Suzanne Allaire

Professeure retraitée en langue et littérature française de l’Université Rennes 2.

Dire oui. Dire non.

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Dire oui, dire non : rien de plus familier pour le locuteur que d’exprimer ainsi son accord ou son désaccord, son assentiment ou son refus. Mais rien de plus étrange pour qui, confronté à l’exigence de penser les contraires et par là même de cerner le principe qui leur donne statut d’existence, vient buter obstinément sur la résistance d’une contradiction qui insiste : dire oui, c’est ne pas dire non, dire non c’est ne pas dire oui. Inséparables ces deux petits mots (adverbiaux ??) et cependant inconciliables puisque l’un de l’autre mutuellement exclusifs : c’est oui ou c’est non.

En quels termes alors parler de la division de l’indivisible, ou pour le dire autrement comment comprendre l’inséparabilité du divisé ? Et comment sortir du tourniquet de la réciprocité du négatif ? Ou plutôt comment comprendre qu’il soit impossible d’en sortir sinon par le redoublement de la contradiction ? Car fermer les yeux sur la contradiction de oui et de non pour en étudier le même comportement anaphorique, c’est encore la retrouver si on parle d’affirmation pour oui et de négation pour non, voire de pôle positif ou de pôle négatif ? A moins de contourner la difficulté du problème en cause en ignorant qu’il se pose, force est de reconnaître d’abord dans l’opposition de oui et de non un effet de la logique différenciative sous-jacente au dire : une logique qui est un déjà là, le déjà-là de la grammaire et de sa rationalité implicite.

Du côté de l’implicite grammatical

C’est à cette rationalité inhérente au logos que oui et non sont redevables de leur existence, la mutualité de leur opposition renvoyant au rapport différenciatif par où se crée l’identité sous la diversité. Ainsi le veut l’abstraction du sème. Vus sous l’angle de ce rapport qui les identifie en les différenciant, oui et non relèvent d’une distinction qui les rend inséparables en les liant l’un à l’autre par leur commune allégeance au principe qui les fonde. Autrement dit, saisis l’un comme l’autre dans l’ordre de la taxinomie, oui n’est dans l’implicite grammatical que de ne pas être non, et non n’est que de ne pas être oui. Purement différentielle, l’identité née de l’altérité voue oui et non à être des indissociables. Et des indissociables qui, d’être ainsi définis, n’ont pas de contenu, liés qu’ils sont au vide de leur statut grammatical.

Encore faut-il sortir alors du piège que tend dans sa double acception le mot identité : si l’un n’est que de n’être pas l’autre (sur l’axe de la taxinomie), cette ipséité, toute négative et relationnelle, va de pair sur l’autre axe, celui de la complémentarité, avec une similarité dans le fonctionnement, là où se nouent les rapports de la syntaxe. Pour témoin, mais ce n’est qu’un exemple, la construction de ce qu’en grammaire traditionnelle on appelle la complétive :

Je crois que oui / je crois que non

Même participation de oui et de non à l’effacement d’un terme ou d’une séquence de termes, l’un et l’autre relevant alors d’un phénomène de suppléance ou de vicariance, on pourrait dire de pro-verbalisation, qui fait d’eux la trace d’un évidement formel et d’un évidement dont en l’occurrence le statut est lisible dans le cadre d’un syntagme. Or ce qui se joue dans cet évidement et par l’annulation lexématique d’un terme (nom ou verbe) ou d’une séquence de termes (noms et/ou verbes), c’est la constitution par la grammaire d’un rapport de complémentarité réducteur de la pluralité.

Ainsi le cas de la complétive n’est-il qu’un exemple, le plus évident peut-être, de l’instauration de ce vide par où s’annule le dire. Hors de ce cadre, pour oui et non demeure le vide :

(Je crois que) oui / (Je crois que) non ; Oui. Non. Que oui  ! Que non  !

En bref, oui et non, et l’un comme l’autre, font implicitement partie de ces termes qui dans le préconstruit grammatical se donnent à lire comme autant de « chiffres du zéro » : ainsi du moins Gagnepain désignait-il les termes (pro-noms, auxiliaires, etc.) qui jouent un rôle dans la formalisation du dire.

Un zéro qui par ailleurs et dans le cas de oui peut résulter plus radicalement de l’annulation de sa présence : un zéro alors sans témoin. Mais chiffré ou non, et construit toujours, le vide est là, né de l’abstraction de la forme.

