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Jean-Claude Quentel, Thierry Lefort

Psychologue clinicien, Professeur émérite de l’Université de Rennes 2, LIRIS (Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Innovations Sociétales), EA 7481. Site personnel : http://jc.quentel.free.fr/
PRAG, PhD, Département de Sciences de l’éducation et de la formation, Université Rennes 2, chercheur associé au CREAD - EA 3875. thierry.lefort chez univ-rennes2.fr

À propos de l’ouvrage : Le normal et le pathologique à l’école aujourd’hui (2022)

Résumé / Abstract

Note de lecture : Laurence Gavarini, Dominique Ottavi, Ilaria Pirone, Le normal et le pathologique à l’école aujourd’hui, Paris, Presses Universitaires de Vincennes, 2022. ISBN : 978-2-37924-266-3, 23 €.


Récemment est paru, sous la direction de Laurence Gavarini, Dominique Ottavi et Ilaria Pirone, avec le titre Le Normal et le Pathologique à l’école aujourd’hui, un ouvrage susceptible d’intéresser un large public concerné par l’évolution récente d’une école de plus en plus confrontée aux difficultés rencontrées par les élèves dans le primaire, mais également dans le secondaire, alors même que le maître-mot — qui déborde d’ailleurs l’école — est, on le sait, celui d’« inclusion ».

Il fut un temps, il y a un demi-siècle à présent, où certains pouvaient s’inquiéter de la tendance de l’école à souligner les difficultés des élèves et à réagir par un développement accru des fameuses classes de perfectionnement dont, en France, on héritait de la loi de 1909. Après un démarrage très lent de ces classes pendant plusieurs décennies, notre société connut en effet une accélération de leur création, de telle sorte que, jusqu’au milieu des années 1970, elle paraissait se diriger vers un ratio extrêmement inquiétant entre le nombre des classes de perfectionnement et celui des classes ordinaires, si du moins elle continuait sur sa lancée [1]. Le mouvement s’est toutefois arrêté et avant la fin des années 80 le nombre de ces classes a décru, bien avant la création des CLIS [2] et la promulgation des nouvelles lois sur le handicap. Aujourd’hui, il s’agit d’inclure, donc de promouvoir, du moins dans le principe, une école qui soit en mesure de recevoir tout enfant et tout adolescent, quelles que soient ses difficultés. Or, de manière paradoxale, cela se fait dans le contexte d’une multiplication non plus des classes mais des formes de handicaps, dans le cadre scolaire par conséquent, à un point qui n’a jamais été atteint par le passé.

Il est là un paradoxe, de fait, sur lequel il est urgent de se pencher. Comment concilier ce mot d’ordre, qui est devenu aujourd’hui obligation légale, d’une inclusion, qui ne saurait se discuter, avec la prolifération de « troubles », donnant lieu à des dénominations, nouvelles pour beaucoup, à laquelle on en arrive aujourd’hui ? Comment comprendre plus exactement que cela aille de pair ? Auparavant, on tendait à la multiplication des classes et le handicap était donc institutionnalisé ; aujourd’hui, on va vers une multiplication des troubles individuels. Auparavant encore, on avait affaire essentiellement à de la « débilité », formule très générale, distincte toutefois de ce qui perdurait encore de la « débilité » dite « d’asile », prise en charge, quant à elle, par les I.M.P ou I.M.E. [3]. Celle-là était, contrairement à celle-ci, le produit d’une école qui ne parvenait pas à intégrer certains enfants ou adolescents [4] et qui était donc conduite à créer pour eux, en son sein, des voies de garage, lesquelles, dans le secondaire, prenaient le nom, en France, de SES [5] (devenues par la suite des SEGPA [6]), voire d’EREA [7]. À présent, en ce début de XXIe siècle, on se perd littéralement dans les dénominations et l’on se trouve confronté à une « galaxie » de « troubles », dont certains ont fait leur entrée dans l’école alors qu’ils lui étaient foncièrement extérieurs et d’autres sont, en revanche, des « créations-maison », si l’on peut s’exprimer ainsi. Ces créations sont le fruit de la multiplication des observations et des découvertes, dans le cadre scolaire, des divers points de butée d’un nombre non négligeable d’élèves dans leur apprentissage. Il est vrai que l’école a été « aidée » sur ce point par une noria d’experts et de professionnels divers, extérieurs à l’école.

Voilà, rapidement résumée, la situation à laquelle se trouve confrontée l’école. On comprend mieux l’intérêt d’un ouvrage comme celui paru sous la direction de Laurence Gavarini, Dominique Ottavi et Ilaria Pirone.

