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Sylvie Portais, Claire Bessonneau & Christophe Jarry

Sylvie Portais, orthophoniste ; Claire Bessonneau, orthophoniste, département de soins pour adolescents du CESAME (Centre de Santé Mentale Angevin, Angers) ; Christophe Jarry, Laboratoire de Psychologie des Pays de la Loire (EA 4638), Université d’Angers. Maison de la Recherche Germaine Tillion. christophe.jarry chez univ-angers.fr

Plans de rééducation : travailler sur le statut d’interlocuteur et le désir d’expression chez la personne souffrant d’aphasie sévère

Résumé / Abstract

À travers l’analyse d’extraits de séances avec un patient souffrant d’aphasie sévère, cet article a pour objectif d’illustrer comment le projet thérapeutique de rééducation orthophonique peut trouver un intérêt à valoriser les échanges spontanés pour encourager la possibilité de raconter et de se raconter permettant au patient de moins subir les événements, d’être en capacité de les interroger, de gagner en autonomie, en confiance et en estime de soi. Ce projet trouve ses fondements théoriques dans la préservation du statut d’interlocuteur et du désir d’expression chez ces patients malgré le fait que la manifestation de ces aptitudes soit conjoncturellement empêchée, handicapée, en situation de communication du fait des troubles aphasiques, phonologiques et sémiologiques. Cette situation de handicap est notamment alimentée par le fait que, face aux troubles, les partenaires de ces patients perdent leurs repères d’interlocution et tendent à ne plus considérer le sujet aphasique comme un interlocuteur potentiel, sujet qui est alors touché dans son identité d’être communicant.

Mots-clés
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Avant propos

La circularité est une des particularités des sciences humaines puisque l’homme, à la fois « but » et « moyen » y étudie lui-même, et par elles-mêmes, ses propres facultés (Quentel, 2007). En ce sens, cet article est le témoin d’un échange sur l’échange et l’envie de communiquer ! Un partage professionnel sur l’échange verbal qu’est l’interlocution. C’est le fruit d’une rencontre entre deux expériences : celle de Claire à visée plutôt pratique, la rééducation orthophonique, et celle de Christophe à visée plus théorique, académique, universitaire, alimentée de neuropsychologie cognitive et sensibilisée aux propositions médiationnistes sur la déconstruction du langage. Ce partage a d’abord pu avoir lieu avec des rencontres conjointes de patients aphasiques à l’occasion de séances de rééducation au cabinet, qui se poursuivaient tout naturellement par des discussions théoriques, épistémologiques ou encore méthodologiques. Au-delà de la constatation que ce type d’échange entre des représentants de différents types d’institutions est plutôt rare et peine à se faire malgré son intérêt, nous nous sommes progressivement rendu compte de points de convergences dans nos réflexions qui se trouvaient déjà d’une certaine manière dans un mémoire d’orthophonie réalisé par Sylvie (Portais, 2013) pendant son stage au cabinet de Claire et soutenu quelques années auparavant. Dans sa méthodologie de rééducation, ce mémoire insistait sur la nécessité de travailler sur des facultés communément dites extralinguistiques nous semblant relever de ce que la théorie de la médiation qualifie de sociolinguistique et d’axiolinguistique. Notre propos n’est absolument pas ici de proposer un nouveau développement théorique sur ces questions mais, avant d’aller plus loin dans notre démarche d’échange, et peut être à terme de la structurer, il nous semblait intéressant de témoigner modestement du fait que les hypothèses de la théorie de la médiation sur la déconstruction du langage peuvent trouver un écho dans une pratique et des stratégies rééducatives volontairement empiriques mais aussi théoriquement multi-référencées.

Il ne choquera personne, quel que soit son champ de connaissances, de dire que l’aphasie est un trouble du langage. Toutefois, les travaux médiationnistes ont largement démontré que, touchant spécifiquement l’analyse grammaticale du son et du sens, la détérioration pathologique chez le patient aphasique concerne exclusivement le plan du Signe, alors que les autres plans de rationalité — la Personne, la Norme — y restent parfaitement opérationnels (voir Gagnepain, 1994 ; Giot et Schotte, 1999 ; Laisis, 1996 ; Tétralogiques n°19). En effet, le patient aphasique n’est pas psychotique : il reste sociologiquement capable d’interlocution, de communication, de négociation. Il rentre en relation avec autrui, accepte de partager un certain vocabulaire, échange sur des idées reçues dans une conversation spontanée et peut se raconter à travers un récit de soi. Il conserve également axiologiquement une capacité de discours, de prise de parole, une volonté de s’exprimer, un intérêt pour le langage, un plaisir à échanger. Il est capable de positionnement critique, de jeux de mots, d’humour. Toutefois il n’est pas rare que les premières rencontres au cabinet de l’orthophoniste soient marquées par une altération, nous dirons, incidente, conjoncturelle, de ces facultés d’échange et d’expression, particulièrement chez l’aphasique sévère qui s’est largement habitué, voire résigné, à ce que l’on parle à sa place. Pas de rupture authentique de l’altérité ou de profonde inhibition axiologique là-dedans mais, par interférence des plans, répercussion des troubles linguistiques, phonologiques et sémiologiques, sur les « dimensions » socio- et axiolinguistiques du langage. D’où l’instinct stratégique du thérapeute de ne pas centrer son travail uniquement sur la fonction déficitaire, ce qui est le plus communément admis aujourd’hui, mais également, comme nous le propose le mémoire de Sylvie, sur l’actualisation des capacités d’interlocution et du désir de s’exprimer du patient.

La suite de cet écrit est donc une synthèse de ce mémoire articulé autour des points qui nous semblent le plus pouvoir faire l’objet d’un échange avec les propositions de la théorie de la médiation comme les différentes « dimensions » du langage et leur spécificité humaine. Les extraits de séances viendrons illustrer le projet thérapeutique centré sur les facultés préservées d’interlocution et le désir d’expression de patients présentant par ailleurs une sévère altération de leurs aptitudes lexicales, grammaticales ou encore syntaxiques.

Introduction

La personne souffrant d’aphasie sévère subit de façon imprévue et brutale une altération de ses capacités de production et de compréhension verbale qui entraîne une restriction des activités personnelles, langagières et sociales. Elle bascule donc du jour au lendemain dans le champ du handicap avec un risque majeur d’isolement et de dépendance à autrui.

