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Gérard-Louis Gautier

Journaliste retraité, critique cinéma, auteur du « Dictionnaire cinématographique de Bretagne » (Tétragram éd., 1995)
gautier.gerard-louis chez wanadoo.fr

La Nuit du Chasseur. Contribution à l’épistémologie de l’imagerie



L’article qui suit reprend, pour partie, quelques éléments d’un DEA [1] soutenu en 1988 sous la direction de Jean Gagnepain. Premier jalon d’un projet de thèse, l’approche de ce mémoire devait s’inscrire dans une exploration plus générale de la notion d’icône avec pour ambition déclarée d’en restreindre l’application au domaine de la cinématographie. Sa publication aujourd’hui, moyennant quelques retouches dues à la relative usure du temps et des concepts, répond à la sollicitation récente de chercheurs travaillant dans le champ de la théorie de la médiation, curieux de lire un travail d’inspiration médiationniste spécifiquement consacré à ce secteur particulier de la « déictique » [2]. Pourquoi le cinéma ? Parce qu’il s’inscrivait précisément dans la pratique d’une profession que j’exerçais alors comme critique de cinéma dans la presse spécialisée. Or, la lecture des ouvrages consacrés à ce domaine m’avait rapidement convaincu que la dispersion des points de vue risquait de ne produire, dans l’esprit du public, que de la confusion.

Dès lors, la nécessité me paraissait fondée de tenter une autre approche des réalités audiovisuelles, cinématographiques et médiatiques afin d’offrir aux cinéphiles intéressés un argumentaire, cohérent et rigoureux, susceptible de nourrir leur recherche. Je vous en propose quelques morceaux choisis. La réflexion qui s’y développe fera constamment référence aux acquis de la théorie de la médiation : difficile, en effet, d’engager la reprise d’un débat sans une démarche parallèle de vulgarisation des principes épistémologiques qui en autorisent précisément la révision [3].

1. Quelques détours méthodologiques

1.1 Le coup d’épée d’Alexandre

Au cours des années 1970 et 1980, la quasi-totalité des phénomènes de culture s’était trouvée colonisée par un nouveau corps de doctrine communément appelée la « sémiologie » [4]. Aucun des secteurs relevant des sciences humaines n’avait échappé à ce maelström : la critique cinématographique, pour sa part, avait largement contribué à en accélérer le mouvement au point qu’il apparaissait désormais difficile de ramer à contre-courant [5]. N’était-il pas imprudent, voire téméraire, dans ces conditions, de tenter quelque nouvelle approche du phénomène cinématographique ? C’était le défi, en tout cas, que nous nous proposions de relever à partir de la théorie de la médiation telle qu’elle était développée à ce moment-là à l’université de Haute Bretagne (Rennes 2) par une équipe de chercheurs alliant l’aphasiologie et l’épistémologie.

Reprises aujourd’hui, sous une forme remaniée, ces nouvelles données n’auront nullement la prétention de rendre définitivement caduques les recherches conduites antérieurement par d’autres critiques, mais auront plutôt, pour première ambition, d’en infléchir certaines orientations. L’objectif, à terme, se proposera de bâtir un modèle cohérent susceptible de rendre compte, au mieux, de ce qui constitue la « cinématographie », c’est-à-dire de casser définitivement l’unité artificielle qui s’est construite autour d’elle depuis les origines du Grand Café. Il se trouve qu’en ouverture de ce travail, nous partageons avec Jacques Aumont cet inévitable « sentiment qu’on inaugure la théorie, qu’on réarticule tout à nouveau » [6]. Inaugurant précisément, ici, une autre théorie de la cinématographie, nous ne saurions évincer d’une simple pirouette ce double fil conducteur, préalable obligé de toute enquête sur le sujet :

a) Théoriser le cinéma a-t-il un sens ? Et lequel ?

b) Penser le cinéma est-il vraiment l’effet-miroir le révélant comme un mode virtuel de pensée ?

Jusqu’ici, nombre d’essais théoriques, sous prétexte de dénouer cet écheveau rebelle, ont contribué paradoxalement à en resserrer les fils. Nous jouerons, par conséquent, tout au long de cet essai, le nécessaire remake alexandrin du fameux nœud gordien.

1.2 L’analogon du langage

Théoriser le cinéma ne consiste pas à produire pour la beauté du verbe quelques suppléments de discours sur la cinématographie. Au contraire, il s’agit, plus prosaïquement, d’affirmer sur le sujet la perspective raisonnable d’une meilleure scientificité. Celle-ci ne nous est précisément autorisée qu’en vertu de ce principe d’analyse dont le langage est, en nous, le médiateur privilégié. Autrement, nous serions restés cet improbable rejeton d’une animalité dite supérieure mais qui n’aurait pas encore tranché le cordon ombilical de sa nature originelle. Penser n’est rien d’autre que de savoir ainsi trancher dans le vif du sujet avec, pour seul appareil, le langage. Trancher non pas comme Alexandre, à la hussarde, mais au contraire, trancher à meilleur escient, selon la perspective plus pertinente d’une scientificité bien tempérée.

Ainsi, puisque toute analyse de la représentation passe par le langage, il est bon de s’interroger avant tout sur les processus gnoséologiques propres au terrain linguistique. Faute de quoi, tel ou tel, notamment, contaminé à son insu par l’effort théorique qu’il soutient vis à vis de son objet d’étude, confondra l’articulation de cet objet avec la procédure méthodologique par laquelle il prétend en saisir la complexité. Pour peu, dès lors, que sa compréhension de l’objet cinématographique, compte tenu de sa spécificité, progresse en raison égale de l’affinement critique de son appareil conceptuel, le théoricien aura tôt fait de projeter chez l’un, pour bénéfice de sa quête, le principe structurel de l’autre. Au total, l’équation entre cinéma et langage lui paraîtra d’autant mieux établie qu’elle légitimera, en dernier ressort, l’épreuve intellectuelle que réclamait son explicitation.

Le langage est un découpage. Dès lors, la méthode analytique hérite, entre autres propriétés, comme performance rhétorique [7], du double caractère différentiel (la différenciation des variables) et divisionniste (le dénombrement des parties) du langage. La projection de ce modèle analytique sur tout objet soumis à l’examen, contribuant du même coup à le formaliser comme tel, constitue un standard de base applicable, par analogie, outre le langage (le Signe), à la structuration des trois autres modalités culturelles cliniquement dissociables, que sont l’art (l’Outil), la société (la Personne) et le droit (la Norme). Or, c’est probablement ce même décalque qui serait, par abus de langage, à l’origine de cet « universel de signifiance » si promptement appliqué à tout ce qui s’apparente de près ou de loin à des codes ou des programmes, organisés en systèmes, à l’instar des « langages humains » : écritures, mathématiques, idiomes, etc.

C’est globalement cet excès d’intelligibilité qui nous porte à croire que l’univers s’emboîte d’une façon aussi explicitement astucieuse alors qu’il s’agit là, sous l’aspect de ce que nous appelons la référence, du résultat qu’induit la projection de notre rationalité sur les choses. Or, c’est, au fond, cette projection qui rend, et nous renvoie, l’univers si idéalement structuré. Tous les logiciens se sont, jour ou l’autre, attelés à l’examen de ce paradoxe. Henri Atlan, pour sa part, y faisait subtilement allusion sous la notion d’expérience divisée.