Les contributions prises une à une

Gros de 180 pages, l’ouvrage se compose de 10 contributions, y compris l’introduction de Dominique Ottavi. Dans cette introduction qui présente l’ensemble des travaux qui vont suivre, Dominique Ottavi souligne avec raison le contexte de grand désarroi dans lequel se trouvent aujourd’hui les professionnels de l’éducation. Elle s’interroge sur l’institution scolaire et plus largement sur les valeurs qui imprègnent nos conceptions éducatives. L’école fait, explique-t-elle, les frais de la conception atomistique de la société, « conçue comme la réunion d’individus sommés d’être eux-mêmes » (p. 8). Elle se trouve dès lors marquée par le « relatif déni qui y règne à propos de l’organisation collective de l’institution dédiée à l’éducation et à l’apprentissage » (id.). On sait que le discours général ambiant, qui vaut jusqu’à présent au-delà de l’école mais qui n’est pas sans la toucher dès lors qu’elle se doit d’accueillir toute forme de « différence », est celui d’une « désinstitutionnalisation » soutenue par les plus hauts organismes internationaux et qui va précisément de pair avec la fameuse inclusion.

Dominique Ottavi insiste notamment sur deux points essentiels qui ressortent, selon elle, de l’ensemble des contributions. D’abord, le fait qu’un « discours qui prône et affirme le “bien” de l’enfant […] produis[e] dans un mouvement paradoxal des pratiques hypernormatives, qui risquent d’exclure tout sujet présentant un écart à la norme » (p. 10). Paradoxe, effectivement, qui se trouve travaillé différemment selon les articles. Les idéaux qui promettent une émancipation se retournent fréquemment en normes, ajoute-t-elle. Il en est ainsi, par exemple, lorsqu’il s’agit de catégoriser les enfants « à besoins éducatifs particuliers ». Ensuite, et c’est le second point, l’idéal nouveau de l’école inclusive comporte une autre forme de contradiction entre le fait d’accepter toute forme de différence et celui « d’enserrer les sujets, enseignants ou élèves, dans un réseau de connaissances virtuellement infini et toujours insuffisant » (p. 12).

Pierre Macherey, philosophe de grand renom, déploie ensuite une argumentation qui vise à faire apparaître l’école comme une « école des normes ». Elle est, rappelle-t-il, une « institution normalisée » et « normalisante » (p. 18). L’auteur s’intéresse surtout au dispositif qui structure formellement l’action de normes. Il s’exerce de manière souple et insidieuse. Les normes viennent constituer une forme de « seconde nature », soutient-il. On ne peut donc pas parler de servitude volontaire. Pour Pierre Macherey, l’école classe (inclut), tout en déclassant (en excluant).

Doris Bühler-Niederberger et Claudia Schuchart étudient, quant à elles, ce qu’il en est de l’ordre scolaire du point de vue des enfants. Elles s’appuient sur la notion d’« outsider » héritée de Howard S. Becker. Que savent les enfants des interactions scolaires dans lesquelles ils sont considérés comme normaux ou non conformes aux normes ? Les enfants jugés déviants perçoivent-ils cette position de « outsider » et de quelle manière ? À partir d’entretiens avec des enfants allemands d’écoles primaires de Rhénanie-du-Nord–Westphalie considérés comme « hors norme », ces sociologues affirment que les enfants connaissent les règles auxquelles ils sont soumis et s’adaptent à la position qui leur est destinée. Doris Bühler-Niederberger et Claudia Schuchart partent de la position selon laquelle les enfants sont des acteurs sociaux, bien qu’il existe une nette asymétrie entre adultes et enfants, et elles concluent qu’ils sont donc des « agents niés ».

Maria d’Amato, chercheuse italienne, revient sur la question de la norme et cherche à rendre compte de son « invention ». Pourquoi aspire-t-on à la normalité, se demande-t-elle d’emblée ? Et qu’est-ce donc que le normal ? Les formes pathologiques comme les formes déviantes, soutient-elle, ne sont aujourd’hui envisagées comme écarts à des degrés divers du normal que dans un sens quantitatif. Maria d’Amato fournit notamment des chiffres officiels portant sur les fameux TSA (Troubles Spécifiques des Apprentissages) en Italie. Ils sont, de manière générale, semblables aux chiffres qui nous sont donnés pour la France. Notons simplement qu’en ce qui concerne la « dyslexie », une croissance de 88,7% a été observée entre 2010-2011 et 2017-2018 [8]. Pour la « dysgraphie », c’est quasiment deux fois plus ! Comme chez nous, un élève peut en fait avoir plusieurs troubles. On parle en effet beaucoup, aujourd’hui, de « co-morbidité ». La conclusion du travail est une suite de questions qui ne sont pas sans surprendre par leur caractère de généralité. Ainsi : pourquoi notre société occidentale avancée a-t-elle besoin de caser tout ce qui arrive aux siens ? Pourquoi l’individu contemporain n’accepte-t-il pas l’incertitude et l’évolution de l’unicité de l’humain ?