Tout le montre : sur l’échiquier de la grammaire oui et non sont conjointement l’une de ces pièces par où s’instaurent, et tour à tour, l’effacement de la diversité et celui de la pluralité. C’est dire que l’un et l’autre de ces deux petits mots servent les règles d’un jeu très abstrait où s’impose, par incidence à la structure, le règne de la négativité, cette négativité qui fait de chacun d’eux la trace d’une absence. Ainsi comprend-on mieux la formule provocatrice de Gagnepain affirmant sans sourciller que oui est non : une formule propre à faire sursauter le sémanticien qui veille en tout locuteur, non moins que le grammairien habitué à classer les adverbes et les phrases selon l’opposition de l’affirmation et de la négation. Lier oui et non par une proposition d’identité, oui est non, c’est rappeler avec force que la logique grammaticale établit dans l’instance un ordre qui, d’être structural, n’est que pure abstraction. D’où l’exigence, pour saisir dans le dire de oui ou de non ce qui se joue dans les silences de la grammaire, de faire abstraction de leur contenu.

Or ce sont ces silences, c’est la négativité de cet ordre que vient contester, non sans le redoubler, l’ordre de la performance.

De l’implicite à l’explicite

Ainsi lesté d’une logique sous-jacente au dire, le locuteur ne peut dans l’ordre de l’explicite qu’en reprendre le mode de fonctionnement, mais en le réaménageant pour le référer à ce qui est à dire. Inversion de la visée dans le redoublement des processus, et par là même récusation des vides que l’ordre structural a formellement instaurés. On est là au cœur de l’activité inhérente au langage.

Pour témoin le sort de oui et de non, ces deux termes dont on a vu que l’abstraction grammaticale les classait en les dotant d’une identité purement différentielle. L’un et l’autre, en se positivant, s’investissent d’un contenu – affirmation vs infirmation – où se lit le jeu d’une antinomie conceptuelle. De l’instance à la performance, une opposition distinctive s’est réinvestie en une opposition sémantique si bien que oui et non, sans cesser de relever du principe différenciatif qui les mutualise, se donnent à lire désormais comme les deux pôles, affirmatif et négatif, d’une même opération de l’esprit. Des pôles qui sont l’un de l’autre exclusifs : affirmer c’est ne pas infirmer, et infirmer c’est ne pas affirmer. Ainsi le veut dans le cadre de l’antinomie conceptuelle le principe de réciprocité. Ajoutons cependant qu’en passant d’une catégorisation formelle à une distinction notionnelle, et d’un lien de présupposition mutuelle à un lien d’exclusion mutuelle, ce qui s’est joué est d’ordre contradictoire : au vide de la différence s’est substitué son contraire, un contenu oppositif.

On retrouve là le mode de fonctionnement de l’opposition de genre (petit-petite) et de nombre (petit-petits) qui ne prennent sens que d’être au préalable et dans l’ordre de la catégorisation formelle pris dans un rapport de différence, rapport que récuse la performance en leur donnant un contenu (masculin/féminin et singulier/pluriel). Redoublement d’un classement qui portant cette fois sur les concepts relève dès lors de la dynamique du sens. Mais redoublement d’un classement qui demeure contradictoire.

Reste à voir dans le cas de oui et de non ce qui advient lors du passage à l’explicite. Car la contestation de l’évidement formel donne lieu pour l’un comme pour l’autre de ces termes à une opération, dite d’anaphore, qui ne les investit d’un contenu que par référence à un autre terme, présent le plus souvent dans le déjà dit, textuel ou non. Ainsi de la construction Je pense que oui, je pense que non qui ne s’éclaire que d’être liée à un contexte :

Il vient, je pense que oui : je pense qu’il vient.
Il vient, je pense que non : je pense qu’il ne vient pas

De même pour :

Viendra-t-il ? Si oui, on l’attend. Si non, on peut commencer.
S’il vient vs s’il ne vient pas

Une opération à laquelle oui et non participent l’un et l’autre et l’un comme l’autre même si la projection de leur antinomie sur la construction de l’énoncé conduit à une interprétation adversative. Ce qu’il importe de voir, c’est que la performance, jouant là de la co-référence, et peu importe que l’énoncé soit affirmé ou infirmé, travaille par le biais de l’anaphore à un effet de bouclage du texte sur lui-même, par où se trouve assurée la continuité de l’information. D’où la même opération dans tous les énoncés où paraissent ces deux termes :

Vient-il ? Oui Vient-il ? Non

De l’ail, du thym, du sel, du poivre, oui.

Du sel, oui. Du poivre, non

L’important est de souligner que dans la phase d’avènement du sens oui et non ne cessent d’avoir partie liée : anaphoriques l’un et l’autre (pour reprendre ici le terme en usage), en raison de l’impropriété que leur confère la grammaire, ils sont aussi et encore en raison de la mutualité de leur opposition des inséparables.