Les séquelles fonctionnelles sont très lourdes de conséquences sur ce que le savoir commun actuel désigne comme la communication, l’intellectuel, le physique, l’émotionnel, l’identité, et peuvent engendrer une blessure narcissique, une perte de confiance et d’estime de soi. La littérature scientifique mentionne un risque de dépression et un véritable processus de deuil à effectuer pour la personne. Cette littérature mentionne aussi que le handicap ne varie pas forcément en fonction du degré de séquelle mais en fonction de l’individu, d’où la nécessité, dans le cadre de la relation thérapeutique de passer d’une époque de la prise en charge à une ère de la prise en compte [1]. Il s’agit de passer de la connaissance de l’autre à sa reconnaissance, de créer les conditions où la subjectivité est activement impliquée pour faire vivre l’autonomie, partant du principe qu’étant atteinte dans son intégrité psychique et physique, la personne a encore le besoin de raconter et de parler d’elle malgré ses troubles du langage.

Dans cet article, nous proposons donc d’étudier cette priorité, envisagée par le thérapeute du langage, de favoriser le statut d’interlocuteur et le désir d’expression pour préserver le sujet, voire améliorer ses facultés linguistiques. Nous proposons aussi d’analyser comment un tel projet thérapeutique peut se construire alors que l’exercice de la négociation et de la coopération est mis en difficulté par les troubles et qu’il n’est pas possible d’attendre que le patient endosse de lui-même ce statut sur le mode qu’il maîtrisait avant l’atteinte lésionnelle. L’objectif de cette étude est précisément de montrer en quoi les situations spontanées d’échange révèlent une vraie voie possible de rencontre intersubjective entre le professionnel et son patient, permettant à la fois le rétablissement effectif du statut d’interlocuteur, l’adhésion à un projet thérapeutique qui se négocie, la réduction des menaces pesant sur le sujet et l’intégration de techniques plus formelles.

1 Langage, aphasie, rééducation

1.1 Différentes « dimensions » du langage

En guise d’introduction à notre propos à venir sur le projet thérapeutique, il nous paraît important pour situer notre réflexion d’aborder ici, même rapidement, quelques connaissances théoriques et empiriques de notre savoir sur le langage, entendu dans son sens commun, qui guident le travail orthophonique et résonnent avec les propositions de la théorie de la médiation. Nous évoquerons ainsi la spécificité humaine à la fois en termes d’abstraction, de narration et d’expression.

En premier lieu, nous pensons au philosophe Georges Gusdorf (Gusdorf, 1952, p. 10) qui nous évoque clairement ce que Jean Gagnepain théorisera comme l’impropriété du Signe (Gagnepain, 1990, 1994 ; Urien, 2017) en soulignant que « Le mot humain intervient comme un abstrait de la situation. Il permet de la perpétuer, c’est-à-dire d’échapper à la contrainte de l’actualité pour prendre position dans la sécurité de la distance et de l’absence ». Pour lui, le langage, compétence spécifiquement humaine est, par conséquent, ce qui permet d’évoquer la réalité en dehors de l’ici et maintenant, de se détacher du contexte, de s’extraire de l’immédiateté. Il fait, alors, accéder « l’homme animal » à « l’homme humain », avec lui « le monde humain n’est plus un monde de sensations et de réactions, mais un univers de désignations et d’idées » (ibid., p. 11). Paradoxalement, du fait de cette mise à distance de la réalité, tout message est sémantiquement réducteur et ne peut pas rendre compte de tout le réel puisqu’il n’est pas le réel. Le message est également réducteur en ce qui concerne le réel singulier de chaque individu, un réel qui est également analysable axiologiquement et sociologiquement.

En effet, dans son sens courant, le langage est pour nous le lieu de deux autres aptitudes proprement humaines. Il est, d’une part, le lieu d’observation d’une capacité générale, à désirer, juger, préférer, à exprimer ses émotions, à « vouloir dire ». Ce que Cyrulnik (1989) désigne comme « cette fonction émotive inouïe » (p. 85) mais qui permet également, selon lui, de pleurer sur un événement datant de dix ans ou d’espérer une situation qui n’arrivera que dans cinq ans grâce à l’appropriation de l’espace et du temps « alors que le langage des animaux est un langage contextuel, soumis aux émotions proches » (p. 85). D’autre part donc, d’un point sociologique, le langage est également le lieu de manifestation d’un récit singulier. Derrière chaque mot utilisé ou non par un individu se rattache une réalité, la sienne, celle issue de son histoire personnelle, de sa représentation du monde et de son désir de dire. C’est un pouvoir absolument essentiel qui s’offre à l’être humain, celui d’inventer sa vie, d’anticiper les événements, d’adapter en conséquence ses décisions et comportements. Le « mot » peut aussi rendre vivable un présent, de fait, insupportable. Cet effet de catharsis a été le ressort des tragédies grecques, dans l’Antiquité : « En représentant la pitié et la terreur, [la tragédie] réalise une épuration (katharsis) de ce genre d’émotions » (Aristote, 2002).

La représentation du monde de chaque individu est intersubjective, le fruit de ses relations, mais c’est également créateur d’une non-coïncidence entre les interlocuteurs qui, dans l’acte d’échange entendent, comprennent, à l’aune de tout ce qui fait leur propre singularité, tout le monde ne partageant pas les mêmes expériences. Un professionnel de la communication comme l’orthophoniste expérimente quotidiennement cette perte, ce décalage, où se loge ce fait sociolinguistique qu’est le malentendu, un malentendu permanent. Mais ce fonctionnement est aussi une richesse car le langage ne peut être envisagé comme un simple système de communication qui relèverait seulement d’un transvasement d’informations d’un interlocuteur à un autre. Il fait de la communication un perpétuel jeu d’ajustements, d’allers-retours entre deux êtres humains cherchant à se rencontrer afin d’essayer de se comprendre. Cet aspect intrinsèquement interactif est un élément essentiel pour justifier, ensuite, dans notre travail, une approche s’appuyant sur les ajustements démultipliés mais possibles à réaliser entre la personne souffrant d’aphasie sévère et son interlocuteur.