« Depuis la conception de Galilée, expliquait-il, d’un univers comme livre dont la langue serait les mathématiques, ou celle de Poincaré pour qui celles-ci sont la langue de l’homme quand il étudie la nature... cette question n’a pas fini de hanter hommes de science et logiciens. Et elle ne se pose et ne repose que sur le fond de notre expérience double, divisée, du concret et de l’abstrait » [8].

Les spécialistes des sciences exactes, dans leur majorité, ont très tôt perçu l’enjeu gnoséologique que représentait cette rupture de la nature et de la culture. Soumis en effet à l’impérieuse nécessité de devoir méthodologiquement dessaisir l’homme, c’est-à-dire leur propre esprit, du contexte des apparences objectales, il leur incombait de magnifier l’extériorité de l’homme par rapport au monde. Tel est le recul, légitime, de l’objectivité mais sur lequel tous les positivismes se sont abîmés. En revanche, les spécialistes des affaires humaines sont restés, sur ce point, en retard de plusieurs révolutions coperniciennes. Car justement, leur domaine d’intervention concernait l’homme, mais l’homme envisagé comme organisateur de ce système d’emboîtement dont nous évoquions plus haut le si parfait ordonnancement. Contrairement aux scientifiques qui avaient fait leur deuil, nécessaire, de ce paradoxe, les philosophes, eux, avaient précisément la charge d’en rendre compte. Comment ? Tout simplement, puisqu’ils sentaient plus ou moins intuitivement que le lieu de la contradiction, c’est-à-dire la clé de l’énigme, c’était le langage, ils en firent le nœud gordien primordial, principe fondateur exclusif de toute l’existence humaine. Ainsi, à l’échec positiviste du trop de nature correspondait symétriquement, chez eux, l’échec nominaliste du trop de langage.

1.3 L’impasse de la sémiotique

Les scientifiques sérieux ne croient plus aujourd’hui à cette chimère d’un univers qui s’offrirait à l’homme comme un grand livre ouvert dont il lui suffirait de parcourir l’ensemble des chapitres du premier jusqu’au dernier. C’est pourtant ce que persistent à croire, en matière d’anthropologie, bien des penseurs modernes abusés par leur propre ombre nominaliste, incapables de considérer l’homme autrement que comme de vastes systèmes de « signes », de vastes territoires de langage qu’il leur incombe de déchiffrer. Pour nous, il ne saurait y avoir de langage que le langage. Si le cinéma, à l’occasion, peut être examiné comme objet d’étude, ce qu’il est manifestement à partir du moment où nous le théorisons, nous n’aurons pas pour objectif, comme la plupart de nos prédécesseurs, de concilier l’inconciliable (par un effet amoindri du réductionnisme « fort ») [9], de poser l’équivalence Cinéma = Langage, mais justement, de faire ressortir à chaque fois ce qui distingue l’un de l’autre. Si, à tous égards, le plan du langage constitue le lieu d’émergence à la conscience, puisque c’est celui de la pensée et de la contradiction humaine, il n’est pas, tant s’en faut, le seul lieu d’expérience de cette contradiction définitoire de l’homme. Trois autres modalités rationnelles participent de cette définition : les trois autres plans de médiation de l’Art, de la Société et du Droit.

Nombre de critiques cinématographiques et de chercheurs universitaires se sont ainsi laissés piéger par cette illusion d’un statut souverain du langage érigé en principe fondateur de la culture, en un mot, de l’homme. Cette surestimation tient, comme nous l’indiquions plus haut, au fait que le langage constitue le mode spécifique de rationalité logique dont l’espèce humaine se trouve créditée. Henri Atlan rappelle la proposition d’Heisenberg selon laquelle « il n’y a pas de science de la nature mais une science de la connaissance qu’ont les hommes de la nature ». « Cette boucle, ajoute-t-il, n’est autre que celle de la récursivité du langage qui organise le réel… tout en étant le produit de cette organisation » [10]. Et l’on devine aisément le degré de recul qu’exige, chez tout descripteur, la claire conscience du principe gnoséologique d’une pareille circularité.

Cette usurpation de titre a eu pour effet déterminant d’engager un certain nombre de recherches « sémiologiques » ou « sémiotiques » dans une relative impasse. Le langage occupant une position nodale, ces fameux « codes de signification » qui en procéderaient : cinéma, affiche publicitaire, peinture, gestuelle, mode vestimentaire, architecture, etc. n’en seraient que les substituts ou les avatars. Il va sans dire que la panoplie de ces pseudo-signifiants, ce que Roland Barthes appelait ses « mythologies », conserve quelque chose d’assez hétéroclite. D’où l’idée de postuler l’existence d’un principe unitaire : le métalangage, autrement dit, un ensemble d’universaux culturels que la biologie des comportements, d’ailleurs, viendrait fort opportunément étayer.

Pour sa part, le cinéma relève, pour l’essentiel, d’une médiation non plus logique mais technique, c’est-à-dire d’une analyse du faire. Cela n’exclut pas cependant les multiples interférences de l’un à l’autre de ces deux modes de rationalité. Déjà, décrire le cinéma ou le réinsérer dans une théorie de l’homme, c’est faire acte de langage sur la technique, c’est formaliser par les mots quelque chose de déjà formalisé sur son plan respectif par l’outil. Et l’on n’aura de cesse alors de prendre garde à clairement dissocier ce qui relève de cette analyse du faire et ce qui relève de la « science » que l’on tiendra à son propos.

2. Principe de déconstruction

Depuis ses origines, ce que nous appelons la cinématographie a fait l’objet de multiples tentatives théoriques, chacune apportant à l’ensemble un éclairage qui pour avoir été original à son heure, n’en est pas pour autant apparu comme décisif. La raison de ce relatif échec tient, semble-t-il, à l’incapacité de leurs auteurs à leur fournir un cadre épistémologique adéquat. Le critique, en effet, y oublie bien souvent l’essentiel, à savoir le rôle même que nous jouons dans cette affaire. Car, à vrai dire, sans nous, il n’y aurait point de cinéma. C’est-à-dire que l’objet de notre quête n’est pas tant le cinéma lui-même qu’à travers lui, l’homme. Autrement dit, une théorie du cinéma est proprement inenvisageable sans d’abord, une théorie de l’homme, c’est-à-dire une théorie de la culture.

Il nous incombe, par conséquent, de rester extrêmement vigilant sur le contenu de notre propre discours comme s’il fallait se méfier à tout instant des apparences du sens commun, c’est-à-dire de ces trompeuses coïncidences que les propriétés métaphorique et métonymique du langage entretiennent et renforcent à notre insu, dans la description des phénomènes cinématographiques ou autres. Sur ce plan, en effet, de sérieuses ambiguïtés subsistent dans les propos, qui tiennent à quelques confusions dont nous devons absolument nous débarrasser. Faute de quoi, le débat risque d’être faussé d’emblée et ce faisant, l’enjeu intellectuel n’en vaudrait plus la chandelle, fût-elle lanterne magique. C’est en ce sens qu’il faut entendre le terme de « déconstruction » que nous allons illustrer maintenant de trois exemples.

2.1 Langage et cinéma

Cette fréquente confusion s’appuie sur le contenu d’un parallélisme à double détente, et par là, doublement illusoire : le premier consiste à établir une analogie entre la propriété référentielle du langage (les mots et les choses désignées) et celle du cinéma (les images et ce qu’elles donnent à voir) ; le second consiste à superposer au double aspect phonique et graphique du langage, le double matériau sonore et visuel du cinéma. Le résultat de cette curieuse hybridation aboutit alors à définir ce que serait une écriture sous deux équivalences formelles : littéraire et cinématographique !

