ils craignent en effet qu’une inaptitude physique ou psychologique leur soit découverte, ce qui leur fermerait les portes des activités opérationnelles conçues comme une source de reconnaissance auprès des pairs, de promotion et de réalisation identitaire pour soi. Il n’est donc pas étonnant que « médecin militaire » et « fréquence cardiaque » dans la même question ne soit pas accueillis d’un bon œil !

En outre, un motif supplémentaire au refus de l’implantation d’une puce électronique est la volonté de séparer vie privée et vie professionnelle. En effet, un implant ou une quelconque technologie invasive brouille cette barrière et donne l’impression de ne jamais être coupé de son travail. Cette technologie est plutôt perçue comme une gêne à l’équilibre psychologique entre les temps de travail et le temps de repos et non comme un dispositif simplifiant l’activité opérationnelle et la vie personnelle. Même s’il conviendra de nuancer cette analyse pour certaines unités très spécialisées où la disponibilité et la réactivité doivent être immédiates à la moindre sollicitation (comme le GIGN ou certaines forces d’intervention).

3.3. Les hommes et les femmes face à l’appréhension de l’augmentation

Notre enquête montre que les femmes sont modérément portées vers des procédés d’augmentation de leurs capacités en comparaison des hommes. L’écart en pourcentage est souvent significatif, de l’ordre de 15 points, bien qu’elles aient suivi un entraînement identique à celui de leurs camarades masculins.

Graphique écarts acceptation augmentation Hommes/Femmes

Cette tendance s’interprète de plusieurs façons possibles :

  • Tout d’abord, on peut penser que les femmes font preuve de plus de prudence que leurs homologues masculins face à une technique dont elles ne connaissent pas les effets exacts. Cette prévention pourrait trouver une explication du côté de leur aversion au risque, notamment dans les domaines de la santé, de la prise de risque économique, de la consommation de drogue ou de l’expérimentation scientifique comme l’attestent plusieurs études [21].
  • Ensuite, s’agissant des augmentations cognitives, la réticence des femmes militaires pourrait s’expliquer par un besoin de contrôle de soi plus exacerbé chez elles, avec comme conséquence une crainte de voir leurs émotions/décisions altérées par des substances exogènes à l’organisme, et donc une maîtrise insuffisante de la situation.
  • À propos de l’appréhension de la souffrance, la douleur des femmes, parfois issue de phénomènes exclusivement féminins (menstruations, grossesse etc.), est davantage vue par ces dernières comme naturelle et donc moins considérée comme un symptôme à soulager. À l’inverse, les hommes chercheraient à éliminer rapidement tout signe de douleur. Cela expliquerait pourquoi les hommes obtiennent en moyenne plus vite et en plus grande quantité des antidouleurs que les femmes [22]. Certains facteurs biologiques permettent d’expliquer cette différenciation : en effet, selon une étude canadienne [23], les hommes auraient une « mémoire de la douleur » supérieure aux femmes : ils sont ainsi plus stressés face à une douleur déjà ressentie, et on observe alors une sensibilité supérieure à celle des femmes ayant également vécu une souffrance antérieure [24]. Il convient néanmoins de modérer cette analyse par le fait que l’univers militaire favorise des situations et des contextes permettant de s’entraîner à la souffrance, et donc de s’y accoutumer. La tendance naturelle ne suffit pas.
  • Enfin, physiologiquement et statistiquement moins lourdes que les hommes de par leur constitution différente [25], elles peuvent également être plus facilement sensibles à la prise de substances.

3.4. Le corps guerrier

La question de l’augmentation des performances du soldat par l’emploi de techniques diverses interroge le corps du guerrier dans ses mécanismes d’adaptation aux contraintes extrêmes et aux sollicitations poussées auxquelles le métier des armes l’expose [26]. Le corps guerrier est formé (par l’entraînement physique) et déformé (par les effets d’un environnement opérationnel exigeant) au point de produire une praxis sous la forme d’une intelligence du corps selon les mots du philosophe Merleau-Ponty. Le corps du guerrier est d’abord un outil de performances et de travail façonné par l’éthos militaire et augmenté par une multitude de senseurs étendant ses capacités de perception et d’analyse. Et c’est bien là que des nuances sont apportées, car le combattant n’est pas prêt à changer son corps à n’importe quel prix. Le maintien d’une conception de l’identité professionnelle [27], éloignée d’une approche techniciste, et basée sur des valeurs fondamentales du métier militaire reste essentiel dans l’usage et l’emploi que le soldat peut faire de son corps guerrier.

