Laurence Beaud

Maîtresse de Conférences en Sciences du langage, LAS-CIAPHS, EA 2241, Université Rennes 2, Université Européenne de Bretagne.

Tétralogiques N°19 : Hommage à Hubert Guyard


Hubert Guyard était linguiste et psychologue, spécialisé dans l’approche clinique du langage et des fonctions mentales. Professeur de Sciences du Langage à l’Université de Rennes 2 depuis 1989, il s’est éteint en février 2009, à l’âge de 60 ans.

Rappelons que son travail de recherche a permis de donner corps à l’anthropologie clinique fondée par Jean Gagnepain, linguiste de formation, en collaboration avec Olivier Sabouraud, neurologue. Dans le cadre de cette anthropologie clinique, Hubert s’est attaché inlassablement à mettre en valeur et expliquer de façon systématique les modes de fonctionnement pathologiques afin de mieux comprendre le fonctionnement normal. C’est pourquoi ses collègues (Clément de Guibert, Attie Duval, Patrice Gaborieau, Jacques Laisis, Jean-Claude Quentel, Jean-Yves Urien et moi-même) souhaitent lui rendre hommage en consacrant ce numéro spécial de Tétralogiques à un recueil de ses études sur l’aphasie qui ont été publiées depuis ce travail fondateur.

Hubert a d’abord apporté une contribution importante à l’étude des aphasies dans sa Thèse de doctorat d’État en Linguistique Générale dirigée par Jean Gagnepain : Le concept d’explication en aphasiologie (1987, Rennes). L’ampleur et la profondeur des analyses qu’il développe dans ce travail gardent encore toute leur actualité scientifique.

C’est d’abord à travers son activité hebdomadaire dans le service de neurologie du Centre Hospitalier Universitaire de Rennes [1] que Hubert s’est mis « à l’école des malades » pendant plus de trente ans.

Mais il a également collaboré avec des informaticiens [2] sur la formalisation d’exercices logiques proposés aux aphasiques, les Grammaires Elémentaires Induites, qui permettent de systématiser les manifestations pathologiques des troubles aphasiques. Les collaborations de Hubert ont en fait été multiples : il a exercé comme psychologue clinicien en Centre d’Aide par le Travail, auprès d’adultes déficients mentaux, et en Centre Médico-Psycho-Pédagogique, auprès d’enfants et d’adolescents en difficulté. Le Centre Référent pour les Troubles Sévères du Langage chez l’enfant [3], a aussi bénéficié de son expérience. Au Centre Hospitalier psychiatrique Guillaume Régnier de Rennes, il a également mené un travail approfondi et de longue haleine, en collaboration avec des psychologues et des psychiatres [4]. Enfin, son livre posthume, La plainte douloureuse (2009, Presses Universitaires de Rennes), constitue la somme de son travail sur la douleur au sein de l’Unité d’Evaluation et de Traitement de la douleur chronique du Centre Hospitalier Universitaire [5]. Les analyses minutieuses qu’il contient offrent par ailleurs un modèle général à la fois de la rationalité tétramorphe qui spécifie l’être humain et de la clinique explicative.

Grâce à cette longue confrontation à l’expérience clinique, Hubert a ainsi apporté des contributions originales à la compréhension d’autres syndromes que l’aphasie, qu’il soient « neurologiques », « dévelop-pementaux », ou « psychiatriques », au travers de nombreuses colla-borations. Sans que la liste soit exhaustive, c’est le cas du syndrome « frontal » [6], de l’Infirmité Motrice Cérébrale et de la déficience chez l’enfant [7], des troubles du calcul [8], de l’écriture et de la lecture [9] ou encore de la douleur liée à la sclérose en plaques [10]. Il a aussi fourni un travail important concernant la compréhension de la détérioration mentale et des troubles « mnésiques » [11] , des névroses [12], des psychopathies [13] et des psychoses [14]. Sans négliger que l’un de ses apports fondamentaux concerne la méthode clinique elle-même et l’élaboration de procédures cliniques originales [15]. L’étendue de ses champs d’observation, toujours associés à l’exploitation d’un cadre d’hypothèses précis, illustre bien cette « indiscipline » qui le caractérisait en fait sur tous les « plans ».

Il faut souligner enfin que cette recherche, curieuse et rigoureuse, s’accompagnait de qualités humaines et d’une disponibilité très appréciées par ses collègues, collaborateurs et étudiants.

Ses travaux ont paru dans de nombreux numéros de Tétralogiques, la revue du Laboratoire Interdisciplinaire de Recherches sur le Langage (LIRL) de l’Université Rennes 2, comme dans des revues nationales et internationales (Glossa, Revue internationale de psychopathologie, L’information psychiatrique, Neuropsychological rehabilitation, Aphasiology, Brain and language notamment).

Une bibliographie exhaustive des articles publiés par Hubert est consultable à la fin de ce numéro que nous souhaitons digne de son engagement scientifique et de l’intérêt de tous ses lecteurs, passés, présents et futurs.


Notes

[1Equipe du Professeur Olivier Sabouraud puis du Professeur Gilles Edan.

[2Avec Véronique Masson et René Quiniou notamment, de l’Institut de Recherche en Informatique et Systèmes Aléatoires.

[3Equipe du Dr. Catherine Allaire.

[4Robert Le Borgne, Frédérique Marseault et Michel Morin.

[5En collaboration avec le neurologue et algologue Vincent Cahagne. Equipe du Pr. Ecoffey.

[6Guyard, Le Gall, Aubin et Dupont, 1992, 1993 ; Aubin, Le Gall, Guyard, 1994 ; Urien et Guyard, 1997.

[7Deneuville, Guyard, Quentel, 1993a, 1993b. Guyard et Quentel, 1987.

[8Guyard et Urien, 1993. Guyard, Masson, Siou, Quiniou, 1997. Quiniou, Guyard, Masson, 1993. Guyard, Ménager, Giot, 1991.

[9Duval et Guyard, 1986.

[10Cahagne et Guyard, 2003, 2005. Guyard et Cahagne, 2006.

[11Guyard et Leborgne, 1993. Le Borgne et Guyard, 1992. Guyard, 1995.

[12Guyard et Guyard, 1994, 1997, 1999, en collaboration avec son frère Joël. Guyard et Le Borgne, 1997. Guyard et Morin, 1997

[13Guyard et Morin, 1997.

[14Guyard, Le Borgne, Morin, Marseault, 2004. Guyard, 2006. Guyard et de Guibert, 2009.

[15Guyard, 1985, 1989, 1999.


Pour citer l'article

Laurence Beaud« Tétralogiques N°19 : Hommage à Hubert Guyard », in Tétralogiques.

URL : https://tetralogiques.fr/spip.php?article142