D’où le cas-limite que représente le paradoxe d’un oui qui sans être là s’impose cependant dans la construction du sens :

Il est rigide, et non sectaire. Il est rigide mais non pas sectaire. Il est non pas sectaire mais rigide

Il va se taire, et non se plaindre

En se refermant sur lui-même et par la mise en parallèle des mots, l’énoncé appelle, face à la présence d’un non, celle de ce oui qui en est le corollaire négatif. Projection sur le texte d’une réciprocité qui fait du virtuel dans son lien avec l’actuel l’un des facteurs de l’avènement du sens. Ainsi peut-on comprendre que de ne pas être l’univers du non, celui de l’affirmation soit le plus souvent signalé par une absence, cette absence, autrement dit ce silence, faisant partie de la marque par où se différencient les deux pôles d’une même opération qui est celle de la contradiction et l’on pourrait ici multiplier les exemples :

L’ingérence / la non-ingérence
l’être / le non-être
la contradiction / la non-contradiction

Les violents / les non-violents
humain / non-humain

Encore faut-il, pour prendre en compte le silence dans l’organisation du dire, que le regard sur la performance où s’actualise la grammaire s’arrache à la fascination qu’exerce sur lui l’occurrence, là où, d’être dits, oui et non s’offrent à l’observation de leurs données. Encore faut-il plus encore que le principe de la contradiction dont oui et non sont l’un des cas emblématiques soit rapporté au fonctionnement du langage dans le rapport à lui-même qu’il donne à lire. Ce rapport que Gagnepain désigne par les termes négation de la négativité.

Dans cette formulation qui est au cœur de la théorie, le mot négation a cessé de s’identifier au terme non, et dans le même mouvement de pensée le mot contradiction a cessé de s’identifier à l’opposition des contraires que sont oui et non dans leur lien privilégié avec le verbe dire ou tout autre verbe de parole. C’est désormais au cœur du langage et dans la tension des processus qui dialectiquement le fondent que se situe la contradiction.

On voit mieux alors que la saisie de l’opposition des contraires que sont oui et non renvoie comme nécessairement à l’abstraction d’un principe de négation, dont les modes de classement et de solidarité ne sont que la retombée, un principe qui se dédoublant et se redoublant fait du langage le lieu de toute rationalité : nier c’est ne pas affirmer, affirmer c’est ne pas nier, et pour être le négatif de oui, non n’en est pas moins le corollaire d’un oui qui est son négatif. Autant dire qu’on est là face au point de résistance absolue à toute positivation.

Impossible de sortir de la contradiction. Elle est partout dans le langage et c’est elle qui rend inséparable la performance de l’instance, tout comme elle rend inséparables le oui et le non, le singulier et le pluriel, ou le même et l’autre, voire, entre l’impropre et le propre, la polysémie et la la synonymie, au sens du moins que Gagnepain donne à ces termes.

Ignorer qu’il en est ainsi, ce n’est pas seulement fermer les yeux sur le message saussurien qui avait clairement lié à l’abstraction du signe le statut différentiel des mots, c’est aussi ne pas voir les impasses où conduit toute occultation du déterminisme grammatical.

Problèmes d’analyse : d’une lacune à l’autre

Impasse ? A tout le moins esquive ou contournement, et sans nul doute lacune explicative, par enfermement dans le cercle d’une explicitation oublieuse de sa raison d’être. Pour témoin le sort de oui et de non dans les travaux de la linguistique dite structurale ou post-structurale. Des travaux qui ont en commun, quel que soit leur point de départ, d’éluder le problème de l’instance : à savoir entre oui et non la relation de présupposition réciproque par où l’un est indissociable de l’autre.

Il en est ainsi des études consacrées à la négation, dans la mesure où prenant acte de l’opposition de l’affirmation et de son contraire, elles n’en retiennent que le pôle négatif, ce qui revient à situer d’emblée l’analyse du côté de l’activité rationnelle du locuteur. Mais l’opération d’anaphore telle qu’elle est mise en œuvre n’est pas moins instructive car elle donne à lire dans son indifférence au vide qui lui sert de tremplin l’oubli de l’abstraction inhérente au langage. Quant à la rigueur positiviste de la démarche d’inventaire, elle confronte l’analyste à un problème nodal qui n’est pas seulement celui de la définition du mot adverbial ou de la phrase, un problème qui est aussi par son ancrage du côté de ce qui se donne à voir, immédiatement offert à la description, celui de l’oubli de toute question sur le fonctionnement du dire. Trois façons de tourner le dos à un problème qui insiste cependant et qui par sa résistance à la prise se révèle incontournable.

La dissociation des inséparables

Comme le montre l’abondance des études qui lui sont consacrées, c’est le domaine du non qui retient avant tout l’attention : nombreux les travaux sur la négation. Et reléguée au second plan l’analyse du territoire de son contraire affirmatif, un contraire qui a d’ailleurs le tort d’être souvent situé du côté silencieux de la marque qui les différencie :

Il va protester, non se soumettre

Dire non, penser non, (« penser c’est dire non », affirmait le philosophe Alain) [1] : la négation apparaît comme porteuse à elle seule de la contradiction dont elle devient en quelque sorte le prototype à la faveur du glissement du terme non à l’acte de nier, dire non. Mais l’adverbe ne fait alors que servir de tremplin à une dérive associative dont le linguiste détient et garde la maîtrise. A lui le pouvoir, un pouvoir d’abstraction qu’il doit cependant au langage sur lequel il se penche.