Edmondo Grassi, chercheur également italien, se penche, lui, sur le rapport de l’éducation et de la technologie et sur l’ère de l’intelligence artificielle. Il tient un propos qui se veut éthique et soutient la notion d’« assujetissement », voire de « désubjectivation » du fait de la technologie. Les non moins fameux troubles d’« hyperactivité avec déficits de l’attention » (TDAH) sont rapidement évoqués au passage. Ce qui intéresse l’auteur, ce sont « les problèmes théoriques entre l’humain et l’artificiel » (p. 65). L’argumentation demeure de ce fait générale et, du point de vue de la théorie de la médiation, elle fait l’impasse sur une réflexion véritablement technique qui conduirait à se démarquer de cette seule approche et à envisager la question d’une toute autre manière, ouvrant d’autres perspectives de réflexion [9]. Ainsi, dans le chapitre intitulé L’hypothèse théorique de la machine, l’auteur définit « la relation entre l’être humain et la technologie » comme une « représentation de la relation avec soi et avec l’autre » (p. 64), ce qui disqualifie d’emblée la spécificité de la caractérisation de la technique. L’amorce d’une réflexion invitant à penser la technique est néanmoins intéressante, notamment par l’évocation des « aspects de l’humain non encore explorés, où la techné n’est plus une fonction de la physis, mais la produit » (p. 64).

La production de la physique par la technique est une idée qu’a soutenu, en d’autres lieux, l’épistémologue Jacques Laisis (2004), qui fait remarquer, à la suite de la « phénoménotechnique » énoncée par Bachelard (1934), que « le véritable objet de la physique est la fabrication de l’appareillage qui permet de produire les phénomènes qu’elle observe » [10]. Or, la voie prometteuse explorée par Edmondo Grassi est vite rendue caduque par un déplacement du problème dans le registre de l’éthique et par une naturalisation de la technique, par son assimilation au « tangible » et à la « réalité » faisant fi de l’abstraction et, en cela, de la part d’humanité, que la technique suppose, en la ré-assignant dans le champ de la représentation : « la complexité cachée de la technologie et par conséquent, de la réalité indique la nécessité de repenser la relation entre le naturel tangible et ses représentations numérisées et mécanisées » (p. 64). La concession d’une forme d’immanence accordée à l’IA, via « l’intangibilité de l’algorithme artificiellement intelligent » (p. 65), par ailleurs considérée comme un « acteur social » (p. 65), contribue également à éloigner la perspective d’une compréhension des processus distinctement à l’œuvre dans « l’intelligence artificielle » ou dans « la machine ». Aussi bien l’issue de « principes éthiques enseignés à l’intelligence artificielle » comme condition de renouvellement de la « vision de la société, de la nature et de la fonction de l’humain »(p. 65) que « l’étude de la nécessité d’une éthique de la machine (…) pour comprendre la structure de la société dans son ensemble » (p. 67) semblent-elles être déjà méthodologiquement vouées à l’échec.

Mej Hilbold et Laurence Gavarini proposent, de leur côté, une réflexion originale sur « ordre et désordres scolaires », à partir d’une question très peu étudiée jusqu’ici, celle des « incidents » dans la classe. Il existe en effet, en France, un système de repérage - signalement des « incidents » qui surviennent en classe, autrement dit des écarts à la norme. Mej Hilbold et Laurence Gavarini ont enquêté dans une classe à partir de données importantes laissées par une enseignante qui quittait l’établissement. La référence essentielle fondant la réflexion est ici foucaldienne et dès lors qu’il s’agit d’un dispositif de surveillance nationale de la violence scolaire, l’analyse, intéressante, s’effectue logiquement en termes de « biopouvoir ». Dans leur conclusion, Mej Hilbold et Laurence Gavarini insistent sur la « forte implication affective » de l’enseignant au regard de la forme de rapport administratif supposant une observation neutre et objective. On ne saurait en fait s’étonner que la « charge affective » et émotionnelle des rapports des enseignants soit aussi forte dans la mesure où ils se vivent la plupart du temps comme étant directement mis en cause dans leur mission professionnelle et du coup dans leur personne.

Léandro de Lajonquière, dans une contribution intitulée « De l’éducation au temps de l’autisme », propose sans doute une des réflexions les plus originales de cet ensemble de textes, particulièrement à propos de ce « temps de l’autisme ». L’autisme, avance l’auteur, est devenu le centre de notre attention et de nos préoccupations (p. 100). L’autiste a pris la place des martiens et extra-terrestres de notre époque de parent, voire à présent de grands-parents. On peut parler du « temps de l’autisme », parce que l’autiste est partout. Ce qui est incontestable aujourd’hui, et dont on peut justement s’étonner. Il correspond, explique l’auteur, à un personnage peu bavard, qui ne demande rien et qui apprend tout par lui-même. On pourrait ajouter qu’il est souvent sinon H.P.I. [11] du moins de « haut niveau ». Il ne s’agit donc pas d’un enfant autiste en particulier. Cet enfant-là correspond à l’enfant idéal tel qu’on le rêve aujourd’hui (p. 102). Il s’agit pourtant d’éduquer l’enfant et surtout d’« éduquer au désir », insiste Léandro de Lajonquière, en bon psychanalyste. Cet enfant solitaire du temps de l’autisme est en fait aussi l’enfant idéal du discours psychopédagogique ambiant. Où l’on retrouve la question de l’école. L’auteur parle d’une « technoscience pédagogique » et d’un « justificationnisme technoscientifique ». Au rêve de cet enfant fait « d’un futur dans le présent » (autrement dit d’un temps futur sans passé), il faut opposer, nous dit l’auteur, la thèse selon laquelle un désir doit opérer chez tout enfant.