Bernard Victorri (Victorri, 2002) formule l’hypothèse que la narration représente une fonction communicative proprement humaine et une fonction prédominante dans les situations de communication de la vie quotidienne. L’enfant se développe à travers des expériences discursives grâce aux narrations parentales, dans un premier temps. Ensuite, il va rencontrer à l’école d’autres enfants du même âge et des adultes avec qui il partagera d’autres histoires. À travers toutes ces histoires, l’individu commence donc, selon lui, très tôt à développer ce sentiment d’identité personnelle, de continuité de soi et en même temps le sentiment d’une identité sociale, nous dirions un récit personnel, capacité sociologique de se situer dans une/son histoire singulière. Paul Ricœur (Ricœur, 1990) parle d’ « identité narrative » pour définir l’identité de celui qui raconte sa vie, une identité qui se construit donc à travers le récit, c’est-à-dire au travers de lui-même mis en intrigue dans la relation des faits de son existence. Cette identité narrative permet d’opérer la synthèse entre deux autres modalités de la permanence de soi dans le temps : ce que Ricœur appelle la mêmeté et l’ipséité. La mêmeté c’est la perpétuation des dispositions acquises qui déterminent la personnalité d’un individu (ses traits de caractère) et l’ipséité, c’est le maintien de soi par la parole donnée à autrui (par exemple, les promesses faites aux autres). Le récit permet donc l’articulation entre mêmeté et ipséité. La narration de soi, en effet, en élaborant l’identité narrative, construit la capacité de la personne à relier de façon concordante les événements de son existence. Sans cette expérience de récit, le sujet reste soumis à ce que Alain Loute nomme « l’expérience vive », dans laquelle « le sujet n’a qu’une intuition discordante de lui-même » (Loute, 2012, p. 55). C’est, par conséquent, en racontant sa vie que « le soi advient à la compréhension de lui-même » (Ibid.). De plus, Alain Loute met en avant l’idée que la capacité narrative du sujet permet de maintenir dans le temps le sentiment d’identité personnelle. Bouleversements et continuité de la vie sont donc intégrés dans le récit narratif de soi, permettant ainsi la constance temporelle de l’identité. Dans cette conception, le sujet est lui-même constitué par les éléments du récit qui lui permettent de donner sens à sa vie subjective dans le monde.

Dans l’objectif de prendre globalement en compte le sujet dans les différentes dimensions de son humanité et d’intervenir sur la situation globale de handicap qui résulte de ses troubles du langage, il importe donc de considérer l’ensemble de ces fonctions linguistiques grammaticales mais également expressives, interlocutives et narratives.

1.2 L’aphasie, diagnostic et handicap

Pour Xavier Seron et Martial Van Der Linden (Seron et Van Der Linden, 2016) la revalidation neuropsychologique qui s’intéressait traditionnellement à l’amélioration des processus psychologiques déficitaires (langage, mémoire) doit aujourd’hui également prendre en compte « l’amélioration des conditions générales d’existence du patient » (p. 4). Autrement dit, considérer à la fois le dysfonctionnement des mécanismes cognitifs en jeu et, l’incapacité consécutive à produire et comprendre des messages à l’écrit comme à l’oral, et la situation de handicap qui en résulte dans la vie privée et publique.

En s’intéressant au langage en contexte et plus particulièrement aux actes indirects comme les inférences, l’ironie, l’humour, les intentions du locuteur, aux usages et interactions des locuteurs-interlocuteurs, ou encore à la communication dite non-verbale, la linguistique pragmatique (De Partz, 1990 ; 2007) apporte des éléments de réponse à ces préoccupations. En effet, en portant son intérêt sur l’activité de communication, interactive, contextuelle, au-delà de la structure du langage, elle amène les thérapeutes à s’intéresser, prioritairement, aux troubles de la communication du patient aphasique et à leurs répercussions dans les relations sociales. D’un point de vue fonctionnel, les troubles de la production orale représentent la partie la plus visible, ou du moins audible, de l’aphasie. Pour le public, une personne souffrant d’aphasie sévère, c’est quelqu’un qui ne parle plus, ou mal, qui présente des difficultés (parfois entendues comme motrices !) pour articuler... Les troubles de la compréhension et les perturbations, dites pragmatiques, de la communication sont moins perçus au prime abord et font l’objet de moins de plaintes de la part des patients et/ou de leur entourage, comme le souligne Marie-Pierre de Partz (2008). Pourtant, les troubles aphasiques sémiologiques et phonologiques, entraînent par répercussion des limitations quantitatives et qualitatives des intentions de communication, des initiatives de prise de parole, des choix des thèmes abordés (plus ou moins concrets ou abstraits)… C’est l’ensemble de ces différentes dimensions, formelles (faisant référence ici à la logique grammaticale, plan I), interactionnelles (ressortissant du plan III) et expressives (plan IV) que le professionnel est donc amené à étudier pour appréhender et participer à la diminution de la situation de handicap d’un patient aphasique.

Aujourd’hui encore, peu de données ont été recueillies sur les compétences pragmatiques (mêlant capacités sociologiques et axiologiques) qui sont largement perturbées — ou dissimulées — par les troubles grammaticaux au premier plan chez les patients (voir Mazaux, Pradat-Dhiel et Brun, 2007). Chez certains patients non-aphasiques, cela peut se manifester par des symptômes axiologiques apparaissant sous forme d’aspontanéité verbale ou au contraire par une difficulté à inhiber la quantité de production verbale. Mais ce type de symptômes peut aussi tout à fait être observé chez des patients aphasiques, comme une conséquence secondaire, collatérale ou adaptative, de troubles réellement grammaticaux. Les données les plus récentes viennent de l’application à l’aphasie des analyses de conversation. À partir de recueils vidéo de corpus de conversations entre des personnes aphasiques et leurs proches, il a pu être repéré des perturbations de l’alternance des tours de parole, de la gestion des thèmes, et du type de compensations verbales. L’importance des troubles morphologiques au niveau du mot isolé et de la phrase a d’abord laissé penser que les difficultés accumulées empêchaient d’aborder le propos du patient, en dehors d’aphasies modérées ou ayant bien récupéré. Cependant, quelques travaux notamment médiationnistes (Guyard et Urien, 2006 ; voir également Mazaux et al., 2007) démontrent que la personne souffrant d’aphasie sévère reste dans la plupart des cas capable d’élaborer un récit thématiquement cohérent, d’édifier des scripts et d’organiser la macro-structure de son récit de façon intelligible pour l’interlocuteur, en dépit de la gêne occasionnée par les symptômes strictement aphasiques. Dans le cadre de notre étude, cela représente un véritable point d’appui dans la prise en charge et valide la pertinence de l’objectif visé par le projet thérapeutique avec les personne atteintes sévèrement : s’appuyer à tout prix et malgré tout, sur cette nécessité humaine de se raconter.

1.3 Rééducation et projet thérapeutique

Historiquement, les approches ont plutôt été antagonistes mais elles ont permis une vraie diversité et complémentarité des rééducations. Actuellement, les orthophonistes ont à leur disposition un panel d’outils thérapeutiques variés. Il est coutume, dans la littérature, d’évoquer les partisans de l’approche empirique [2], les partisans de l’approche cognitive et les partisans d’une approche pragmatique et psycho-sociale. Ces différentes approches se distinguent selon qu’il est recherché, respectivement, un rétablissement des aptitudes pré-lésionnelles, leur réorganisation anatomo-fonctionnelle sous tendue par des régions cérébrales ordinairement peu impliquées dans le langage, ou le développement de nouveaux usages de communication. Notre réflexion se situe dans la lignée de ces approches réadaptatives et palliatives et cherche à rendre compte de pratiques thérapeutiques centrant le projet sur la nécessité que le patient reste coûte que coûte un être qui communique et qui soit réactif dans les échanges. Du coup, les techniques s’appuient sur l’exploitation de la situation en contexte et de ce qui arrive spontanément en séance.