Conclusion. D’une génération à l’autre

Trois tendances générales se dégagent de ce sondage :

  • Premièrement, comme décrit ci-dessus, à l’inverse des hommes, sur l’ensemble du questionnaire les femmes affichent une plus grande retenue à l’égard des techniques d’augmentation.
  • Deuxièmement, les jeunes militaires en cours de formation sont plus enclins à accepter des augmentations invasives que ceux dont la formation militaire est plus approfondie, académiquement et militairement. Il convient d’être cependant prudent sur cette affirmation, car les promotions ne se ressemblent pas, et l’EMIA2 ayant parfois des taux de réponses plus prudents que leurs aînés de l’EMIA1. Pour ces derniers, ayant connu l’épreuve du feu et ses exigences, le sens et les objectifs de la mission à remplir sont essentiels. Il apparaît néanmoins qu’avec l’expérience, les militaires apprennent à connaître leur corps et leurs limites, et à se gérer en conséquence et ainsi être plus facilement enclins à faire face à la difficulté.
  • Troisièmement, la singularité des armes de mêlée. Ces armes portées sur l’efficacité opérationnelle brute sont moins enclines que les armes de soutien à abandonner la rusticité et la confiance dans les capacités intrinsèques du corps humain au profit de potentiels effets qu’apporteraient des implants ou des substances. Ayant développé une force morale au contact, ils ont confiance en eux-mêmes et en leurs capacités. Ces armes de mêlée ayant une expérience opérationnelle avérée, conservent un pragmatisme sur le terrain et un grand sens du sacrifice.
    La technologie assure un gain capacitaire. Son apport démultiplie les compétences tactiques, fruits travaillés de l’entraînement, la cohésion et la confiance mutuelle qui contribuent au succès de la mission [28].

Au fil de la banalisation des technologies invasives en provenance du monde civil, comme les puces sous-cutanées, les dispositifs ou les substances susceptibles d’accroître l’efficacité opérationnelle ou encore l’acuité visuelle étudiées dans notre sondage, il ressort que l’acceptabilité de la technologie au combat va croître. Les différences de scores dans les réponses données par les cadres et les élèves civils dont l’âge accentue le fossé culturel en témoignent. Elles mettent en évidence une tendance de fond : l’acceptation des dispositifs techniques et technologiques par les générations à venir de soldats.

Les élèves-officiers saint-cyriens appartiennent majoritairement à la « génération Y » familiarisés aux nouvelles technologies et à l’Internet. La « génération Z » née après l’an 2000, dans un monde toujours plus connecté, envahi par la technologie est aux portes des écoles et plus largement de l’Armée de Terre. Ainsi, en suivant la tendance selon laquelle la jeunesse accroît l’emploi et l’utilisabilité de la technologie en particulier à des fins opérationnelles, les écarts avec les générations de combattants de la fin de la deuxième décennie de l’an 2000 grandiront. L’acceptation de telles méthodes suit l’évolution des cultures et du rapport de notre société à la technologie. Son omniprésence dans la vie banalise son emploi dans les sphères professionnelles. Et l’armée n’y échappe pas avec les objets connectés du quotidien.

Dans cette étude, la différence porte sur l’acceptation de moyens pharmacologiques, invasifs et d’anthropotechnie chirurgicale sur le corps du soldat. Si l’évolution des mentalités à propos de l’usage toujours plus élevé de la technologie dans le monde civil marque une tendance en faveur de l’acceptabilité des moyens technologiques dans les armées, cette disposition instaure une nouvelle dimension du sacrifice demandé au soldat. Avec la mort comme hypothèse de travail [29], le soldat voit les augmentations de ses capacités comme un moyen potentiel de se surpasser sans négliger les risques éventuels sur son corps. Or la préparation, l’entraînement et la conduite de l’action militaire construisent une confiance en soi. Plus un soldat est formé et entraîné, plus il repousse ses limites grâce à la force morale qu’il se forge. À l’inverse, un individu moins entraîné et moins formé voit dans la solution de l’augmentation une compensation de ses faiblesses physiologiques et morales. Pour l’armée de Terre, tout l’enjeu de l’amélioration des capacités du combattant au moyen de techniques d’augmentation physico-cognitives porte sur le juste équilibre à tenir entre le tout technologique et le maintien du rôle de l’homme dans la boucle de réflexion, de décision et d’action.

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Notes

[1de Villiers, P., (Général d’Armée), (2018),Qu’est-ce qu’un chef ? Paris, Fayard, cité p. 113.

[2Une abondante littérature a consacré des analyses aux changements de l’action militaire en soulignant ses évolutions et la part occupée par l’outil technologique. Voir Van Creveld, M., (1998), La transformation de la guerre. Paris, Du rocher ; Kaldor, M., (2012), New and old wars : Organised Violence in a Global Era, Londres, Polity Press ; Lindemann, Th., (2008), Penser la guerre, L’apport constructiviste, Paris, L’Harmattan, collection Logiques Politiques, Peter W. Singer, (2009), Wired for War, Penguin.

[3Ardant du Picq, Ch., (2018), Étude sur le combat antique et moderne, Paris, Champs libre.

[4Bloch, M., « Les inventions médiévales », Les Annales d’histoire économique et sociale, n° 36, repris in Mélanges historiques, Paris, 1963, t. II, p. 89.