Ilaria Pirone vient ensuite questionner l’idéal inclusif au regard des processus de normalisation. Cette notion d’inclusion qui a envahi l’école, mais également l’éducation spécialisée, le travail social et en fin de compte l’ensemble de la société est effectivement à interroger. Cet idéal éthique, dit l’auteur, risque de se traduire dans les pratiques par un besoin de connaissances sans fin afin de « bien faire ». On n’insistera jamais assez sur le fait qu’il s’agit effectivement d’un idéal éthique sans rapport avec ce qui se joue du point de vue social. Le fonctionnement d’une société suppose de la différence, de la divergence et du conflit (ainsi que du classement social, pourrait-on ajouter en faisant déjà écho au questionnement de Maria d’Amato). On ne parviendra jamais à effacer cette dimension. Ce que ne dit pas l’auteur qui met avant tout l’accent, comme ses collègues Grassi et de la Jonquière, sur le besoin de connaissance techno-scientifique sans fin qui vient créer une « batterie » d’enfants anormaux. Ilaria Pirone insiste avec raison sur la forme de « néo-positivisme » que constituent le cognitivisme et les neurosciences. Jean-Pierre Changeux et Stanislas Dehaene sont cités — étant donné, pour ce qui concerne ce dernier, le rôle qu’il a joué dans l’école en France —, mais il leur est opposé le chercheur belge Marc Crommelinck qui témoigne d’une approche de l’homme et de son fonctionnement qui n’est précisément pas réductrice. Ilaria Pirone termine son propos en opposant à cette mythologie scientifique néopositiviste la nécessité de « trouer le savoir » et d’« habiller le sujet ».

Giuseppe Rociola, dans l’avant-dernière contribution, s’attaque à la question particulièrement brûlante de nos jours du TDAH. Il en traite comme d’un problème social, ainsi que l’énonce son titre. Ce en quoi il a, de notre point de vue, profondément raison. Il en fait, arguments à l’appui, l’exemple même de la « médicalisation du comportement » (p. 131) et d’une « biopolitique » en œuvre (p. 133) ». Il semble en même temps accepter d’en faire, dès le début de son article, une « maladie mentale », tout en insistant sur l’étiologie qui demeure controversée, en indiquant aussi le doute qui demeure sur le « caractère scientifique du TDAH » et en rappelant finalement, avec pertinence, qu’on ne sait « s’il s’agit d’une seule catégorie diagnostique » (p. 132). Il rappelle des chiffres, lesquels sont impressionnants. Le TDAH affecterait « environ 3,4% de la population enfantine mondiale » (p. 130), avec une fourchette qui peut aller jusqu’à 7%. Les troubles de l’humeur de l’enfance et de l’adolescence auraient été multipliés par 40 en quelques années au fil de l’évolution du DSM [12]. Une prescription médicamenteuse se fait à présent – à l’instar des États-Unis, depuis un moment déjà — même chez les moins de 3 ans. On sait que la Ritaline est à présent généreusement distribuée par les médecins. Les parents deviennent des participants actifs de cette médicamentation et les enseignants sont souvent eux-mêmes, aujourd’hui, à l’origine du processus de catégorisation. L’auteur souligne la « forte sensibilité au contexte » de ce trouble.

En appelant à Erving Goffmann, Giuseppe Rociola, saisit en fin de compte le TDAH comme le résultat de la résistance de l’humain à la biopolitique (p. 137). Les enfants hyperactifs sont pour lui les « martyrs de notre temps » ; ils témoignent de la « dynamique profonde de notre culture et représentent un point d’arrivée sur la voie du contrôle social » (id.). Nous sommes passés d’un pouvoir disciplinaire à un pouvoir biopolitique, pour reprendre Foucault. La réflexion se poursuit sur l’importance de la perspective neuroscientifique qui ramène tout à du neurobiologique et enchaîne sur l’hyperactivité comme symptôme d’une société de la jouissance [13]. Le mot TDAH, explique l’auteur en conclusion, nomme l’impasse de l’adulte qui se tourne vers le discours biomédical. L’enfant hyperactif incarne une forme d’éducation ratée qui le plonge dans un sentiment d’impuissance. Giuseppe Rociola rejoint ici un certain nombre d’auteurs, tel Jean-Pierre Lebrun.

Jean-Marie Weber termine l’ouvrage par une réflexion sur l’hypermodernité et les défis éthiques qu’elle soulève pour les enseignants. L’école, dit-il, serait en passe de devenir un service, au sens marchand du terme. C’est à vrai dire ce qui se passe déjà dans le champ du travail social. Le danger guette à présent l’école. Dans sa réflexion éthique, l’auteur fait appel à nombre d’auteurs : Marcel Gauchet, Aristote, Freud, Kant, Denis Vasse, Jean-Pierre Lebrun, Jean Oury, Lacan… Il rappelle l’importance du transfert, de la rencontre, de la dimension de l’altérité. Entre autres formules fortes de l’auteur, on retiendra celle qui définit l’éthique du travail éducatif comme éveil du sujet à la liberté (p. 161). À l’enseignant, il incombe finalement, nous dit Jean-Marie Weber, de soutenir le jeune à « s’ouvrir à l’Autre », alors même que celui-là est continuellement interpellé par le rapport à la jouissance de celui-ci.