Ce télescopage pour le moins abusif tend à faire accroire que les « lois linguistiques » (tant grammaticales que rhétoriques) doivent s’appliquer directement au cinéma. Les articulations (plans, cadres, etc.) y seraient l’équivalent de la grammaire ; son côté « narratif », celui de la rhétorique. Hélas, la pierre d’achoppement de ce système est justement l’impossibilité de dégager ce que Christian Metz appelait « les unités pertinentes repérables », unités qui seraient, par hypothèse, conformes à celles du langage. La raison de cet échec comptable tiendrait, à son avis, à « leur multiplicité numérique, la diversité de leur taille, la diversité de leur forme syntagmatique » [11].

Conscient de cette réelle difficulté, Christian Metz émet alors cette réserve :

« Il y a là trois raisons pour être en garde contre la notion de signe cinématographique (au singulier), du moins sous la forme, plus ou moins clairement affirmée (parfois, à la limite, réductible à une attente), qu’elle revêt assez souvent : c’est l’idée qu’il existerait, qu’il faudrait rechercher, un seul signe cinématographique ou un seul type cinématographique d’articulations ; que ce signe serait d’un ordre de grandeur à peu près stable et plus ou moins familier (on se le représente volontiers, sur le modèle du signe linguistique, comme relativement « petit », comme point trop différent du morphème ; c’est pourquoi on cherche plus spécialement du côté de l’objet-filmé, du photogramme ou même du plan)… » [12].

Une préoccupation identique anime Pier Paolo Pasolini lorsqu’il imagine, par exemple, un système de cinèmes calqué sur celui des sèmes. D’ores et déjà, nous sommes en mesure, cependant, de comprendre en quoi un tel système d’explication pêche par imprécision. Celle-ci ne saurait être levée sans une définition rigoureuse et du langage et du cinéma ! Quant à la pseudo-similitude de l’écriture et du cinéma, son origine est probablement située dans la perception très intuitive que l’on a de leur commune appartenance au domaine de la technique. Ce qui les sépare finalement, c’est la représentation que l’une et l’autre technicisent : l’écriture constitue une technicisation du langage, représentation déjà médiatisée ; le cinéma, au contraire, une technicisation du symbole, représentation immédiate.

Sous la commode assimilation de la phonie et de la graphie, perce d’ailleurs ce fait que l’écriture ayant pour trajet de « visualiser » des éléments de langage, signifiant et signifié, elle formalise techniquement sur un autre plan ce que le langage formalise déjà, logiquement, sur son plan propre. Les articulations prêtées abusivement à l’écriture proviennent, finalement, par répercussion, du langage lui-même. Par différence, le cinéma, « visualisant » des éléments symboliques non déjà structurés logiquement, il devient difficile de lui attribuer une structure logique d’identités et d’unités à moins, précisément, d’en faire les équivalents analogiques d’une structure technique propre au fabriquant et au fabriqué.

2.2 Cinéma et écriture

L’hypothèse ne semble pas, pour autant, définitivement exclue. En effet, envisagés par leur contenu (paysages naturels, décors reconstitués, personnages, sons, bruitages, contrastes d’éclairage, etc.), les photogrammes se composent d’une extrême hétérogénéité d’éléments dont la distribution ne relève jamais d’un ordre totalement aléatoire. A bien les observer, même, tous ces éléments signent en quasi permanence la présence de l’homme. Soit, par exemple, les personnages, leurs costumes, l’architecture où ils évoluent, etc. manifestant une sorte de raccourci d’histoire ; soit encore la présence, elle-même, de tel ou tel objet se rapportant peu ou prou à un mode savant d’explication… Et pourtant, l’indication ainsi mise en œuvre n’est nullement assimilable à un quelconque processus de désignation sous forme de mots. En effet, s’agissant des choses montrées, la perception qu’en a le spectateur à l’écran est en tous points similaires à celle qu’il en éprouverait dans les conditions normales de la vie courante, hors donc de toute abstraction.

Autrement dit, son mode de représentation, malgré le caractère « fabriqué » ou artificiel de sa construction déictique, reste encore sous la dépendance du percept, c’est-à-dire la saisie immédiate, concrète, en bref non verbale de l’objet. S’il peut donc y avoir proximité du signal (l’indication) et du concept (la désignation), c’est en vertu de leur recours au même processus d’analyse bien que l’un et l’autre demeurent fondamentalement autonomes, c’est-à-dire respectivement technique, dans un cas et logique, dans l’autre. C’est, néanmoins, dans le recoupement de ces deux plans d’analyse que le terme de signal prend tout son sens comme technicisation de la représentation : signal de symbole lorsque cette représentation n’est pas verbale, signal de signe lorsqu’elle est verbale. Reste que la conformité de son indication est dans un rapport tel à la chose montrée qu’elle donne précisément l’impression d’une reproduction de la réalité. Or, cette réalité s’avère ou bien d’ordre non verbale et partant, non écrite, lorsqu’elle se rapporte aux choses sensibles, ou bien, au contraire, d’ordre verbal et partant, résolument écrite, lorsqu’elle se rapporte à l’intelligibilité des mots. D’où la distinction qui s’impose de deux modes d’indication clairement dissociés : déictique dans le cas de l’icône, ergo-linguistique dans le cas de l’écriture.

Pour parler plus trivialement, si beaucoup de chercheurs discourent « d’écriture filmique », personne n’est en mesure de lui donner un statut scientifique car personne jusqu’à présent n’a pu en déterminer « l’alphabet ». Langage, écriture, cinéma : l’effet « boule de neige » s’aggrave encore du fait de la terminologie. Le terme de « cinématographie », en effet, joue avec la métaphore de la graphie, entretenant, par contrecoup, ce mythe de l’écriture filmique. Toutefois, depuis quelques temps, la critique professionnelle tend à se démarquer d’une conception aussi réductrice. Prenons-en pour preuve cet aveu commis par Christian Metz lors d’un « come-back » effectué après quelques années d’absence médiatique, dans la revue Vertigo :

« André Gaudreault fait observer qu’un énoncé linguistique est automatiquement attribué à une personne précise, identifiable ou non, et que cette certitude commence à chanceler dès qu’on a affaire à des énoncés non verbaux. Il faut d’ailleurs se souvenir que le mot « énoncer », en français commun, s’applique uniquement à l’acte de parler ou d’écrire (cf. « l’énoncé du problème »), traduisant ainsi la conviction presque générale que le seul langage véritable est la langue. Au reste, lorsque David Bordwell condamne la notion même d’énonciation dans les études filmiques, c’est un argument très semblable qu’il met en avant, la nature non linguistique de l’objet » [13].

S’il faut reconnaître à Christian Metz le mérite de ne pas ignorer les discours en contradiction avec le sien, en revanche, on comprend moins, dans ces conditions, l’obstination de l’auteur à ne tirer aucun enseignement de ses contradicteurs. Aussi bien, persiste-t-il, imperturbable, à disserter de « l’énonciation dans le film » en transposant maladroitement les propriétés rhétoriques du message aux performances industrielles de l’icône. Si le cinéma, comme l’art, n’est point langage, nous verrons cependant quel intérêt nous pouvons tirer de la comparaison du cinéma et de l’écriture dans la mesure où tous les deux appartiennent en propre à la même médiation technique, au sein du secteur déictique pour le premier, au statut ergo-linguistique pour la seconde.