[5Il convient de préciser que l’usage de substances psychotropes, et leurs effets indésirables induits, est aussi ancien que l’antiquité militaire. Plus récemment l’ouvrage de Norman Ohler, L’Extase totale. Le IIIe Reich, les Allemands et la drogue (2016) revient sur l’usage de la pervitine à grande échelle par les troupes de l’Axe lors de la seconde guerre mondiale.

[6de Boisboissel G. et Le Masson, J-M., (2017), « Le soldat augmenté : définitions », Revue de la Défense nationale, numéro spécial sur le thème : Le soldat augmenté : les besoins et les perspectives de l’augmentation des capacités du combattant, pp. 21-26, cité p. 22.

[7Nous retrouvons des résultats similaires dans l’article de Silvana Pedrozo et Francisco Klauser sur l’usage des drones en Suisse, « Drone d’utilité publique : une acceptabilité controversée », Revue interdisciplinaire des sciences sociales, 2018, pp. 2-18.

[8Terrade, Fl., Pasquier, H., Reerinck-Boulanger, J., Guingouain, G., Somat, A., (2009), « L’acceptabilité sociale : la prise en compte des déterminants sociaux dans l’analyse de l’acceptabilité des systèmes technologiques », Le Travail humain, vol. n° 72, pp. 383-395.

[9Terrade, Fl., et alii, op.cit. p. 385.

[10Maynié, L-J., (2017), « Augmentations du combattant : une expression de besoin fondé sur un vécu opérationnel », Les Cahiers de la revue Défense Nationale, numéro thématique sur le soldat augmenté, pp. 47-65.

[11Malis, Ch., (2014), Guerre et stratégies au XXIe siècle, Paris, Fayard, cité p. 130.

[12de Villiers, P., (Général d’Armée), op.cit., p. 113.

[13Lors de l’administration des questionnaires, les élèves officiers ont gardé une distance critique en assurant les seules actions de distribution et de collecte des questionnaires.

[14Une partie de données statistiques présentées dans ce texte apparaissent sous la forme de pourcentages cumulés pour les rendre plus significatives.

[15Les arguments de cette section sont repris de l’analyse du capitaine Maynié, L-J., et Rubino, Th., dans « Augmentations du combattant : une expression de besoin fondé sur le vécu opérationnel », Revue de la défense nationale, numéro spécial sur le soldat augmenté, 2017, pp. 47-63.

[16Maynié, L-J., et Rubino, Th., op.cit., p. 62.

[17Les pourcentages présentés sont arrondis à l’unité entière pour une meilleure lecture statistique.

[18Ozanne, E. Colonel, « Le soldat augmenté » DSI, Hors-série n° 45, déc. 2015,

[19Davis, F., “Perceived Usefulness, Perceived Ease of Use, and User Acceptance of Information Technology”, Mis Quaterly, vol. 13, n° 3, septembre 1989, pp. 319-340.

[20Rogers, E., Diffusion of Innovations, New York, free press on Glencoe, 1962.

[21Carney, R.E ’Attitudes Toward Risk (1971), in Carney, R.E., (sous la dir. de), Risk Taking Behavior : Concepts, Methods, and Applications to Smoking and Drug Abuse ; Charles C. Thomas, Springfield, Illinois.

[22Diane E. Hoffman, Anita J. Tarzian, « The Girl Who Cried Pain : A Bias Against Women in the Treatment of Pain », Journal of Law, Medicine & Ethics, 2001, Vol. 29, pp. 13-27.

[23Loren J. Martin, Erinn L. Acland, Chulmin Cho et al., « Male-Specific Conditioned Pain Hypersensitivity in Mice and Humans », Current Biology, 2019, vol. 29, pp.192-201.

[24Ces remarques sont reprises d’une discussion avec Jeanne Andrade, stagiaire au Centre de recherches des écoles de Saint-Cyr et étudiante à l’École Normale Supérieure de Rennes.

[25Koulmann N. et Malgoyre A. (2018), « les différences physiologiques homme-femme : quel impact sur l’aptitude physique au combat ? », Revue Défense Nationale, n°808, p. 81.

[26Patrick Godart, « Le guerrier et la danseuse étoile », Inflexions, 2009, n° 12, pp. 23-37.

[27André Thiéblemont, Cultures et logiques militaires, Paris, Presses universitaires de France, 1999.

[28Gardinetti, E., (2017), L’augmentation des fonctions cognitives et émotionnelles du soldat en question », Revue de la Défense nationale, numéro spécial sur le thème : Le soldat augmenté : les besoins et les perspectives de l’augmentation des capacités du combattant, pp. 85-95, cité p. 86.

[29Michel Goya, Sous le feu, Paris, Tallandier, 2014.


Pour citer l'article

Axel Augé, Gérard de Boisboissel « L’acceptabilité relative de l’augmentation technique des performances physico-cognitives du combattant. Enquête auprès des élèves-officiers et de leurs cadres aux Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan », in Tétralogiques, N°25, La déconstruction du langage.

URL : https://tetralogiques.fr/spip.php?article157