Dans la relation thérapeute-patient, un contrat de communication spécifique est nécessairement activé, établissant les contraintes du cadre thérapeutique (Bromberg, 2001). Côté patient, aller voir un professionnel c’est implicitement se dessaisir d’une compétence au profit du professionnel : « je ne peux pas me soigner seul ». Le travail thérapeutique démarre parce que le patient renonce à faire par lui-même toute la démarche de soin. Côté professionnel c’est, implicitement, affirmer, à l’inverse, une compétence : « je sais faire là où vous ne savez pas faire ». La relation est nécessairement asymétrique car elle reconnaît la compétence du professionnel comme une base nécessaire au travail thérapeutique même si ce n’est pas la seule. Le consentement du patient pour mettre en place un projet thérapeutique est au cœur de cette relation asymétrique. En effet, le professionnel du langage connaît les limites du projet thérapeutique qu’il devra mettre en place avec son patient grâce à son savoir. Pour pouvoir envisager le consentement à ce projet, il faut que le patient prenne conscience qu’il souffre d’une aphasie sévère et qu’il ne pourra donc plus retrouver un langage normal. Le projet ne pourra jamais avoir pour but de retrouver un langage similaire à celui du patient avant son trouble. L’orthophoniste le sait et sera régulièrement amené(e) à rediscuter de cette impossibilité, l’objectif thérapeutique ne pouvant être celui-là. Dans le cadre de l’aphasie sévère, la relation dite « pédagogique » prend toute sa signification. L’information sur la pathologie et les résultats des bilans est nécessaire mais la négociation pour s’accorder mutuellement sur un projet thérapeutique, tout autant. De plus, dans le cadre de cette pathologie durablement invalidante, la négociation revêt une dimension temporelle. Le thérapeute devra revenir régulièrement sur le consentement du projet de soin afin de le réguler, le redéfinir au gré des besoins du patient, qui évoluent.

Le lien relationnel suppose que les interlocuteurs se reconnaissent sociologiquement comme tels et acceptent l’idée de la rencontre, et de s’apprivoiser. C’est à cette condition que le travail de collaboration pourra s’effectuer. Ce qui accompagne cela c’est, nécessairement, côté patient, un engagement affectif envers le thérapeute, la capacité de poursuivre l’objectif thérapeutique, mais aussi d’en avoir le désir, autrement dit que la personne se reconnaisse motivée pour travailler à partir de son objectif avec le professionnel. Du côté du thérapeute, il en découle la nécessité d’une compréhension empathique et d’une implication qui permettra la rencontre de sujet à sujet. Il est nécessaire aussi de se reconnaître capable de s’engager sur l’objectif fixé avec le patient et disposé à le faire. Le plaisir de l’échange, c’est l’idée que le sujet compte pour l’autre et que l’autre compte pour le sujet. Le plaisir est donc aussi dans la rencontre et dans la place que chacun occupe en tant qu’interlocuteur. Le plaisir est dans la relation avec les autres. Un objectif du projet thérapeutique visera, donc, à ce que le patient aphasique puisse poursuivre avec plaisir les échanges avec l’autre afin qu’il puisse continuer à aller à sa rencontre malgré le handicap survenu. Cela relève d’une dimension axiologique de la rencontre, de la manière dont la motivation, les affects, le désir, s’expriment dans l’échange, lui-même institué par la relation professionnelle thérapeute-patient.

Replacer la personne souffrant d’aphasie sévère en situation de communication se réalise lors des échanges spontanés (vs situations standardisés de tests ou d’exercices très cadrés). Ils permettent au thérapeute de se positionner comme interlocuteur authentique pour qu’en second lieu, le patient se perçoive lui-même interlocuteur et qu’il puisse entretenir pour lui et les autres un désir réciproque de rencontre. Il faut, pour cela, parvenir à surmonter ce premier obstacle qui pousse le patient à croire qu’il ne peut plus communiquer. L’objectif thérapeutique visé d’aider le patient à retrouver une assurance, une sensation de plaisir et de liberté dans sa relation à l’autre est possible à travers les multiples situations d’échange qui se présentent spontanément en séance. Avec l’apparition de son trouble, la personne souffrant d’aphasie sévère peut vite être cantonnée au langage utilitaire. C’est pourquoi il est important pour le patient de rencontrer quelqu’un qui le croit « capable de... », qui est confiant dans sa capacité à dire des choses de lui et de ce qui l’entoure. Quelqu’un qui le croit tout à fait capable d’endosser son statut d’interlocuteur. C’est cette conviction partagée qui autorise tous les sujets de conversation même les plus improbables en terme de capacités langagières pour la personne souffrant d’aphasie sévère. Elle va, effectivement, expérimenter qu’elle est capable d’échanger en dehors des préoccupations liées à l’ici et maintenant. Elle n’a plus besoin de restreindre ses échanges aux besoins vitaux en référence à la situation présente : « j’ai soif, je veux sortir, je veux dormir ». La conviction et la confiance du thérapeute dans ses capacités à communiquer de toutes les manières possibles, vont l’engager à ne rien s’interdire, en terme de « quoi dire ». Et ce, même si le « comment dire » verbal fait obstacle. Le thérapeute cherche à redonner la possibilité d’expérimenter des échanges où le patient aura besoin de créer un discours qui qualifie ce qu’il pense. Sinon, il ne sera pas dans un rapport au langage qui permet la communication. Ses énoncés doivent porter quelque chose de lui afin que la personne ne se laisse pas installer dans un rapport d’immédiateté au monde avec un langage plaqué, afin que la fonction fondamentale de représentation puisse lui offrir la possibilité de faire des liens, de créer, de penser.