2.3 Cinéma et film

Restons précisément sur le plan technique pour signaler une possible confusion, couramment entretenue, celle qui télescope dans une semblable réalité les deux notions de cinéma et de film. Il importe, au contraire, pour la rigueur de nos démonstrations, de dissocier d’emblée d’une part, le cinéma comme secteur d’activité et d’autre part, le film comme échantillon de production, le produit fini ou manufacturé. Secteur d’activité, le cinéma est envisageable, dans sa totalité, comme structuration d’un processus sous la forme ergologiquement abstraite de l’outil (matériaux, engins ; tâches, machines) lequel se spécifie, par réinvestissement, sous la forme d’un standard médiatique qui l’apparente, sans le confondre, aux autres standards homologues : bande dessinée, photographie, arts plastiques…

Ce même secteur, envisagé comme entreprise « de spectacle », peut obéir aux exigences synergétiques [14] et économiques tenant aux divers types d’échange dont il est à l’occasion, sociologiquement le siège. Quant au film, lui-même assujetti comme valeur d’usage, aux impératifs synergétiques et économiques, il semble par ailleurs plus directement concerné par une perspective sémiotique en tant que vecteur potentiel de communication et par une perspective socio-critique en tant qu’œuvre d’auteur. Du point de vue ergologique, nous devons, de toute façon, circonscrire avec rigueur, s’agissant du produit-film, le rapport dialectique qui s’instaure à son propos entre l’instance de sa fabrication comme outil opposable à tous les autres et son réinvestissement explicite dans le produit. Ainsi, le film se trouve-t-il, par rapport au cinéma et à l’outil, l’équivalent du livre par rapport à l’écriture et à l’outil.

Précisément, lorsque par l’écriture, le message devient ouvrage, il obéit par conséquent à une autre dialectique. Pour ce qui le concerne, nous définissons d’un côté, la technique qui rend compte des formes ergologiques de l’outil, de l’autre, l’industrie qui rend compte des performances effectivement réalisées. Celles-ci, en parfaite analogie avec les performances rhétoriques, se caractérisent par divers paramètres. Or, si tout message contient simultanément les parts respectives d’émetteur, de récepteur, de vecteur et d’objet qui en constituent le sens, rien n’exclut, dans la performance du locuteur, que l’une ou l’autre soit sélectivement davantage privilégiée : de là découlent, tendanciellement, quelques effets rhétoriques particuliers. De même, si tout ouvrage contient simultanément les parts respectives de producteur (écrivain ou cinéaste), d’usager (lecteur ou spectateur), de vecteur (livre ou film) et de trajet (lecture ou projection) qui en constituent l’emploi, rien n’exclut, dans la performance de l’artisan, que l’une ou l’autre soit tendanciellement davantage privilégiée : d’où, à l’actif de cette catégorie de produits (livre ou film), une relative variété d’effets industriels susceptibles de les caractériser.

En l’occurrence, la nébuleuse Cinéma/Film permet trop facilement d’entretenir les ambiguïtés. Il est courant, par exemple, d’admettre aujourd’hui, par le subtil transfert des paramètres du film au cinéma, qu’il existerait des cinématographies d’emblée différenciées. Ainsi, avec des films réputés plus sensiblement adéquats au spectateur (l’usager-exploitant) découlerait une cinématographie pédagogique (l’éducation à l’image) ou démagogique (l’effet consumériste) ? Avec des films tendanciellement adéquats au trajet découlerait une cinématographie utilitariste, documentaire ou publicitaire ? Et ainsi de suite, avec des films adéquats au producteur-exécutant, découlerait un cinéma d’auteur (s’adressant aux amateurs cinéphiles) ou de faiseur (s’adressant aux clients consommateurs) ? Avec des films adéquats aux vecteurs, découlerait un cinéma de genre ou de format ? Pourtant, nous savons bien que tous relèvent des mêmes processus de fabrication qui les rendent, de la sorte, plutôt équivalents. Le jeu idéologique, au niveau de la critique, complique encore les données. Certains critiques, par exemple, pour privilégier le vecteur, refusent d’accorder le label cinématographique aux productions vidéo, style téléfilm. Cela ne tient, en somme, ni à la technique, ni à la qualité intrinsèque des produits, mais à des préjugés de valorisation ou de péjoration, sous prétexte de noblesse du cinéma qu’il conviendrait de respecter.

3. Le cinéma et le coupe-papier

Évoquant précédemment certaines confusions préjudiciables en matière de description cinématographique, nous disions qu’elles résultaient d’une évidente faiblesse de découpage. La première nécessité s’impose donc de concevoir un meilleur découpage, c’est-à-dire une meilleure déconstruction de la chose cinématographique. D’emblée, en effet, le cinéma nous apparaît global, complexe, traversé de multiples contributions impliquant les disciplines les plus diverses : histoire, psychanalyse, technologie, critique… Selon l’angle de vue adopté, tantôt plus historique que critique, tantôt plus psychanalytique que technique, le risque survient de réduire le cinéma à tel ou tel de ses aspects catégoriels, avec pour effet subalterne de privilégier la partie sur le tout, autrement dit, d’ériger la catégorie, par auto-centrisme du spécialiste descripteur, en référence cardinale de l’examen.

Pour nous, sans rien abandonner de ce qui le constitue, il importe désormais de fragmenter cet ensemble cinématographique en autant d’objets qu’il est nécessaire, à la façon d’un puzzle qui n’a d’intérêt que déconstruit. L’image du puzzle, d’ailleurs, nous suggère deux terrains concomitants de manœuvre car il obéit à une double justification : celle du modèle, d’une part, celle du contenu, d’autre part. Le modèle conditionne le nombre des morceaux comme la structure d’assemblage qui fonctionne par continuité ou discontinuité des contours. Mais la découpe n’est pas découpe de rien. En effet, le paysage découpé possède lui-même ses propres continuités ou discontinuités, étrangères à celles du modèle. De ce fait, le succès final de la démarche épistémologique sera fonction de la prise en compte de cette double emprise de continuité-discontinuité. De nos jours, le livre de poche et les techniques modernes d’édition nous ont fait perdre l’usage du coupe-papier. Pourtant, il y a peu, la première opération « chirurgicale » du critique littéraire consistait précisément à introduire cet ustensile dans les pages du roman à décrypter. C’est donc très métaphoriquement que nous nous proposons d’adapter cet égal bistouri critique à l’investigation de la pellicule.