Contourné alors l’indénouable nœud gordien de la contradiction, esquivée la question de l’antinomie par où non est indissociable de son négatif oui. Le choix du terrain d’étude et sa sectorisation ont ouvert la voie à une analyse de tous les possibles de la négation (items, modalités, constructions, effets de sens), une analyse d’autant plus riche (Muller) qu’elle relève d’un parcours raisonné, un parcours dont les enchaînements ne se justifient plus que par le sens dans l’activité qui lui est propre. Ainsi discerne-t-on une négation déclarative, une négation polémique et une négation métalinguistique. Et plus subtilement le non du refus se différencie du non du rejet (Revue Langue française, 1992 : les négations). Tout le montre : les raffinements de l’analyse des données dites négatives ne renvoient plus qu’à la rationalité du locuteur, et à sa compétence d’analyste.

Or c’est bien cette même compétence qui gouverne aussi l’étude anaphorique de oui et de non.

L’opération d’anaphore

Tout en prenant acte cette fois de l’antinomie de oui et de non, la démarche d’analyse se porte d’emblée vers la variation des contextes par où, référence oblige, se détermine le sens, affirmatif ou négatif :

On leur avait dit qu’il y aurait 600 places. Ils sont venus bien plus nombreux. Les chefs n’ont pu dire non. (Le Monde, 5 décembre 2019)

On lui a demandé de venir. Il a répondu non.

Le référendum est piégé. On ne peut que dire oui.

Et dans cette étude des constructions textuelles, c’est le plus souvent sur le jeu des questions-réponses que se tourne la réflexion :

Tu vas faire une nouvelle demande ? - Oui. Pour voir.

Allons, dis-le. – Non. Je ne veux pas.

Ainsi se déploie une analyse, toute en subtilité, des effets de sens qui affectent l’affirmatif oui ou son contraire non, auprès desquels vient alors se glisser le si de « la contradiction » :

D’abord je n’ai pas dit ça. – Si. Tu l’as dit. Implicitement

Oubliée l’étude de la raison d’être du vide grammatical dont témoignent tout autant le si que le oui ou le non, ce vide que cependant récuse l’opération d’anaphore, et à la faveur de cet oubli une explicitation des exemples offerte à toutes les aventures que lui propose la sagacité de l’analyste. Apparaissent dès lors pour oui un « effet de politesse » ou de « détachement », « voire d’agacement » ou de « lenteur méditative » alors que le non peut tout comme le oui d’ailleurs, et selon l’intonation, dire « la surprise, le doute, la réprobation, l’incrédulité etc. » (Wilmet).

Projection sur le texte du regard d’un locuteur qui construit son observation en la complexifiant grâce à son pouvoir de réflexion, un pouvoir doublé de celui d’un lecteur attentif autant qu’ingénieux dans l’art d’interpréter. On le voit, l’anaphore ainsi conçue ne relève plus d’une opération de langage mais d’une opération sur le langage, un type d’opération qui autorise tous les tours et détours d’une activité d’autant plus créative que, riche en stratégies interprétatives, elle multiplie les exemples et d’autant plus ouverte à l’art des nuances que par l’observation d’un corpus toujours renouvelable, elle ne trace plus de frontière entre langage et langue.

La démarche d’inventaire

Dès lors pour qui veut éviter cette démarche sans garde-fou grammatical, reste le simple recours à l’inventaire des occurrences de oui et de non (Dubois, grammaire structurale du français). Un inventaire dont la construction ne peut cependant que se référer à un ordre posé comme préalable au classement. D’où l’étude de oui et de non selon l’appareil notionnel de la grammaire traditionnelle, une grammaire fondée sur l’unité-phrase, donnée d’emblée comme catégorie syntaxique, et sur l’insertion dans cette unité de base de l’une des « parties du discours », envisagée alors sous l’angle de sa fonction.

Ainsi de l’étude de oui et de non dans le rôle nominal comme le montre le titre de deux textes connus :

Le oui des jeunes filles ; Pour un oui ou pour un non

Deux noms d’ailleurs susceptibles d’être apposés, et par là même adjectivés :

C’est monsieur non ; c’est un béni oui oui

D’où encore leur présentation comme partie prenante dans la construction de la phrase telle que la conçoit la tradition, sujet-verbe-complément :

non est ton dernier mot ; c’est oui ou c’est non ; il dit oui, il dit non

Il parie sur (le) oui ; il milite pour (le) non ; la force d’un oui ; sensible à un non/attentif à un oui ; Tout dépend d’un oui ou d’un non

ou bien encore comme partie prenante dans la syntaxe des subordonnées :

Il dit que oui, il dit que non. Tout indique que oui. On peut penser que non.

Est-il rentré ? Si oui, j’aimerais lui parler. Si non, je rappellerai plus tard.  