Même si la narration n’est plus possible comme avant, en tant qu’elle est portée par des mots, il est important qu’elle puisse exister et demeurer présente d’une manière ou d’une autre. Tous les moyens sont permis pourvu que patient et thérapeute réussissent à se rejoindre dans leurs évoqués au cours d’un vrai échange. C’est pour cela qu’il est indispensable pour le thérapeute de travailler dans le cadre d’une situation spontanée. L’échange doit être authentique, la curiosité réelle, le patient doit pouvoir parler de lui et le professionnel doit proposer de vraies questions. Les occasions de vivre avec un patient ces situations de réels échanges ne manquent pas. Elles font partie de ces « apports » à saisir absolument ou à susciter au besoin car à chaque fois l’estime de soi est consolidée et l’identité reconstruite à travers une expérience, nouvelle, de narration. C’est pourquoi il est important de laisser place à la spontanéité de ce qui se présente, qui fait sens pour le sujet à ce moment-là, dans ce lieu-là et qui pose le cadre d’un vrai échange autour d’une rencontre ouverte. La conversation vraie ne peut exister que dans cet interstice et non au travers d’un exercice dirigé. En séance, le professionnel attrape ce qui arrive, qui vient de l’autre et va vraiment interroger puisque le professionnel ne sait pas tout du vécu, des expériences, des sentiments de son patient. Pour autant, le thérapeute ne mène pas une discussion ordinaire, il n’oublie jamais son objectif ; il sait, lui, que cet échange est au service de la re-narcissisation et permet de renforcer un sentiment de cohérence et d’unité chez la personne. En offrant une possibilité de se raconter, le professionnel travaille au bénéfice de l’identité narrative dont parle Ricœur, qui va permettre à l’identité en crise, d’évoluer vers une identité reconstruite au travers de ces expériences de récit de soi, si singulières.

Ainsi, comme le suggèrent Seron et Van Der Linden (2016), l’amélioration des aptitudes du patient aphasique peut suivre des objectifs « plus larges que la simple visée instrumentale [3] » (p. 4). Comme ils le précisent, la diminution du manque du mot grâce à des exercices spécifiques ne suffit pas. La revalidation doit aider le patient à retrouver une communication efficace et pouvoir exploiter ses progrès au quotidien. Ce n’est pas le déficit cognitif, ici grammatical, qui est spécifiquement et uniquement visé mais bien la situation globale de handicap qui en découle par répercussion sociolinguistique et axiolinguistique sur l’échange et le plaisir de l’échange.

2 Analyse de séances avec le patient V

V est âgé de 48 ans lorsqu’il est victime d’un AVC ischémique sylvien gauche entraînant une aphasie globale ainsi qu’une hémiplégie droite. Il est marié et en activité professionnelle au moment de l’accident. Deux enfants vivent au domicile. Il est professeur de mathématiques en classes préparatoires et son épouse, professeur d’université. Il apprécie particulièrement l’ornithologie, activité dans laquelle il s’implique en participant à des sorties organisées par une association. Suite à plusieurs mois passés au Centre de Réadaptation Spécialisée (les Capucins à Angers), la rééducation orthophonique est poursuivie en cabinet libéral avec le même professionnel à raison de deux, trois ou quatre séances hebdomadaires d’une durée de quarante-cinq minutes. Le compte rendu de bilan orthophonique indique que le langage oral est entravé par d’importantes stéréotypies et persévérations, il existe très peu de possibilités de répétitions, des difficultés praxiques au niveau du membre supérieur droit et au niveau bucco-facial, des difficultés de compréhension orale et des productions écrites très déficitaires.

2.1. L’idée d’un exposé sur les oiseaux

L’exposé est un exercice proposé par l’orthophoniste (O) à l’occasion d’une demande du patient d’annuler une séance pour participer à une sortie ornithologique avec des amis, type de sorties qu’il effectuait avant son AVC. Cette demande est à comprendre de deux façons : c’est à la fois une marque de politesse envers son engagement vis à vis du planning fixé pour les séances mais c’est surtout une grande fierté et un réel plaisir d’évoquer cette escapade rompant avec l’ordre établi, depuis l’accident cérébral. Il faut savoir qu’au début, V prenait ses vacances en fonction de son orthophoniste, de manière à ne pas perdre une séance. La séance d’orthophonie passait avant tous les autres projets. Le professionnel va écouter cette demande et renvoyer ce qui semble être un désir de rencontre retrouvé allant jusqu’à empiéter sur son besoin de rééducation, pourtant très fort depuis le départ. C’est révélateur du fait que ses expériences positives en séance lui ont permis de se sentir capable de prendre le risque de se mettre en situation d’interlocuteur dans un cadre moins protégé que le cadre orthophonique. La demande de rompre avec le planning des séances montre qu’il peut mettre un peu de jeu dans son statut de patient, autour duquel sa vie s’était organisée. Le fait d’informer son orthophoniste qu’il souhaite participer à nouveau à des sorties ornithologiques, et de rechercher son approbation, est une manière complice de dire « ça y est, je me lance ! » et de vérifier sa croyance dans cette expérience. Pour le professionnel, c’est l’occasion idéale de rediscuter le projet thérapeutique, et souligner que l’objectif premier étant de retrouver un statut d’interlocuteur, cette envie de sortie est très positive puisqu’elle montre que ce projet a glissé du cadre de soin à la vie quotidienne. La confiance en ce projet et la validation du thérapeute témoignent d’un engagement du patient, d’une confiance dans son orthophoniste et de son désir de soin et donc d’une alliance thérapeutique établie.

Ce projet d’exposé semble un véritable défi et V le signifie : il est d’accord pour partager ses connaissances sur les oiseaux mais il met en avant son handicap : il est aphasique. La négociation a lieu sur le ton de l’humour. O rappelle sa tendance aux projets improbables, dans sa conviction non pas qu’il soit possible de tout faire mais qu’il est possible de tout tenter. Toutes les précautions sont prises à travers la négociation du projet. Le patient est sécurisé car il pourra utiliser un support, celui de l’ordinateur. Le thérapeute veut que le mode de l’échange soit absolument préservé... puisque c’est le projet thérapeutique : être interlocuteur, être dans l’échange avec l’autre. C’est pourquoi O explique que V ne peut pas apporter ses livres et des écrits comme il le proposait, en tout premier lieu, car cela ne parlera pas de la journée qu’il aura vécue et de ce qu’il aura partagé comme expérience avec ses amis autour des oiseaux. L’ordinateur est donc un support accepté par les deux acteurs de cette négociation. L’orthophoniste explique encore que, n’étant pas personnellement passionnée par le thème, ce qui l’intéresse c’est son regard à lui sur cette expérience de sortie. C’est pourquoi elle est d’accord pour un support en images dans la présentation de l’exposé mais qu’elle ne lira pas d’écrits documentaires. La séance a permis de chercher ensemble et trouver un accord sur le projet de l’exposé et de reposer, de fait, le consentement du projet thérapeutique : le placer en situation d’endosser une place d’interlocuteur.