Un prolongement à la réflexion

Incontestablement, le livre offre un recul diversifié et important sur ce qui agite l’école aujourd’hui et sur cette contradiction qui se repère immédiatement entre une affirmation d’inclusion sans limitation et la multiplication surprenante des handicaps, en son sein et de son fait, appuyée toutefois par les orthophonistes et divers « experts » extérieurs. L’ouvrage insiste beaucoup sur la notion de « normes », entendue au sens sociologique et donc au pluriel. Les références essentielles sont à cet égard, outre le travail de Pierre Macherey, celles de Michel Foucault et de sociologues comme Howard Becker et Erving Goffmann. Il est beaucoup question notamment de « biopolitique », ce qui est parfaitement cohérent avec l’analyse menée de la portée des thèses cognitivistes et neuroscientifiques dans leur collusion avec la médicalisation des difficultés scolaires et, plus largement, avec les modalités gestionnaires qui s’ensuivent. La force essentielle de cet ouvrage tient à cette insistance sur la notion de normes. Mais s’il est beaucoup question de normes, de normalité et donc du « normal », il est beaucoup moins fait référence à la notion de « pathologique », alors même que le titre joue de cette opposition. On pouvait s’attendre, en se référant d’abord au titre, à une réflexion plus approfondie sur cette différence normal – pathologique « à l’école d’aujourd’hui », d’autant que beaucoup des contributeurs sont en même temps des psychanalystes, ou des cliniciens marqués par la psychanalyse, qui ne sont pas sans disposer d’un recul par rapport à cette manière de diagnostiquer à foison des « troubles », lesquels constituent autant de « handicaps ». Il est en tout cas possible de prolonger la réflexion sur ce point, surtout à partir du modèle de la médiation de Jean Gagnepain.

Certes, à l’école, il n’est guère question de pathologie. On parle de « troubles » et de « handicaps ». Ceci dit, c’est là une manière, plus ou moins déguisée, d’introduire malgré tout de la pathologie. Les auteurs de l’ouvrage ont donc raison d’évoquer la notion de pathologie en lien avec normal. Toutefois, la pathologie, d’un point de vue clinique, ne se définit pas par rapport à une norme, statistique ou pas ; elle n’a rien à voir non plus avec la déviance (si la pathologie donne bien lieu à une gestion sociale, différente selon les époques et selon les sociétés). Il ne s’agit pas ici d’en revenir aux travaux de Georges Canguilhem. On se contentera de dire que, classiquement, on parle de « structure clinique », en ne confondant pas non plus une structure clinique avec des « traits » cliniques. Parler de « structure clinique » revient à faire appel à un ensemble cohérent de phénomènes, dans le fonctionnement même de celui pour lequel on peut évoquer cette notion. Et, dès lors, on se trouve en mesure de conférer à ce fonctionnement une explication en le rapportant à une causalité, quoi qu’il en soit de la singularité avec laquelle la personne, ou le « sujet » en question, « habite » cette structure. La notion de normes ne suffit donc pas à éclairer le pathologique, mais surtout la démarche qui prévaut à l’école n’a rien à voir avec cette réflexion en termes de structure clinique. Ce n’est en fait pas à une approche réellement clinique des phénomènes que l’on assiste actuellement dans le cadre de l’école.

Il est tout de même beaucoup question, à l’école, outre de l’autisme et des troubles de l’attention — avec ou sans troubles de l’hyperactivité — qui ne lui sont pas réservés, des fameux « dys- » qui prennent précisément peu de place dans l’ouvrage en question, sinon pour évoquer les affolantes statistiques. On parle même à présent de « galaxie des dys- », tellement ces « troubles » se multiplient dans le cadre scolaire. Il faut être en mesure d’en dire un mot et ne pas laisser, dans un esprit critique tel celui qui anime les contributeurs de l’ouvrage, le cognitivisme et la neuropsychologie s’emparer de ces réalités. Ces « troubles » ne sont et ne constituent pas, répétons-le, des « structures cliniques ». Ils sont le résultat d’observations portant sur des anomalies de fonctionnement (à partir donc d’un regard qui relève effectivement d’une approche en termes de « normes »), anomalies qui ne sont jamais rapportées à autre chose qu’à elles-mêmes. Elles définissent à chaque fois un « trouble » qui vaut en lui-même et l’on comprend que les troubles puissent se multiplient lorsque l’on change de registre d’observation, ou plus exactement de domaine d’apprentissage.