3.1 La médiation : de l’œil à la caméra

L’essentiel, dans cette affaire, part du principe que les objets culturels ne sont plus d’ordre immédiat et concret, mais médiatisés et abstraits. On a beaucoup comparé, par exemple, la caméra à l’œil. Quoi de plus évident ? C’est effectivement à l’investigation anatomique que l’on doit la segmentation suivante : Iris-Cristallin-Globe oculaire-Rétine à partir de quoi nous reproduisons industriellement le dispositif : Diaphragme-Lentille-Chambre noire-Pellicule. Mais la comparaison s’arrête là. L’argument bionique, autrement dit, ne suffit pas pour accréditer, sous le prétexte d’un commun asservissement aux conditions physiques de leur exploitation, l’isomorphie de la trajectoire instrumentale (comme expression de l’animalité) et la trajectoire industrielle (comme expression de la rationalité humaine). En ce sens, l’œil n’est pas plus une caméra rudimentaire (ou améliorée) que la caméra, un œil amélioré (ou simplifié). En réalité, nous retrouvons là cette double justification du puzzle. S’agissant du phénomène de la vision, la découpe rationnelle du modèle (technique) ne coïncide pas avec la découpe naturelle de l’organe (biologique). Les contours de la vision appareillée par la caméra obéissent pour leur part à la technique du champ/contrechamp, de la prise de vue, de la successivité des photogrammes… Ceux de la vision naturelle, en revanche, obéissent à la physiologie de l’œil : accommodation, binocularité, persistance rétinienne…

En d’autres termes, nous opérons, d’un côté, un découpage artificiel de la vision, de l’autre, nous observons un découpage naturel. Chacun fonctionnant selon ses propres nécessités, ils ne peuvent coïncider en parfaite superposition. Cela n’empêche nullement la vision naturelle d’accompagner en permanence la performance industrielle mais sous le coup d’un réaménagement qualitativement autre : lorsque François Truffaut filme, en ouverture des Quatre Cents Coups, un long travelling sur les quartiers de Paris d’où émerge la Tour Eiffel, il ne cesse, chemin faisant, de voir naturellement les mêmes quartiers de Paris d’où émerge la même Tour Eiffel. A notre place, du fond de notre fauteuil, soumis au même spectacle, nous en déduisons l’hypothèse (autre marque d’intelligibilité exclusivement humaine) que, parcourant le même itinéraire, à la même époque et dans les mêmes conditions de tournage, nous aurions vu naturellement (comme nous voyons artificiellement dans la salle de projection) ces mêmes quartiers de Paris d’où émerge la Tour Eiffel. Accessoirement, n’est-ce pas la preuve démontrée qu’il n’existe aucune différence ergologique entre celui qui « cadre » l’image et celui qui la « regarde ».

Néanmoins, vision naturelle et vision appareillée (le spectacle industriel) ne coïncideront jamais : la seconde procédant, en effet, d’une analyse fabricative de la première, comme en matière de langage, phonétique et phonologie ne coïncideront jamais, la seconde procédant d’une analyse significative de la première. En l’occurrence, cette analyse nous est culturellement permise par une médiation spécifique : la médiation technique qui abstrait notre capacité de voir de la seule conjoncture, non pas sensible, prérogative du Signe et de la conscience, mais instrumentale, prérogative de l’Outil et de la conduite. Cette distinction du sensible et de l’instrumental n’est pas faite à la légère. Elle tire son origine des diverses propriétés fonctionnelles et organiques dont la vision, précisément, se trouve être le siège et par lesquelles l’être vivant peut être qualitativement décrit. En effet, segment anatomique d’un ensemble somatiquement plus vaste, la vision s’intègre à la fois au complexe somesthésique, d’une part, définissant l’animal comme unité perceptive déterminée et d’autre part, au dynamisme moteur qui rend cette fonction opératoire chez ce même animal eu égard à son économie générale.

En d’autres termes, l’organisme vivant connaît deux types, entre autres, de formalisations propres : une formalisation de type objectal (l’objet symbolique), résultat d’une projection sur le monde de sa capacité esthéso-gnosique et une formalisation de type trajectal (le trajet instrumental), résultat d’une adaptation au monde de sa capacité dynamico-praxique. Or, à partir de cette différenciation naturelle, l’émergence à l’analyse déploie, entre autres, chez l’homme rationnel, deux modes différenciés d’abstraction : la modalité logique et la modalité technique. Nous ne saurions donc confondre, dans un même processus, ce qui, d’un côté, acculture par le Signe, la part esthéso-gnosique de la vision : avec le langage, le sensible accède à l’intelligible ; et ce qui, de l’autre, acculture par l’Outil, la part dynamico-praxique de cette même vision : sauf qu’avec l’art, l’instrumental accède désormais à l’industriel (dont le secteur déictique). Au total, l’abstraction du sensible demeure du seul ressort de la dimension logique, c’est-à-dire la verbalisation. Au contraire, la dimension déictique, tirant son effet d’acculturation de l’opération instrumentale elle-même, ne modifie en rien le caractère sensible de la représentation visuelle (disons, audio-visuelle pour reprendre la forme mixte, sonore et optique, du cinéma) ainsi appareillée. Au demeurant, ce n’est plus d’œil dont il s’agit, donc de voir, mais de regard, donc de regarder  !

Reste que, pour nous paraphraser, le découpage, en tant que tel, n’est jamais découpage de rien. Nous ne cessons, en effet, par notre performance technique, de tenter l’adéquation du modèle et de la réalité puisqu’aussi bien, la finalité de notre art cinématographique n’est-elle pas de reproduire artificiellement notre vision du réel dans le maximum de ses paramètres instrumentalement saisis : tripartition des cônes donc trichromie, c’est-à-dire synthèse des couleurs, binocularité donc relief, synthèse du pourpre rétinien et mobilité du regard donc mouvement… Mais, dans cette quête industrielle, nous poursuivons plus ou moins des chimères. Car notre puzzle ne ré-emboîtera jamais tout à fait le pas de la réalité. Cette inadéquation, à son tour, loin d’y être étrangère, est à la source même de certains effets spéciaux spectaculaires, au plein sens du terme : la vision naturelle, par exemple, manifeste des exploits que nous peinons à appareiller : relief intégral, vision nocturne… En revanche, l’appareil cinématographique nous permet des performances originales que la nature, du moins dans l’instrumentation naturelle des primates dont nous sommes, ne saurait nous autoriser : effet de zoom [15], gros-plan, images multiples, fish-eye, profondeur de champ… Cet ordre de distinction et ses conséquences relèvent d’une théorie générale du signal : phénoménologie de la vision versus ergologie de l’icône.

Ce que nous connaissons aujourd’hui du cinéma est le résultat d’un certain nombre d’étapes qui ont été marquées par la synthèse du mouvement, le passage du muet au parlant grâce à la synchronisation image/son, l’analyse du tri-chromatisme, l’invention [16] des écrans larges, le relief stéréoscopique, anaglyphes puis 3D holographique, la transition de l’argentique au numérique... En ce sens, toute perspective « esthétique » (la visée plastique) est d’abord liée à des conditionnements techniques [17]. Néanmoins, quel que soit le degré technique de son propos, le point de vue de l’épistémologue (ou du critique), s’il s’appuie sur celle du technicien (et de l’ingénieur), s’en écarte somme toute assez sensiblement. De surcroît, l’explosion technologique contemporaine risque même de nous masquer, à trop s’y arrêter, les processus fondamentaux par lesquels nous acculturons notre activité acoustique et optique sous la forme d’une conduite audio-visuelle rationalisée.

3.2 Image ou icône : de l’esthéso-gnosie à la dynamico-praxie

Le feu d’artifice que représente aujourd’hui l’accès aux images de synthèse et au multimédia agit comme un rideau de fumée propre à obscurcir nos esprits. Ce faisant, sans préjuger ici de ses développements esthétiques ou sociologiques, et sauf parti-pris de mauvais aloi qui réduirait les récentes innovations à quelque quantité négligeable, toute théorie attachée à la définition de l’icône doit se révéler d’emblée résolument extensive. En ce sens, il serait déraisonnable de cantonner notre examen du cinéma au cadre restreint de la perception visuelle, oubliant son corollaire acoustique (dialogues, bruitages, musique), déraisonnable en même temps de le cantonner à l’ère pelliculaire, eu égard au récent avènement du tout numérique. De même, sommes-nous conviés à resituer, dans un ensemble cohérent mais plus vaste, ce qu’il advient de la photographie, de la vidéo, de la bande dessinée, de l’infographie, voire ce qui paraît moins évident, ce qu’il advient du vinyl, de la radio, de la bande magnétique, du compact-disc, etc. En bref, on ne peut aborder ce domaine très éclaté de la déictique sans un minimum de précisions préalables.