Mais comment ne pas lire dans ce relevé, qui est un pur constat, une absence de définition du mot non moins qu’un problème de définition grammaticale de la notion de complément ? Ainsi ne sait-on plus si oui ou son corollaire non sont des adverbes ou des noms, voire des adjectifs, pas plus qu’on ne sait à quel titre et pour quelle raison ils jouent un rôle en syntaxe. Et surtout comment ne pas lire dans cette mise à plat des données observables un bilan qui, tenant leur lien pour acquis, se détourne de la raison d’être du rapport qui oppose oui à non  ? Il est vrai, chacun le sait, que le meilleur moyen d’annuler une question est encore de ne pas voir qu’elle se pose.

En bref dans cette esquive généralisée du problème de la contradiction, et quelle que soit la richesse des études consacrées à l’un ou l’autre comme à l’un et l’autre de ces deux termes, ce qui se lit au terme d’un rapide parcours des travaux les plus connus, ce sont autant de démarches oublieuses de la confrontation avec la logique sous-jacente au dire et par là même autant de façons de priver de son explication le fonctionnement du dire.

Que tout vienne alors d’une divergence des regards sur le mot grammaire, c’est indéniable. D’où l’exigence de préciser ce qu’on entend ici par ce mot, tant il importe – puisque il n’est pas de langage sans grammaire - d’éviter que la grammaire ne soit exclusivement l’œuvre du grammairien.

La notion de grammaire

Qu’entendre par le mot grammaire ? Une question que Gagnepain a posée d’emblée en s’attachant à distinguer la logique qui spécifie le langage de celle que met en œuvre l’analyste pour en rendre compte. Une dissociation capitale : l’abstraction est dans l’objet dont parle le grammairien avant d’être dans la connaissance qu’il en prend. C’est dire que la grammaire, définie comme formalisation incorporée au langage, ne saurait se saisir que comme un déjà-là, le déjà-là d’une rationalité que porte implicitement en lui le locuteur.

En lien étroit avec cette dissociation, la réflexion de Gagnepain se centre sur le problème du dédoublement, le dédoublement d’une logique qui ne saurait, puisqu’elle renvoie à la même opération de la pensée, la démarche d’abstraction, se concevoir que comme un redoublement, mais un redoublement dont s’inverse la visée : d’un côté l’incidence à la structure dans la tension du langage vers le vide, et de l’autre la référence à la conjoncture dans la tension du dire vers la contestation de ce vide. Antagonisme des visées, et de l’une à l’autre antécédence, une antécédence qui n’est pas d’ordre temporel mais d’ordre logique : de l’implicite à l’explicite le langage relève d’une inversion dont l’un des pôles, le pôle implicite, sert de tremplin à l’autre. Dès lors la grammaire n’est plus séparable de son contraire, cet envers « rhétorique », dont elle est le fondement et dont elle permet de comprendre le fonctionnement. Encore faut-il ajouter qu’ainsi définie, la notion de grammaire a partie liée avec l’impropriété du dire : c’est par voie d’évidement et d’effacement que dans la systématicité interne de l’ordre structural s’élaborent, toujours négativement, les identités et les unités. Pas de médiateur sans cette médiation grammaticale qui in-forme le dire.

On l’a vu, c’est à la lumière de cette conception de la grammaire et plus encore à la lumière de ce regard sur le langage qu’a pris forme ici l’étude du statut de oui et de non. De leur identité oppositive par où se fonde l’impropriété dont ils sont porteurs à leur rôle dans l’annulation de l’autonomie du verbal ils participent l’un comme l’autre de la négativité de l’instance, tout en formant le socle d’un réaménagement qui en réoriente les processus afin par eux de dire le monde et de le dire positivement ou négativement.

Nette est alors la rupture ave une conception de la grammaire axée sur la notion de phrase – phrase minimale ou phrase de base-, une notion-piège tant s’y mêlent inextricablement ce qui relève de la syntaxe et ce qui relève du sens.

Langage et langue

Mais la rupture n’est pas moins nette avec le type de grammaire qui se fonde sur l’usage pour étudier sur la base d’un corpus d’exemples l’emploi de tel ou tel mot. Ainsi de oui et de non et du jeu de l’activité analogique qui fait de chacun d’eux le point de départ d’une liste soumise à toutes les variations de la situation de parole, à toutes les fluctuations de la mode, comme à tous les enjeux et tous les aléas de l’interlocution. D’un côté :

Oui. D’accord. O.K. Certainement. Absolument. Evidemment. Tout à fait. Bien sûr. Sans aucun doute.

Et même aujourd’hui : Ca marche. Pas de souci…etc.

Et de l’autre :

Non. Non pas. Certainement pas. Nullement. Pas du tout. Rien à faire etc.