Après sa sortie ornithologique, V prend du plaisir à évoquer cette activité en séance et rappelle spontanément qu’il prépare l’exposé. Il ajoute que c’est difficile mais qu’il est content. Lorsque c’est prêt, il fait savoir qu’il a envie de le montrer en présence de la stagiaire (S). Stagiaire qu’il connaît encore peu et qui n’est pas au courant de ce projet puisqu’elle commence son stage. C’est l’occasion d’un nouvel accord : ce sera une surprise. V prend du plaisir à l’idée de cette surprise. Être en mesure de faire une surprise est précieux pour V qui n’a plus l’occasion de le faire. Il retrouve ainsi une sensation de maîtrise de ce qui va se jouer verbalement, il sera l’initiateur d’un moment de plaisir verbal.

L’un des objectifs est donc centré sur la valorisation (plan axiologique) de la communication : faire l’expérience positive d’une rencontre authentique malgré le déficit langagier et enfin vivre un échange qui se construit autrement. Les visées sont multiples, rappelons-le : insuffler de la confiance dans les capacités à endosser ce statut d’interlocuteur, susciter le plaisir de l’échange, favoriser la spontanéité pour rester au plus proche de ce qui se passe « dans la vraie vie », vivre un « communiquer autrement » car la pathologie est là et il ne faut pas la nier mais faire avec elle. L’autre objectif, plus spécifiquement sociologique, est centré sur le sujet : permettre au patient de partager un de ses centres d’intérêt donc de parler de lui. Il va pouvoir partager sa singularité, ce qui fait sa différence pouvant intéresser l’autre qui l’écoute. Il va aussi montrer ses compétences en partageant l’exposé qu’il aura préparé. L’échange va s’appuyer sur ce qu’il aura apporté. Cela vise à le valoriser, le re-narcissiser en renforçant le sentiment d’identité à travers l’expérience vécue, puis partagée. Un continuum s’effectue entre un avant et un maintenant où la personne peut se percevoir encore comme interlocuteur même si c’est différemment.

Nous avons choisi de distinguer les interventions concernant plutôt le statut d’interlocuteur de celles qui concernent le plaisir de s’exprimer. Comme nous allons le voir dans les extraits suivants, ces deux aspects sociolinguistiques (échange, complicité, accord, relation, positionnement), et axiolinguistiques (intérêt, efforts, valorisation) restent toujours intimement reliés dans les situations effectives de communication et le travail sur l’un permet également d’envisager et discuter des effets sur l’autre.

2.2. L’échange spontané : effets de valorisation et stimulation du statut d’interlocuteur

V sort l’ordinateur de son sac puis de sa sacoche pour présenter son exposé.

S (Stagiaire) : Alors, pour moi, c’est la surprise totale parce que je ne sais même pas de quoi, vous voulez parler...
V, ton mystérieux : Ah, ah...
S : C’est un exposé sur quoi ?
O (Orthophoniste) enjouée : Ah, oui !
Stagiaire : C’est un complot là !
O : Oui.
S, riant : Oui ! Carrément ! C’est agréable...
O : On assume sans problème.
V, face à son écran, met en route son diaporama.
S : Ah ! On a le droit de regarder...
V : non, non, non, non, non.

En arrivant avec son exposé préparé, V concrétise son accord pour le projet de séance proposé par son orthophoniste. Complicité et consentement sont confirmés plusieurs fois au cours de la séance : la complicité transparaît à travers la cohésion patient-orthophoniste pour préserver la surprise de l’exposé vis-à-vis de la stagiaire jusqu’au dernier moment. Le consentement, quant à lui, ne repose pas uniquement sur l’exposé mais concerne le projet thérapeutique lui-même et sa réalisation sur le mode de l’échange. Ce statut d’interlocuteur endossé, au sein de la séance, est assumé par V. Il montre qu’il veut le garder en se positionnant, dès le départ, comme un interlocuteur actif, qui conduit son exposé. Ainsi dans les premières minutes de la séance, quand la stagiaire manifeste son envie de regarder l’écran de l’ordinateur, V dit « non, non, non » indiquant par là qu’il faut patienter un peu, c’est lui qui va délivrer les informations au moment où il l’aura décidé.

Le processus de re-narcissisation de la personne est à l’œuvre grâce à tous les effets de valorisation qui naissent de la relation équitable de sujet à sujet. Ici, l’exposé va permettre à V de se montrer comme un connaisseur des oiseaux mais aussi comme étant capable de partager cette passion qui l’anime et le caractérise. Malgré des « ratés » dans l’échange, V parvient à transmettre beaucoup d’informations concernant son sujet. Orthophoniste et stagiaire apprennent par exemple le lieu de baguage des oiseaux :

Un extrait de carte routière apparaît sur l’écran.

O : Alors…, pourquoi est-ce qu’on a cette carte ?
V : Ah, oui...voiture.
O et Stagiaire : mmh... oui.
V : à preu près...
O : oui.
V, montrant dix doigts écartés : Tiss.
O : Alors… dix ... kilomètres ?
V, validant d’un signe de tête : Koumède !
O : Oui, dix kilomètres.
V : Environ.
O : Environ... D’accord. (…) Il y a un lieu d’observation ?
V acquiesce : oui, oui.
O : ...Un lieu d’observation des oiseaux.
V : oui, oui... et euh... . V pointe une localité sur la carte.
O : C’est près d’Écouflant ? (…)
O : C’est près de Briollay ?
V : oui, oui.
O : Bon, d’accord.

Certes, en terme de flux verbal la production est faible, mais la séance montre combien les informations transmises peuvent être à la fois nombreuses et précises, voire techniques. Ainsi, V parviendra à donner plusieurs renseignements ornithologiques : comment sont attrapés les volatiles et pour quelle raison ils sont bagués, les mesures qui intéressent les ornithologues : ailes dépliées, ailes pliées, gras ou maigre, nom du bagueur, heure du baguage.

L’effet de valorisation a lieu dans tous ces moments où les interlocuteurs de la personne souffrant d’aphasie sévère montrent leur intérêt. L’intérêt se devine lors des efforts inlassables, côté professionnel et stagiaire, pour proposer des évoqués pouvant correspondre à ce que veut dire V. La séance témoigne de nombreux moments où l’interaction est très dense en terme d’ajustements réciproques : parfois V fait ses propositions, son interlocuteur reformule et V valide « oui, oui » ou ne valide pas « non, non ».

V montre une première photographie de fauvette :

V : (...) ...Amer...euh...a mer ...euh...a mer...
O : La mer ?...l’eau ??...
V : Non.
S : Merle ? … Non c’est pas ça.
V : Oiseaux... partis...
O : D’accord... Ah… la migration ?
V : Oui ! Partis...
O : Il y a un rapport avec la migration de ces oiseaux-là.
V : Oui ... (...).

Autre exemple : long silence où V signifie qu’il cherche.