L’image, pour nous, appartient au domaine de la neuro-physiologie, c’est-à-dire qu’elle résulte du complexe esthéso-gnosique à partir duquel le vivant formalise les contours objectaux de sa relation au monde et à son for intérieur, sans préjuger de la diversité des canaux sensoriels d’où il tire ses informations. Or, ce monde baigne en permanence dans un chaos perceptif d’une incroyable complexité au sein de laquelle la propriété du vivant consiste à sélectionner et à enchaîner les divers éléments indispensables à sa survie. Par différence avec l’image, nous définissons ensuite l’icône comme signal de représentation. Mais, le critère de cette définition ne relève pas, comme beaucoup l’ont supposé, de son aspect représentatif, redevable d’un traitement de l’information, mais, au contraire, de son aspect signalétique, redevable d’un traitement de l’activité. Ce distingo, par conséquent, nous permet de dégager l’argument décisif de notre démonstration : la définition de l’icône repose sur un traitement de la vision comme transformation du trajet instrumental (processus d’ordre dynamico-praxique) et non comme transformation de l’objet symbolique (processus d’ordre esthéso-gnosique).

Précisément, là s’articule le principal motif de nos divergences respectives. Lorsque les théoriciens dissertent d’image, de code perceptif, de perspectivisme, etc., ils mettent l’accent, en priorité, sur le contenu gnosique de la vision en négligeant l’essentiel, à savoir la forme praxique qui la formalise. En témoignent les extrapolations récurrentes, proches de la science-fiction, qui discutent d’illusions d’optique, de reproduction du réel, de mimétisme de l’image… Or, procéder de la sorte, c’est anticiper déjà sur la fin indicative de l’ouvrage déictique. Ce faisant, comme il n’y a, par ailleurs, aucune théorisation proprement dite de la rupture instaurée par l’outil, donc de la réciprocité structurale entre un processus mécanologique (le fabriquant) et un processus téléologique (le fabriqué), cette constante échappée dans la fin indicative s’articule, au fond, sur une conception d’ordre strictement instrumentaliste de l’icône.

Nous assistons dès lors à un flagrant amalgame entre objet et trajet que renforce opportunément le classique recours à l’item dit de « sensori-motricité ». Ainsi, l’icône devient-elle un moyen parmi d’autres de réaliser une fin : voir mieux ou voir plus, selon ce qu’on obtiendrait d’un télescope ou d’une paire de lunettes. Ce qui correspond au maniement du bâton qui prolonge le bras du chimpanzé trop court pour attraper le fruit de son appétit. S’il y a conformité quelque part entre la vision naturelle et son appareillage déictique, elle n’est pas dans une équivalence de processus ou alors déjà simulée à dessein par l’artifice d’un ustensile : trompe-l’œil d’un leurre ou illusion d’optique d’un trucage. En revanche, c’est du côté de leur contenu qu’il faut chercher l’égalité informative ou spectaculaire de leur charge objectale. Du point de vue gnosique, en effet, pas de différence objectale, chez l’homme, entre voir de visu un coucher de soleil grandeur nature et sa reproduction accrochée à la cimaise d’un musée. Mais, du point de vue praxique, en revanche, le spectacle notamment d’un plongeur évoluant dans un film sous-marin n’offre rien de comparable avec l’observation d’un poisson rouge nageant dans son bocal. Mis à part, en l’occurrence, l’effet de pure sensorialité qui s’impose à tout œil, animal ou humain, s’agissant du mécanisme de la vision, deux questions néanmoins continuent de se poser : la première concerne la place que tient, précisément, le visuel dans le contexte général de la perception ; la seconde, le devenir de ce qu’on appelle, de manière générale, l’information lorsqu’elle est ou non appareillée, c’est-à-dire traitée ou non par la dialectique de l’outil et du produit.

4. L’industrie de la représentation

A première vue, pourrait-on dire, alors même que regarder une icône en tant qu’objet de représentation relève de la même disposition visuelle que découvrir un objet naturel, le rapport qu’entretient le spectateur humain avec ses artefacts visuels ne relève pas d’une même médiation. S’il faut admettre alors qu’il y a bien altérité de processus entre la production d’une icône et la simple perception d’une image visuelle, cette altérité résulte, par effet de répercussion des plans, du réaménagement qu’opère la médiation de l’outil sur la vision. Nous en revenons, là encore, à la réalité d’une double détente : une détente fondamentale (ou fondatrice), le plan dynamico-praxique et une détente accessoire (ou subalterne), le plan esthéso-gnosique. Or, traiter de la seconde sans jamais se faire la moindre idée de ce que représente la première, constitue une complète illusion. C’est précisément cette contradiction qu’il s’agit de rappeler au moment de clore ce tour d’horizon de l’imagerie, avec, pour fil rouge, la cinématographie.

4.1 L’appareillage du son

Il n’échappera à personne que nous avons continûment privilégié jusqu’alors, seulement les deux premiers plans de la médiation : sensorialité et motricité. Et pour cause ! Cliniquement dissociables car neurologiquement dissociées, perception et action constituent la base de deux analyses rationnelles : le langage (le signe) et l’art (l’outil). Le choix du cinéma, de par sa sophistication propre, présentait l’avantage d’offrir à l’examen un éventail suffisamment riche pour illustrer tous les possibles cas de figure attestant de ce recoupement mutuel du langage par l’art et de l’art par le langage. Ce qui n’exclut nullement, au demeurant, le désir de quiconque de poursuivre ce travail d’investigation à l’égard des autres plans de médiation. Mais, à présent, pour être complet, il convient de détailler les diverses formes sous lesquelles s’effectuent les différents recoupements possibles de la logique et de la technique. Voilà comment, passant de la structuration de la représentation à celle de l’activité, nous aboutissons à l’industrie de la représentation par intersection de leurs plans respectifs.

Premier palier de ce type de conduite, à la croisée du sens et de la fin, ce pourrait être l’appareillage du son, exploité pour ses propriétés mécaniques en dehors de toute portée indicative. Il s’agit du son (ultrason ou infrason) non pas considéré en tant qu’indice (corollaire du sens) mais analysé comme possible matériau (fabriquant) d’un outil dont le critère d’utilité, en exacte réciprocité avec un fabriqué, le rend apte, en tant que produit, à assurer une certaine finalité. La mise en œuvre de cette source d’énergie s’applique au domaine des usinages, soudure et broyage, voire à la chirurgie (cf. la lithotriptie). Au cinéma, l’exploitation des basses fréquences, à vocation récréative, s’est illustrée dans les salles de projection sous la dénomination du sensurround (marque déposée). Ce procédé, abandonné de nos jours, consistait à produire des vibrations spéciales censées accentuer le réalisme des scènes de catastrophes ou de guerre : explosions, bombardements, séismes et autres cataclysmes. Mais on pourrait de même évoquer l’utilisation de diverses gammes de fréquences employées comme commande à distance, en guise de clé, pour verrouiller ou déclencher un robot connecté. Sauf qu’il s’agit là d’une sorte de degré zéro du recoupement dans le sens où la fonction instrumentale du son se cantonne aux limites techniques de son propre plan.