C’est déjà ainsi qu’est née, il y a à présent des décennies [14], la fameuse « dyslexie », dont Jean Gagnepain a pu dire avec humour, il y a plus de 50 ans, qu’elle était la « maladie de l’instituteur ». Entendons que c’est à l’école qu’elle apparaît à l’occasion d’une difficulté d’apprentissage, mais que les processus qui rendent compte de la difficulté d’un enfant dans l’apprentissage de la lecture ne se réduisent pas à ce que l’école vient à ce moment-là révéler. En clair, il ne peut s’agir d’une maladie, ni de maladie en soi, ni d’une maladie qui serait à ce moment-là homogène [15]. Les raisons de la difficulté observée peuvent être multiples. C’est de la même manière, et avec la même absence de recul clinique, que sont « apparues », dans un tout autre contexte donc, la « dysphasie », la « dysgraphie », la « dysorthographie », la « dyspraxie », la « dyscalculie », etc. La liste n’est pas restreinte et il est toujours possible d’en voir surgir d’autres. Un raisonnement par l’absurde peut ici être utile pour faire saisir le mode de constitution de ces « troubles » : imaginons que demain l’école décide d’inscrire le piano dans les apprentissages obligatoires, nous aurions très rapidement affaire à des dyspianoïques ! Et, dès lors, à la création d’un nouveau type de rééducateurs…

Une démarche réellement clinique n’en demeure pas à une telle approche qu’on peut légitimement qualifier de naïve. Elle vise précisément à mettre en rapport une « anomalie » relevée dans un contexte particulier avec d’autres également observables — débordant au besoin le seul cadre de l’observation première —, afin de lui conférer le statut, épistémologiquement différent, de « symptôme ». Alors, l’anomalie en question sera rapportable à un ensemble plus large et, déjà, à une explication qui déborde nécessairement le phénomène pris en lui-même. On comprend que le fameux TDAH n’ait en lui-même aucune portée clinique. Ce qui ne revient pas à dire, dans ce cas également, qu’il n’existe pas de problème chez l’enfant pour lequel une telle observation est effectuée [16], mais l’explication variera selon le sens que prendra la difficulté repérée, dès lors qu’elle se trouve mise en rapport avec d’autres comportements de l’enfant.

En d’autres termes, il importe de faire la différence entre une réalité clinique et une réalité sociale. Elles ne renvoient pas au même type de processus. La réalité clinique [17] résulte du fait d’avoir conféré un statut explicatif aux difficultés observées, même s’il peut être encore, pour partie au moins, hypothétique. La réalité sociale correspond, quant à elle, à la mise sur le devant de la scène d’un phénomène socialement marquant à un moment donné de l’histoire d’une communauté. Elle répond à une question que la société vient se poser ; elle constitue donc une « construction » de la société en question. Point de « dys- », ainsi, avant l’école obligatoire pour tous. L’école obligatoire révèle, de fait, des enfants en difficulté devant des apprentissages. Cela ne signifie pas pour autant que les processus concernés se résument à la difficulté observée, ni même qu’ils s’expliquent dans le cadre de l’école. Cliniquement, un trouble (au sens cette fois de la théorie de la médiation) ne s’explique jamais là où il s’observe. Tel est le b-a-ba d’une réflexion clinique. Il faut remonter, au-delà de l’observation, au processus qui en rend compte. C’est ainsi que cliniquement une « anorexie », dans un autre champ, ne saurait constituer en elle-même une structure clinique ; elle est au demeurant rapportable à des raisons différentes qui varient selon les personnes concernées, mais surtout selon ce avec quoi le phénomène en question peut être mis en rapport. Il en est de même d’une « addiction », par exemple. C’est ainsi également que la théorie de la médiation montre qu’un trouble qui s’observe DANS le langage n’est pas nécessairement, tant s’en faut, un trouble DU langage [18].

Il y a donc beaucoup à dire de ces « dys- » qui prolifèrent à l’école [19], au même titre que de l’hyperactivité et d’ailleurs de l’autisme [20]. Mais il ne suffit pas de ne pas confondre une réalité clinique et une réalité sociale, même si c’est essentiel. Il faut aller plus loin dans la mise en question de ces « troubles » scolaires. Il faut faire apparaître que contrairement à ce qui se trouve affirmée, une démarche comme celle du cognitivisme et des neurosciences pénétrant le champ de l’école contrevient à un principe de scientificité. Une démarche qui se veut réellement scientifique, autrement dit qui prétend ici expliquer, met en lien, précisément, une observation, quelle qu’elle soit, avec d’autres observations, pour les rapporter toutes ensemble à une explication qui déborde le strict cadre de l’observation première (et qui, ce faisant, vient conférer à l’ensemble de ces phénomènes un sens cohérent). Telle est la démarche scientifique véritable ; elle vaut au demeurant quel que soit le domaine concerné. Or, c’est tout l’inverse de ce que prétend effectuer ce néo-positivisme qui n’est jamais, au sens strict, qu’un scientisme. Il faut insister d’ailleurs sur l’importance donnée aujourd’hui à la notion de « co-morbidité », au détriment d’une recherche réellement explicative. On sait qu’un enfant peut être de nos jours à la fois dyslexique, dyspraxique et dysorthographique (voire autre chose encore) sans que cela ne questionne véritablement ceux qui procèdent à une telle juxtaposition et à un tel morcellement.