Certes ce sont là encore deux séries de termes anaphoriques (mais ce serait à préciser comme serait à préciser l’ambiguïté référentielle du ça marche et du pas de souci) et deux séries de termes redevables de ce statut à l’enjeu grammatical alors même qu’elles s’offrent par contre coup à l’étude des variantes de la modalité assertive. Mais on voit bien aussi que le fonctionnement du langage n’est pas seul en cause et que s’il y a beaucoup de façons de dire oui, y compris de lui substituer un ouais largement partagé aujourd’hui, et beaucoup de façons de dire non, c’est que, riche en ressources, la langue, ce domaine où se pratique et s’approprie le langage, s’offre aussi à les lire dans la divergence des parlers, dans la mouvance de leur devenir et dans la pluralité des situations de dialogue. Quel modèle explicatif pour ce qui ne relève plus du déterminisme grammatical [2] ?

C’est ce modèle, d’ordre sociologique, que Gagnepain a progressivement élaboré en portant la réflexion sur le fonctionnement du social, là où la langue relève d’une tension entre « l’idiome » et « l’entretien », le particularisme et le partage, l’appropriation singulière et la mise en commun. Ce que l’auteur résume en une formule lapidaire dont les termes s’opposent selon le principe d’une antinomie - divergence/convergence - conflictuelle : « Toute langue est à la fois dialecte et traduction ».

Quoi qu’il en soit, et qu’il y ait bien des façons de dire oui ou de dire non, bien des façons aussi de les exprimer par un geste, et même de les taire tout en les donnant à comprendre, qu’il arrive même de voir les antonymes se succéder – oui…non…non..oui – dans la parole des indécis ou des angoissés, ce n’est plus l’affaire du « glossologue ».

A lui en revanche de s’interroger sur le choix de l’objet qu’il se donne pour terrain d’analyse.

Problèmes de questionnement

Il est clair depuis Saussure que c’est le point de vue qui crée l’objet. Or la question ici posée dès le départ, celle du tournoiement du négatif dans le lien de oui et de non, n’est pas celle que se sont posée les grammairiens, alors même qu’ils s’interrogeaient sur le lien de oui et de non. Un simple déplacement du regard et la donne a changé : ce n’est plus du même problème qu’il s’agit.

Divergence des points de vue dont témoigne notamment le regard des grammairiens structuralistes. Pour exemple, la réflexion que propose Tesnière (Eléments de syntaxe structurale) sur les « mots vides » qu’il oppose d’emblée aux « mots pleins ». Situant alors oui et non parmi les mots vides, le grammairien s’attache à montrer comment par l’opération d’anaphore ces deux termes, auxquels il se refuse à donner le nom d’adverbes, reçoivent de leur contexte le sens que par eux-mêmes ils n’ont pas. Et c’est en diversifiant les exemples que Tesnière montre la souplesse d’une opération qui reste la même alors qu’en varie le résultat.

Or bien qu’il ait clairement séparé le plan structural du plan sémantique et qu’il ait reconnu dans l’opération d’anaphore la mise en œuvre d’un processus d’effacement du vide, Tesnière s’en tient là : éludant, alors même qu’il en a saisi le mouvement inversé, la question de l’antagonisme des processus qui lui permettent de parler de vide et de plein. Il est vrai qu’en posant au point de départ de son étude non seulement l’opposition des mots vides et des mots pleins, mais aussi comme l’y incitait Saussure, l’opposition en linguistique du statique et du dynamique, il n’a pu que se détourner de l’univers de la structure, considéré comme statique, pour centrer son intérêt sur l’activité de l’acte de locution.

Même aporie chez Dubois (op. cit.), mais par d’autres chemins : portant la réflexion sur le vaste ensemble des « substituts », dont font partie les pronoms notamment, et ce, afin de lire en eux le rôle qu’ils jouent dans l’organisation du message, Dubois en vient à parler pour oui et non de pro-phrases, discernant ainsi dans leur construction une forme d’effacement de l’information. Mais, bien loin de se confronter au problème de cet évidement grammatical, c’est à l’économie du message et à la réduction de son coût qu’il renvoie alors leur présence. Un glissement du regard qui le conduit même, face aux liens qui se nouent d’une phrase à l’autre, à parler, pour oui et pour non, non plus de pro-phrases [3], mais d’ « holo-phrases ». Confusion dans un cas comme dans l’autre et sous le mot structure de ce qui relève de la grammaire et de ce qui est de l’ordre de la construction de l’énoncé.

On le voit : c’est le modèle saussurien qui oblige ces grammairiens à soulever le problème du vide tel qu’il s’inscrit dans le fonctionnement structural par des absences ou des silences et toujours du négatif et de l’impropre. Mais, que ces grammairiens parlent de oui et de non comme des mots vides ou comme des substituts, leur étude reste centrée sur la fonction des termes dans la phrase, si bien que dans leur esprit la notion de structure se confond avec celle de l’organisation hiérarchique des mots autour du nœud verbal avant même de se confondre avec les liens qui se nouent d’une phrase à l’autre. Et parce que ainsi bloqué sur « la charpente de la phrase » le regard ne voit plus dans oui et non que des mots appelés à y jouer le rôle de constituants, des constituants qui contribuent par leur vide à l’enchaînement sémantique de l’énoncé, ce sont les processus eux-mêmes à l’œuvre dans le langage, entre grammaire et sens, et plus encore leur inversion, voire leur abstraction, qui échappent à la saisie.