4.2 L’appareillage du symbole

Il en va différemment, second palier, lorsque la modulation du son, comprise dans les échelles de la perception humaine (entre 20 et 20 000 hertz), se trouve associée à la production d’une alarme : le « bip » sonore, par exemple, signalisant un danger ou le « sonar » effectuant une opération de repérage. Ce type de recoupement, à l’intersection de la technologie et de l’information, manifeste des effets de polytropie (analogue à la polysémie du mot) qui varient, conjointement, en fonction de l’appariement des instruments et des canaux sensoriels. De ce fait, la signalisation ainsi produite, étrangère à toute composante langagière, se limite, en réalité, à ne répercuter que des assemblages de symboles. C’est ce que nous appelons le domaine des gravures. Ceci dit, la nature de la chose indiquée ne procure aucune qualité formelle spécifique au signal. Celui-ci, en effet, convoie divers contenus qui varient en proportion directe avec les objets indiqués. Ce peut être non seulement les symboles (icônes), mais aussi les spécialités (enseignes), l’appartenance (insignes), les valeurs (assignats)… Tous entretiennent, cependant, déictiquement parlant, le même rapport d’indication à la chose montrée qui, à lui seul, est apte à leur conférer le statut ergologique de signal.

La catégorie des symboles eux-mêmes varie en fonction de la nature propre de leurs contenus. D’où découle ce formidable déploiement d’appareils qui donne à nos panoplies déictiques cette allure de jungle technologique. Les dispositifs varieront selon la diversité et la multiplicité soit des indices pris pour trajets des signaux, soit des fins poursuivies par les appareils de signalisation. C’est l’inévitable dilemme que crée le croisement de la technique et de l’information. A l’indice sonore, correspondra la bande magnétique après le sillon mécanique ou électro-acoustique ; à l’indice lumineux, correspondront la pellicule sensible, le signal vidéo ou le bit informatique. A la finalité de l’instantané, correspondra la photographie, à celle de la mise à distance, la télégraphie… Tous, néanmoins, analogiques ou numériques, appartiennent à un ensemble plus vaste que regroupe la longue liste des dérivations en « graphe », en « scope » ou en « mètre ». C’est ce qu’embrasse le terme générique de gravure. Et c’est bien cette définition qui caractérise le cinéma à l’instar de l’électrophone, de l’appareil photo, du magnétoscope ou du lecteur CD. S’il s’agit bien d’une médiation dans le sens où l’appareillage utilisé relève d’une performance industrielle qui découle dialectiquement d’un découpage mécanologique et téléologique, il n’en reste pas moins vrai que cette médiation, dans ces cas-là, ne recoupe que du symbole, c’est-à-dire la composante naturelle, immédiate et concrète, prise pour trajet de l’indication.

En l’état actuel de notre technologie, l’inflation déictique est en passe de conquérir l’ensemble des domaines sensoriels existants. L’imaginaire que nous permettent nos sens possède un aspect visuel grâce à la rétine, auditif grâce au tympan. Ces champs se sont vus prioritairement investis par l’audiovisuel que divers perfectionnements, par la suite, ont contribué à enrichir en lui apportant, notamment, la dimension du relief. Il s’agit, par exemple, du son multicanal équipant, sur le plan acoustique, nombre de salles de cinéma aujourd’hui avec ce qui s’appelle, le relief surround. Pour ce qui relève du plan visuel, la projection en relief a connu, au cinéma, plusieurs adaptations de type stéréoscopique (anaglyphes et lumière polarisée) ou holographique18 obligeant, dans ce cas, le public amateur au port de lunettes appropriées. Mais notre imaginaire possède encore un aspect olfactif grâce à la muqueuse nasale : cela s’est traduit, au cinéma, notamment dans les expériences d’odorama. L’aspect tactile, pour sa part, exigeant des contacts rapprochés, explique qu’il ait été moins directement sollicité par le cinéma, si ce n’est sous la forme de dispositifs évoqués plus haut (cf. les basses fréquences). A cet égard, les exploitants de salle n’ont pas oublié les mal voyants, premiers concernés par la sphère du toucher, auxquels ils offrent un service d’audiodescription destiné à pallier le handicap de leur déficit visuel. Mais nous sommes également sensibles à la gravitation (l’équilibre) : le cinéma là encore s’en est approprié les particularismes dans ce qu’on appelle le procédé D Box (à 2 ou 4 vérins), inspiré des dispositifs électro-hydrauliques, en usage dans les simulateurs de vol, et adapté depuis peu à l’articulation des fauteuils de cinéma.

4.3 L’appareillage du signe

Parvenu à ce point de l’exposé, nous n’en avons pas terminé pour autant avec cette question des appareillages. Lorsque au cinéma, par exemple, la bande-son d’un film restitue, en l’absence de ses émetteurs naturels, non seulement les bruits d’ambiance, les cris, la musique, mais surtout les dialogues par l’artifice d’un dispositif optique, magnétique ou numérique, cette restitution concerne directement la sphère du langage, entraînant avec elle de fâcheuses confusions qui tiennent au malentendu dont souffre la notion d’écriture. Il importe, par conséquent, de démêler maintenant ce nouvel imbroglio en abordant le troisième et dernier palier de notre investigation : l’appareillage du signe. La gageure, en l’occurrence, consiste à séparer, le plus nettement possible, ce qui relève de la gravure et ce qui relève de l’écriture. Or, il ne va pas de soi de savoir lever ce genre d’ambiguïté. Car, il ne suffit pas d’arguer du maniement commun de la plume et du papier pour prétendre inscrire le moindre tracé d’encre au bénéfice d’une écriture.

Le degré d’abstraction qui formalise un éventuel tracé, lui vient, en première analyse, du traitement par l’outil de ce qu’on appelle le trait mais pas nécessairement du contenu qu’il convoie. C’est ce qui explique l’étroite parenté du dessin et de la lettre. Mais, en réalité, la différence des deux tient, en seconde analyse, au statut, verbal ou non verbal, dont relève le tracé. La différence, autrement dit, dépend de la modalité qui détermine le contenu du trajet considéré : langage ou pas langage ! Dans le premier cas, il s’agit d’un processus de simple déictique : couplage d’une seule médiation structurale (l’outil) avec un élément naturel (le symbole). Dans le second cas, en revanche, il s’agit d’un recoupement doublement structural, art et langage, définissant sa double entité formelle sous le dénominateur commun d’ergo-linguistique (appareillage du signe). Ainsi s’opère, au sein de la signalétique, la distinction de deux types de traitement : celui de la gravure (l’icône) et celui de l’écriture (la graphie).

L’appareil déictique a pour fonction de rendre ostensibles ou tangibles des réalités qui, pour être ou non déjà de l’ordre du sensible, deviennent du même coup, « effectivement représentées ». Pour leur part, le rôle des icônes consiste à rendre perceptibles des réalités réputées tantôt inaccessibles à nos sens (telle l’invisibilité), tantôt redevables d’un registre de sensorialité précis mais non transposable à un autre. A la question de savoir : que représente une icône ? La réponse est : tout ce que le génie humain est capable d’imaginer sous réserve d’y adapter l’appareil censé lui donner la meilleure forme accessible possible. Au cinéma, cette adéquation se complique aussitôt du fait du polymorphisme de l’ouvrage qui affecte à la fois son trajet et son vecteur. S’agissant du trajet, l’appareillage remplit sa fonction d’indication en tant que signal de représentation, autrement dit, selon les cas, stricte gravure lorsqu’elle porte sur un élément non verbal (le reflet de l’image) et réelle écriture lorsqu’elle porte sur des éléments verbaux (génériques et sous-titrages). S’agissant du vecteur, du fait de la mixité audiovisuelle de son support, l’appareil imbrique image et son dans un improbable signal de symbole, à double indice parallèle : visuel, d’un côté, avec l’image et ce qu’elle reflète, acoustique, de l’autre, avec le son et ce qu’elle fait entendre, à savoir la modulation des voix (voix in ou voix off).