L’ouvrage paru sous la direction de Laurence Gavarini, Dominique Ottavi et Ilaria Pirone, fait sans doute encore la part trop belle au cognitivisme et aux neurosciences en n’osant pas questionner la démarche même qui est celle de ces chercheurs-là [21]. Chacun son champ de compétences, sans doute, et il n’est pas que la psychanalyse et la sociologie, il est vrai, à pouvoir intervenir dans un tel champ de recherches [22]. Pourtant, un recul de cette nature ouvrirait de nouvelles perspectives. D’une part, il permettrait de réintroduire de réels cliniciens auprès de ces enfants en difficultés, aujourd’hui rapidement définis comme « handicapés ». Car contester la réalité clinique et scientifique de ces « troubles » scolaires n’empêche de prendre en compte la difficulté et la souffrance d’enfants dont la diversité des problèmes doit être affirmée [23]. Il faudrait déjà commencer par réhabiliter le travail des psychologues en milieu scolaire, aujourd’hui mis en question ; ils sont sommés de se rallier à des manières de travailler qui les empêchent d’apporter leur véritable compétence. Ensuite, une remise en question de cette nature autoriserait une forme de réappropriation de leur champ de compétences par les enseignants. Ils participent, a-t-on dit, de la catégorisation des enfants. C’est vrai ! Mais on leur a tellement seriné qu’ils n’étaient plus compétents pour traiter des questions de lecture et d’écriture, et plus largement d’apprentissage, qu’ils ont dû se résoudre à le croire. L’école aurait tout à gagner, les enfants les premiers, les parents avec eux, à ce qu’ils se réapproprient ce dont ils ont été totalement dépossédés aujourd’hui.

Un dernier point est toutefois à souligner, dont on peut penser qu’il n’est pas non plus suffisamment travaillé dans l’ouvrage collectif, malgré l’article important d’Ilaria Pirone. C’est celui de l’inclusion. Cette question-là est aujourd’hui décisive parce qu’elle détermine directement le cadre dans lequel un travail devient possible à l’école. Ilaria Pirone a raison d’insister sur le fait que cette inclusion participe d’un idéal et que le positionnement qui rend compte de cette orientation est donc foncièrement éthique. Que l’on puisse se donner un tel objectif n’est pas en soi critiquable, bien au contraire. À la condition, déjà, que l’on garde bien à l’esprit qu’un idéal, surtout de cette nature, demeure inaccessible. La perfection ne saurait être atteinte et l’on voit déjà à quelles difficultés la démarche se heurte en pratique [24]. Mais là n’est pas le plus important. Un tel idéal inclusif revient à occulter le fonctionnement même d’une société ; ce point a été rapidement évoqué ci-dessus.

Il n’est en effet de société que divisée d’avec elle-même, marquée par l’altérité et donc la différence. Cette altérité et cette différence sont précisément les moteurs du fonctionnement social. S’il est toujours possible de se battre contre telle ou telle forme d’exclusion, c’est pure illusion que de s’imaginer qu’on parviendra à effacer toute altérité et à atteindre un universalisme. C’est tout le paradoxe que suppose dès lors le fait d’affirmer l’existence de différences et de vouloir en même temps les fondre dans une société à ce point inclusive qu’elle s’étendrait en dernier lieu à l’espèce humaine, sans limite aucune. Il faut rappeler la contradiction dialectique qui ne cesse de perdurer entre, d’une part, la singularité et le particularisme et, de l’autre, la tendance à l’universalisme, laquelle ne saurait aboutir, pas plus au demeurant que son contraire. Viser l’inclusion, au sens strict, revient à prôner une conception libérale de l’homme et de son fonctionnement, celle-là même que dénonce Dominique Ottavi dans son introduction, et à tenter en définitive d’évacuer le social lui-même [25].


Notes

[1Cf. notamment Gilly M., « Problèmes psychologiques et pédagogiques posés par le recrutement actuel des classes de perfectionnement », Enfance, 20, 3-4, 1967, pp. 313-321.

[2Classes d’Intégration Scolaire, devenues aujourd’hui des Classes d’Inclusion Scolaire.

[3Institut Médico-Pédagogique ou Institut-Médico-Éducatif.

[4« L’école pour tous n’étant pas l’école de tous », comme le faisaient remarquer certains sociologues.

[5Sections d’Éducation Spéciales.

[6Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté.

[7Établissements Régionaux d’Enseignement Adapté.

[8Alors même que la langue écrite italienne est réputée comme étant nettement plus simple que la langue écrite française et prise en exemple de ce point de vue, notamment par les associations de parents françaises.

[9Cf., dans ce numéro, l’article de Thierry Lefort, « Les technologies numériques dans l’éducation : ni remède, ni poison. Éduquer à la technique au-delà du pharmakon ».

[10Jacques Laisis, 2004. Conférence à l’Université de la Sorbonne, inédit.

[11À « Haut Potentiel Intellectuel », catégorisation qui fascine également aujourd’hui.

[12Le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, en français Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, est donc un manuel — statistique, mais précisément pas clinique — qui en est à sa 5e édition et vise à s’imposer sur la totalité de la planète.