V : Fauvette.
O : Fauvette...
V : Fauvette...euh...fauvette...euh
V montre, d’un geste, sa tête.
O : ... à la tête...
V : à tête (…)
O : Alors... fauvette... crête ?
V : Non, non.
O : Fauvette…
V montre à nouveau sa tête d’un geste de la main.
S : Tête ?
V : Tête !
O : Fauvette à tête...
V : ...oire !
O et S en choeur : ...Noire ! D’accord !
S : Donc l’oiseau... c’est une fauvette à tête noire.
V : Oui. (…).

L’intérêt se devine aussi à travers les précisions qui sont demandées. Elles témoignent de liens effectués, par ses interlocuteurs, entre les diverses informations que V fournit et donc de leur attention à ce qu’il s’efforce de leur communiquer.

V présente un second cliché de fauvette :

O : Alors.. .la fauvette à tête noire.
S : Sauf que moi... je trouve qu’elle n’avait pas de tête noire... Elle n’a pas de tête noire la fauvette de tout à l’heure ?
V : Oui, euh...
S : C’est son nom mais sa tête n’est pas forcément noire alors ?

V va nous apprendre que la fauvette à tête noire femelle n’a pas la tête noire. À ce moment, O et S ont vraiment le désir d’en savoir plus, de comprendre. C’est valorisant pour V. Et ce d’autant plus que cela vient confirmer qu’il est considéré comme un interlocuteur capable d’apporter des réponses, dans un échange qui n’est pas géré à l’économie. L’interlocuteur ne fait pas semblant, il en redemande et témoigne de son attention à tout ce qui est présenté. L’intérêt porté à l’autre est valorisant puisqu’il vient témoigner d’un désir de rencontre : rencontrer l’autre qui a des informations à partager, inconnues des interlocuteurs. Cette dimension de la rencontre curieuse de l’autre fait partie intégrante de la relation soignant-soigné. L’effet de valorisation est présent également et explicitement dans les compliments de l’orthophoniste : « Ouah, quelle technique ! » à propos du diaporama préparé, ainsi que dans les apartés entre O et S, destinés à être entendus du patient : « c’est intéressant, ce qu’il fait... » ou encore dans les remerciements répétés en fin de séance : « bravo », « c’est vraiment très très bien ».

L’exposé est un exercice préparé à la maison donc non improvisé mais va néanmoins permettre de poser le cadre d’une situation d’échange spontané. Les conditions de l’échange authentique sont préservées puisque les interlocuteurs de V ne connaissent pas à l’avance le contenu de l’exposé. Il n’y a pas non plus de bonne ou de mauvaise réponse, juste un espace et une liberté immense offerts par la construction d’un échange qui ouvre la voie de la reconnaissance de l’autre. Ainsi, lorsque O demande à son patient : « C’est la première fois que vous faites un exposé comme ça ? », celui-ci en répondant un « nonnn » qui s’allonge, parle spontanément de lui, laissant entendre qu’il en a déjà fait beaucoup. Il laisse entrevoir son identité, un peu de lui dans sa globalité. La situation spontanée ouvre un espace où le récit de soi est possible. Et lorsque le professionnel continue d’interroger : « Depuis que vous avez eu votre souci, c’est la première fois ? », V répond « Ah oui ». C’est à la fois pénible pour le patient qui est renvoyé à sa réalité de personne souffrant d’aphasie sévère mais cela permet de souligner comment cet exercice peut permettre une continuité avec l’avant de l’accident.

Le cadre de l’échange spontané garantit une authenticité qui renforce le statut d’interlocuteur et cela pour deux raisons. La première tient au fait que les questions posées par les interlocuteurs sont de vraies questions, ceux-ci ne connaissent pas la réponse. Souvent V souffle car cela n’est jamais simple de répondre puis enchaîne par un « Ah… oui… » montrant qu’il est déjà reparti dans la recherche d’idées à partager. La seconde raison provient de ce que l’interlocuteur, pris dans le plaisir de l’échange, n’épargne pas la personne sous prétexte qu’elle est aphasique. Il l’encourage à dépasser ses limites. Du coup, la personne n’est pas regardée selon l’angle de la pathologie mais sous l’angle d’un interlocuteur amené à répondre aux questions qui lui sont posées, dans ce cadre d’un exposé. Ainsi en demandant des précisions sur la prise de mesure concernant les ailes O va au-delà de ce que V pensait donner comme détails. Il signifie, alors, par un « Oh là là » que répondre à cette question sera trop coûteux. Mais O insiste tout en valorisant le contenu de l’exposé : « mais si, il faut être précis, c’est une étude scientifique ». Ce faisant elle sait où aller chercher une partie de l’information dans les diapositives précédentes, ce qui à la fois est une aide précieuse pour V et à la fois le valorise dans son statut d’interlocuteur puisque cela prouve que ce qu’il a dit a compté chez l’autre.

V garde encore sa place d’interlocuteur actif quand, au moyen d’un signe de la main, il signifie « stop » ou qu’il émet « chchchut » pour nous inciter à nous taire lorsque nous l’envahissons de propositions et qu’il souhaite plutôt un temps d’évocation. Il a les moyens pour rester acteur de l’échange et le conduire. Ce sont des procédés qu’il a appris au cours des séances, qu’il s’est approprié et qu’il s’autorise à employer dès qu’il en a besoin.

Un autre moment dans cette séance est révélateur de sa participation active dans l’interlocution :

S : Je peux vous poser une question ?
V : Oui.
S : À quoi ça sert ça, là, on dirait une pince ?
V : Ah oui euh...
S : C’est pour quoi faire ?
V : Euh...après.
S : Ah, c’est pour après.

V manifeste clairement à son interlocuteur qu’il ne souhaite pas que la discussion prenne ce chemin-là pour l’instant. C’est un bel exemple de sa capacité préservée à conduire et contrôler (interdire/autoriser) l’échange, malgré l’aphasie sévère.

2.3. Entretenir le désir et le plaisir de s’exprimer

Un défi pour le professionnel consiste à ce que l’expérience soit vécue, d’une façon ou d’une autre, positivement. Cela est possible, tout d’abord, à travers les réussites dans l’échange. Depuis le départ, nous l’avons vu, ce projet est perçu comme possible par le professionnel. Les croyances du thérapeute, en termes de capacités communicationnelles de son patient, génèrent de la confiance chez ce dernier (la confiance du thérapeute envers les capacités de transmission d’information fiables par exemple). Après avoir préparé avec plaisir tout son matériel, V s’est senti au départ en grande difficulté et n’a pas pu commencer l’exposé. Il l’a signifié avec un certain désarroi. Il a fallu que O l’accompagne pour démarrer :

« On est d’accord, c’est un exposé sur le mode de l’échange... ce n’est pas vous qui vous débrouillez tout seul... pour tout faire, on discute... et pendant ce temps là, vous pouvez venir chercher les infos chez nous. »

Valorisation et marques de confiance sont et doivent être très nombreuses car elles participent à encourager la personne à poursuivre l’échange, coûte que coûte, et à laisser une trace positive, en lui et à l’apprécier.