Précisément, le mixage du son et de l’image, au cinéma, a toujours posé d’énormes difficultés à leurs opérateurs respectifs. Cette incompatibilité a longtemps freiné la diffusion des films du fait de la relative rusticité des appareils d’enregistrement et de projection, la plupart du temps inadaptés aux exigences de la synchronisation. Tant qu’a perduré le cinéma muet, l’obstacle s’est trouvé provisoirement résolu grâce à la pratique de cartons intercalaires, filmés au banc-titre, destinés à faciliter la compréhension d’une intrigue ou la teneur d’un dialogue. Dans les deux cas, pas de doute, le lecteur-spectateur y reconnaissait sans conteste la marque d’une écriture authentique (signal de signe). En revanche, avec l’apparition du parlant, la question s’est considérablement compliquée.

Son et image, en effet, n’obéissant pas aux même impératifs mécaniques, leur enregistrement simultané est longtemps demeuré du domaine de l’impossible. L’image animée (le mouvement) résulte de la saccade alternée du stroboscope, le son, de la continuité ondulatoire d’une résonance. Or, enregistrer sur un même support, à partir d’un même appareil, deux types de défilement aussi hétérogènes tenait de la quadrature du cercle. Sans entrer dans les détails, on peut rappeler que cette synthèse n’a été obtenue, avec succès, qu’en 1902, grâce à Auguste Baron [18] et Louis Gaumont en réalisant la première synchronisation automatique électrique. Et c’est en 1929 que la MGM sortait le premier film réellement sonore et parlant grâce à l’invention de la piste optique, gravée sur pellicule elle-même, en bordure des photogrammes, selon un procédé de facture photoélectrique. Cette innovation a connu par la suite divers perfectionnements décisifs : la substitution de la piste magnétique dans les années 50 et plus récemment, la mutation du numérique.

Quoi qu’il en soit de la sophistication des appareillages en usage actuellement, force est de constater l’extraordinaire capacité d’abstraction, chez l’homme, s’agissant de la technique. Cette manière de rebattre ainsi les cartes des canaux sensoriels témoigne de son haut pouvoir de dénaturation du réel, consécutive au loisir de l’outil. Premier dispositif permettant à la fois la conversion et la synthèse son/image, l’invention de la piste optique préfigurait l’arrivée ultérieure de tous ces appareils avec lesquels, désormais, nous observons y compris ce qui résiste au principe même de toute représentation : photon, électron, radioactivité... Le comble semble être atteint depuis peu avec l’omniprésence d’un standard jusqu’alors inconnu : le modèle numérique. Capable d’unifier, au-delà de l’audiovisuel, l’ensemble des industries de la représentation, ce nouveau venu est en passe de révolutionner les pratiques habituelles grâce à la dimension multimédia de ses applications. Du même coup, sa capacité à réduire la totalité de nos opérations déictiques, gravures et écritures confondues, au même dénominateur commun du nombre, ne risque-t-elle pas de réenclencher le cycle de futures confusions ?

Références bibliographiques

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Basile G., Mannoni L., 1998, « Le centenaire d’une rencontre : Auguste Baron et la synchronisation du son et de l’image animée », 1895. Revue d’histoire du cinéma, n°26, pp. 3-88.

Bellone R., 1984, « Monsieur zoom », Le Monde d’Aujourd’hui, supplément n°12412, Dimanche 23-lundi 24 décembre.

Bloch-Morhange L.,1984, « Les sculptures de lumière », Le Monde, 30/31 décembre.

Gagnepain J., Vices de forme, séminaire du 7 décembre 1995 sur les fonctions gestaltiques, in Tétralogiques n°21, Existe-t-il un seuil de l’humain ? [en ligne]

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Mitry J.,1987, La Sémiologie en question : Langage et cinéma, Paris, éd. du Cerf, coll. « 7e art ».

Mitry J., 1983, « Propos intempestifs : Les impasses de la sémiologie », Cinématographe, n°89 (mai).


Notes

[1Diplôme d’Études Approfondies, correspondant à un master actuel. Précision utile : le titre du mémoire est un clin d’œil au film de Charles Laughton qui avait pour justification, en 1988, d’éclairer d’un autre jour ce domaine propre du cinéma, volontiers propice aux étoiles filantes plutôt qu’aux astres de première grandeur.

[2Terme générique désignant le secteur « industriel » appliqué aux signaux de représentation, dont l’icône, aux côtés de deux autres secteurs : la schématique (appareillage du corps) et la cybernétique (appareillage du sort).

[3Jean Gagnepain lui-même s’était livré à une sérieuse révision de quelques concepts et principes généraux liés depuis l’origine à la théorie de la médiation. Cette rectification avait été effectuée lors d’un mémorable séminaire daté des 7 et 14 décembre 1995 : « Vices de forme ». On peut le consulter auprès de l’Institut Jean Gagnepain. Il va sans dire que le présent mémoire, antérieur de plusieurs années à cette révision, ne pouvait s’en réclamer de manière explicite.

[4(A.) Helbo, Sémiologie des messages sociaux : du texte à l’image (1983).

[5(J.) Mitry, « Propos intempestifs : les impasses de la sémiologie » in Cinématographe, N° 89 (mai 1983). Voir aussi un ensemble de textes publiés et remaniés sous le titre : La Sémiologie en question. Langage et Cinéma (1987).

[6(J.) Aumont, « Points de vue : l’œil, le film, l’image » (1983).

[7Compétence qui se déduit d’une instance grammaticale formelle, selon le modèle des deux phases dialectiques contradictoires, propre à la théorie de la médiation.

[8(H.) Atlan, A tort et à raison : intercritique de la science et du mythe (1986).

[9Henri Atlan, ibid.

[10H. Atlan, ibid.

[11(C.) Metz, « Critique de la notion de « signe cinématographique », p. 154, in Langage et Cinéma (1982).

[12Christian Metz, ibid.

[13Christian Metz, 1987.

[14dites sympractiques aujourd’hui dans le modèle médiationniste. Ce terme désigne l’un des trois secteurs où s’exercent socialement les échanges : sémiotique (échange d’informations), sympractique (échange d’activités) et économique (échange de valeurs).

[15Mis au point par Pierre Angénieux en 1956. Cf. Roger Bellone, « Monsieur zoom », in Le monde d’aujourd’hui, 1984.

[16Tel l’hypergonar du professeur Henri Chrétien qui a permis le Cinémascope grâce au procédé d’anamorphose.

[17Cf. La Revue du Cinéma : « Technique et esthétique », par Bernard Millet, dans les Nos 383, 384, 385 (1983).

[18(G.) Basile, (L.) Mannoni, « Le centenaire d’une rencontre : Auguste Baron et la synchronisation du son et de l’image animée » (1998).


Pour citer l'article

Gérard-Louis Gautier« La Nuit du Chasseur. Contribution à l’épistémologie de l’imagerie », in Tétralogiques, N°27, Varia.

URL : http://tetralogiques.fr/spip.php?article196