[13À propos de cette société de jouissance, cf. Cochet A., Herlédan G., Jouissez ! C’est capital. Essai psychanalytique sur l’économie libidinale moderne, éditions du Sextant, Paris, 2008.

[14J’ai personnellement côtoyé en CMPP (Centre Médico-Psycho-Pédagogique), dès ma première année de psychologue clinicien, des rééducateurs de dyslexie de l’E.N. À la même époque, à Rennes, existait depuis les années 60 une formation de rééducateurs en dyslexie dirigée par Claude Chassagny, le fondateur de la P.R.L. (Pédagogie Relationnelle du Langage).

[15Cf. Giot J., Deneuville A., QuenteL J.-C., « La dyslexie, préoccupation sociale ou scientifique ? », Le français dans le mille, Les Miscellanées, 2013, p. 11-24. Dans un autre genre, il faut rappeler les travaux de Jacques Fijalkow, notamment « Dyslexie : le retour », VEI Enjeux, 126, septembre 2001, p. 148-165 ou encore « Vers une France dyslexique », Les Actes de la lecture, 69, mars 2000, p. 35-38.

[16Dès les années qui ont fait suite à l’instauration de l’école obligatoire, deux catégories d’élèves faisant problème sont apparues : le fameux « débile », au-delà du cancre, et l’« instable ». L’instabilité a fait l’objet de très nombreux travaux avant qu’elle ne soit « rebaptisée » TDAH. La nouvelle dénomination est l’indice d’une réappropriation disciplinaire, corrélative de nouvelles hypothèses sur l’origine du trouble.

[17Que la théorie de la médiation appelle précisément le « trouble », mais dans un sens qui n’a plus rien à voir avec celui des cognitivistes et neuropsychologues. Ce trouble-là correspond à une réelle entité clinique.

[18C’est là tout le travail de Jean Gagnepain et de son équipe depuis les années 1960. En ce qui concerne plus particulièrement l’école, cf. Quentel J.-C., « Troubles du langage et troubles dans le langage », in AFPEN, Le travail du psychologue à l’école. Entre pratique et théorie, Lyon, Chronique sociale, 2017, p. 176-186.

[19Cf. Quentel J.-C., « L’enfant, le langage et l’école. Les nouveaux défis du clinicien. I. La mystification des dys », Psychologie et éducation, Pas tout biologique ! L’enfant, les discours et le psychologue, 2014, 2, p. 11-23.

[20Sachant que l’autisme constitue une réalité clinique, mais que sa généralisation actuelle à travers notamment les troubles dits du « spectre autistique » noie la réalité clinique dans une réalité qui n’est plus que sociale, ou qui du moins, interdit de penser la question clinique telle qu’elle se pose.

[21Chercheurs dont il est important de noter qu’ils demeurent foncièrement dans leurs laboratoires et méconnaissent le cadre réel de l’école, ainsi que les consultations (CMP, CMPP, mais souvent aussi les Centres du langage et des apprentissages) et services (tels les SESSAD) qui se confrontent, eux, aux difficultés cliniques des enfants et adolescents.

[22L’appel à du « neuro-développemental » doit toutefois déjà questionner par son haut degré de généralité. Autant dire qu’il n’explique rien. L’argument d’autorité selon lequel, c’est « scientifiquement prouvé » semble cependant fonctionner, alors même qu’il n’en est rien…

[23Cf. Quentel J.-C., « L’enfant, le langage et l’école. Les nouveaux défis du clinicien. II. Un travail de déconstruction clinique », Psychologie et éducation, Pas tout biologique ! L’enfant, les discours et le psychologue, 2014, 2, p. 25-40.

[24Il n’est qu’à penser à l’impossibilité à répondre à toutes des demandes d’AESH (Accompagnant des Élèves en Situation de Handicap), ainsi qu’au maintien dans les faits de structures spécialisées travaillant avec des enfants dont les pathologies demeurent incompatibles, pour le moment en tout cas, avec l’obligation de l’inclusion.

[25Pour une réflexion sur l’inclusion, cf. Cadet F., « Pouvoir d’agir et subjectivation : questions actuelles pour les psychologues et les professionnels exerçant en institution », Le Journal des psychologues, 2022, 9, 401, p. 6-12 et les travaux de Jean-Yves Dartiguenave, « De l’intégration à l’inclusion : un changement de paradigme », Espace Social, La revue du CNAEMO, mars 2017, p. 35-39, et « L’inclusion sociale à l’épreuve de l’altérité », in Interculturalité et réaffiliations - Hommage au Professeur Gilles Ferréol, sous la direction de Jean-Yves Causer, Louvain-La-Neuve, éditions EME, 2022, pp. 45-53.


Pour citer l'article

Jean-Claude Quentel, Thierry Lefort« À propos de l’ouvrage : Le normal et le pathologique à l’école aujourd’hui (2022) », in Tétralogiques, N°28, Expliquer les crises et mutations de l’éducation et de la formation.

URL : http://tetralogiques.fr/spip.php?article215