Autant dire qu’est ignorée la dialectique fondatrice du dire. Une dialectique dont témoigne cependant, incontournable, la réciprocité de la négation de oui par non, mais aussi le fait que dire oui ou dire non renvoie au même principe et ce en raison de l’inversion de l’univers de la formalisation en un autre univers qui d’en être le négatif n’en est pas moins tributaire comme le montre l’organisation contradictoire de l’affirmation et de l’infirmation.

Peut-être faut-il alors se tourner plutôt vers Damourette et Pichon si l’on veut saisir plus avant ce qui relève de cette logique contradictoire dont le langage est porteur. Au prix, on le sait, du décryptage d’un propos, celui des auteurs, dont l’opacité masque trop souvent la densité spéculative.

Rappelons d’abord et rapidement que ces auteurs classent oui et non parmi les « factifs strumentaux anaphoriques », le terme de factif renvoyant à la nécessité de distinguer du type de mot ce qui est de l’ordre de la fonction. Quant au mot strument, il désigne « des mots exprimant essentiellement des notions taxiémiques ». S’ouvre ainsi l’étude d’un oui et d’un non dès le départ posés comme taxinomiquement discriminés. D’où cette phrase d’une extrême concision : « non est l’organe factivo-strumental de la confirmation des négations et de l’infirmation des affirmations ». Un propos, - et ce, quel que soit le caractère sibyllin de sa formulation -, dont le contenu met en relief le fonctionnement contradictoire du langage. Parler en effet d’infirmation des affirmations, c’est souligner le caractère contradictoire d’un système où tout n’est que différence, mais parler de confirmation des négations, c’est poser l’univers du négatif comme fondateur de l’inversion des processus par où la grammaire n’est lisible que « sous une antigrammaire » (le mot est de Gagnepain). Contradiction des processus dont Gagnepain parle aussi, on l’a vu, en termes de négation de la négativité. En allant « des mots à la pensée » (tel est le titre de leur ouvrage), Damourette et Pichon ouvraient la réflexion à la saisie d’une grammaire dont l’ordre abstrait leur apparaissait comme modélisateur de la pensée.

Ce lien du langage et de la pensée, la théorie de la médiation le cernera en termes plus clairement élaborés et plus résolument tournés vers une réflexion d’ordre épistémologique : « Le locuteur se pose en contradicteur d’un système lui-même contradictoire, il le reproduit à l’envers, restant contre-dépendant du système qu’il conteste ». Pour être très serrée, la formulation n’en est pas moins vigoureusement construite, rassemblant en elle tout ce qui, de la logique grammaticale à son inversion « rhétorique », témoigne d’une rationalité à l’œuvre dans le langage, mais d’une rationalité dont seul le principe contradictoire permet de rendre compte. Le langage : « une lutte de la structure avec la conjoncture » [4].

Pour conclure

Oui et non ; oui ou non ; oui vs non : associés ou dissociés, mais toujours solidaires, parce que pris dans l’analyse d’une analyse qui, les définissant par opposition différenciative, les a rendus inséparables.

Dès lors il ne suffit pas de voir que oui et non sont des antonymes : oui vs non. Il ne suffit pas non plus de poser que dire l’un, c’est ne pas dire l’autre, « c’est oui ou c’est non  », ou, pour l’exprimer autrement, il ne suffit pas de dire qu’est affirmé ce qui n’est pas nié, et nié ce qui n’est pas affirmé. Il importe de reconnaître que l’un est toujours porteur de l’autre et que dire l’un, c’est dire non à l’autre : « pas de oui sans non ». Traduisons : dire oui, c’est encore dire non à non.

Enfermement dans le cercle du négatif, un cercle dont il est impossible de sortir. L’univers paradoxal du logos condamne l’analyste au tournoiement, face à un dire partagé entre un non et un oui qui est encore un non à non. Ainsi le grammairien est-il dans sa démarche appelé à suivre les lignes de force d’une logique qui par le jeu de ses oppositions et de ses exclusions, distinguant et séparant, situe la raison au cœur du langage. Une raison qui n’habite la pensée que parce que le langage l’en a dotée : « L’univers est à la mesure de ce que nous en disons » (Tétralogiques 10, p. 287).

Telle est la leçon qui nous vient du lien de oui et de non : impossible d’annuler la contradiction puisque le langage la porte en lui, avec la mutualité que confère l’abstraction du sème, une mutualité dont se redouble le principe dans l’exclusion (sémantique) de oui par non. D’une catégorisation à l’autre, et du grammatical au sémantique, le principe n’a pas changé, même si l’actualisation de l’exclusion de oui par non peut donner à le croire.

Références bibliographiques

Gagnepain Jean, 1982, Du vouloir dire, I, Du signe. De l’outil, Paris, Pergamon Press. [en ligne]
Gagnepain Jean, 1994, Leçons d’introduction à la théorie de la médiation, Louvain-la-Neuve, Peeters.
Gagnepain Jean, 1990, « Oui est non » in Tétralogiques 6, pp. 5-9.
Jongen René, 1993, Quand dire c’est dire, Bruxelles, De Boeck Université.
Laisis Jacques, 2006, « De Pierre Perret à Jean Yanne », in Tétralogiques 17, pp. 99-135.
Pergnier Maurice, 1986 , Le mot, PUF.
Pergnier Maurice, 2012, De Saussure à Saussure, Le « Cours de linguistique générale » à l’épreuve du siècle, éd. l’Age d’Homme.
Quentel Jean-Claude, 2007, Les fondements des sciences humaines, Erès.
Saussure Ferdinand (de), 1916, Cours de linguistique générale, 1985, éd. Tullio de Mauro, Paris, Payot.
Urien Jean-Yves, 2017, Une lecture de Jean Gagnepain - Du signe. Institut Jean Gagnepain. [en ligne]

Ouvrages cités

Damourette Jacques et Pichon Edouard, 1911-1940, Des mots à la pensée. Essai de grammaire de la langue française, tome 6, Paris, D’Artrey.
Dubois Jean, 1965-1968, Grammaire structurale du français, 1 Nom et pronom 2 le verbe, Larousse.
Muller Claude, 1991, La négation en français, syntaxe, sémantique et éléments de comparaison avec les autres langues romanes, Droz.
Tesnière Lucien, 1966, Eléments de syntaxe structurale, Paris, Klincksieck.
Wilmet Marc, 1976, « Oui, si et non en français moderne » in Le français moderne/3.


Notes

[1Alain, 19 janvier 1924. Propos cité dans Propos sur les pouvoirs, p. 351. Mais comment dire ou penser non sans convier, fût-ce implicitement, ce qu’on renonce à dire ou à penser ? Penser non, dire non, contredire, ne pas admettre, récuser : tel est le principe de la contradiction que l’un de ses pôles est toujours gros de l’autre, qui est son contraire.

[2Il y eut en son temps la passion de l’étymologie et la confiance accordée à l’évolutionnisme. Pas d’étudiant en philologie qui ne se remémore l’art qu’ont mis les historiens du français à rattacher le oui et le non à leur source latine pour mieux en retracer l’aventure dans un récit d’autant plus fascinant qu’il montrait que le hoc ille (fecit) latin avait départagé la France en deux, deux régions et deux langues (mais quelle frontière pour les séparer ?), alors que son contraire non avait en s’amuïssant fait place à ne, un ne lui-même allié à un terme nominal, ne..pas, concurrencé par un ne..point, ne..mie, ne.. goutte, en variation concomitante avec celle du verbe (marcher, coudre, manger, voir). Et d’épisode en épisode ce récit, nourri par le décompte des pertes et des gains, s’achève sur la vaste fiction d’un parcours linéaire où l’avant justifie l’existence de l’après, quand il ne va pas jusqu’à en être la cause. Un mode d’explication centré d’emblée sur le devenir des mots, et qui a cédé la place à un autre quand Saussure dans son souci de comprendre le fonctionnement du langage a réorienté la réflexion vers l’abstraction du signe et vers la systématicité de l’ordre qui lui est inhérent. Ainsi délivrée de la problématique historique, la théorie devait cependant affronter encore l’exigence d’une déconstruction. Car il devenait clair face à l’abstraction grammaticale que la langue, royaume de la variation, et pas seulement dans le temps ou dans l’espace, renvoyait à un ordre de raison qui n’était pas celui du langage. Dissociation des concepts langage et langue en raison même de la dissociation de leur mode d’explication. Sur ce point voir la revue Tétralogiques 10, Dissocier les raisons, 1996.

[3Impossible d’adhérer à cette notion de pro-phrase même si elle a été reprise dans nombre d’analyses sémantiques centrées sur l’anaphore (Revue Le français moderne 1982/3 ). L’effacement en cause est un effacement de la verbalisation. Et à ce titre oui et non sont non pas des ad-verbes mais des pro-verbes, autrement dit des suppléants du verbe, une fois donné au mot verbe le sens du latin verbum, à savoir « terme, mot, parole ». Sur ce point voir plus haut. D’où dans la littérature grammaticale le flou qui entoure pour oui et pour non la notion d’adverbe. Quant à la notion d’holophrase, elle découle sous la plume de Dubois du constat que l’anaphore peut franchir les frontières de la phrase.

[4Jean Gagnepain, Leçons d’introduction à la théorie de la médiation, p. 83. Pour la réflexion sur la notion de langue, voir aussi p. 153.


Pour citer l'article

Suzanne Allaire« Dire oui. Dire non. », in Tétralogiques, N°25, La déconstruction du langage.

URL : http://tetralogiques.fr/spip.php?article158