D’autre part, l’expérience est positive car les « ratés » sont dédramatisés, et donnent même lieu à des moments de rires, de détente. C’est, par exemple, la levée du malentendu à la faveur de l’homophonie entre « bagage/baguage ». L’incompréhension au début de la séance provoquant, ensuite, le fou rire de O et S qui se moquent d’elles-mêmes lorsqu’elles comprennent enfin de quoi il s’agissait, plus d’une demi-heure plus tard. Ce rire spontané et sincère témoigne aussi d’un moment de vrai plaisir partagé avec V.

Début de séance :

O : Donc... c’est un exposé sur quoi ?
V : Oui...Euh,... bacage.
O :... Sur les bagages ?
V : Oui,
O surprise et enjouée  : … Alors là…, moi non plus, je ne suis pas au courant de ce thème-là ! ... Les bagages, c’est-à-dire ?
V : Roseau...
O : Sur les roseaux ?
V : Oui.
O : Ça un rapport avec les oiseaux ?
V : oui, oui...
O :...Bon...vous me rassurez,... parce que c’était ça, mon thème de départ. D’accord. Les oiseaux et les roseaux. Ok.

Levée du malentendu en fin de séance :

O : Vous allez retourner faire ça ?
V : Oui.
O : Il y en a d’autres... des journées,...comme ça...de bagage ?
V : Oui.
O et S en chœur et riant  : BAGUAGE !!
S : Ah...ça y est ...on a compris. Mimant le mouvement d’un cerveau qui tourne au ralenti. On pensait... « aux bagages » la valise !
O toujours riant  : On est des filles nous...vous nous dites « baguage »...
S : ...on pense... sac à main !
O : ... On pense sac à main...On part en vacances !
(…) Le fou rire se poursuit quelques secondes.
V souffle et secoue la main, l’air de dire « je ne suis pas aidée avec elles ! » : Ah là là...
S : Oh… On a mis du temps (…) … Mais bravo ! On a appris plein de choses.
O : Oui..., c’est très très bien !... et... c’est surtout très très intéressant... de vous voir dans un projet comme ça !

Le rire participe au vécu positif de l’expérience d’échanges spontanés. Il se présente comme une respiration dans l’effort fourni par chacun. Il ne nuit pas au sérieux du travail orthophonique, il en est le contrepoint. Moments d’humour et atmosphère détendue nés de la situation de communication spontanée révèlent de vrais moments de plaisir partagé. Le moment où V se moque franchement de notre manque de perspicacité et ose critiquer nos capacités d’interlocuteurs est remarquable. L’humour au sein de l’échange est un plaisir que goûtent rarement les personnes aphasiques car elles sont, le plus souvent, face à des interlocuteurs qui craignent l’incompréhension, donc qui n’osent pas. Le plaisir éprouvé par V est visible à son sourire qui valide la touche d’humour de son interlocuteur.

Entretenir le désir et le plaisir de s’exprimer c’est aussi faire l’expérience d’une autre communication possible comme la communication non verbale pour véhiculer des informations et des émotions. Le patient a déjà expérimenté que la communication non verbale était riche avant l’AVC et faisait évidemment partie intégrante de sa communication. Par contre, elle risque d’être elle aussi moins investie du fait de la baisse de l’appétence communicationnelle. Il faut que le patient retrouve de la fluidité dans sa façon de communiquer et qu’il expérimente d’autres moyens qui lui permettront d’améliorer l’échange d’informations. La poursuite de l’échange est souvent possible si la personne souffrant d’aphasie sévère ne s’interdit aucun mode supplétif pour communiquer : mimiques faciales, comptage avec les doigts, gestes de la main, mimes. La communication peut aussi continuer grâce au support de l’écrit. C’est ainsi que O comprend le mot « mâle » puis « femelle » avec les premières lettres des mots car les sons énoncés ne permettent pas de saisir le sens. Ce qui permet de comprendre la différence de couleur de la tête de la fauvette à tête noire. Le recours au mime avec le gonflement de son corps aidera V à nous faire comprendre « cra...cra » comme étant « gras ». En ce qui concerne la prosodie, les différents sens qu’il est possible d’attribuer aux « oui » de V montrent que des interprétations multiples sont possibles à travers une émission limitée de sons et que de la signification passe dans l’intonation avec beaucoup de finesse puisque, ici, les interlocuteurs de V peuvent distinguer sans difficulté : le « oui, oui » un peu précipité qui valide une proposition émise ; le « Ah ...oui » plus méditatif témoignant de sa recherche d’évoqués à nous transmettre ; le « oui ! » exclamatif qui vient dire « c’est ça, ça y est, vous avez trouvé ce que je voulais dire », quand le partage des thèmes évoqués a été plus laborieuse ; le « oui » qui valide sa compréhension à lui de ce que nous lui disons.

Tous ces moments d’échange sont chargés en émotions et en plaisir d’avoir réussi à se rencontrer grâce à une confiance réciproque. Ils participent à créer un vécu partagé fort, qui vient construire une relation de sujet à sujet dans une continuité au service de la relation de soin. Ainsi, le moment où O repère le mot « piquet » qui était resté source d’incompréhension malgré de nombreux efforts lors de la séance précédente :

V : (...) piquet
O : C’est ça que je ne comprenais pas l’autre fois...Y a des piquets
V :...piquet, oui et...
O : Y’ a des pièges pour les attraper ?
V : oui, oui, oui...

En faisant référence à une séance précédente où O et V n’avaient pas réussi à se comprendre, le professionnel montre à la fois que certaines incompréhensions peuvent être levées plus tard et encore une fois il témoigne de son écoute attentive pour ce que veut partager son patient avec lui. Les échanges précédents et tous les efforts fournis par V n’ont pas été vains : ils ont laissé des traces chez l’autre et servent l’échange présent.

Conclusion

L’approche thérapeutique visant à travailler sur le statut d’interlocuteur et le plaisir de l’échange pour la personne souffrant d’aphasie sévère revêt un caractère d’urgence. Même si nous en formulons l’hypothèse, les bénéfices de ces interventions sur la qualité et la quantité des aptitudes linguistiques, phonologiques et sémiologiques, restent à prouver. Toutefois c’est bien ici les bénéfices sur la réduction de la situation de handicap et la promotion de la qualité de vie qui sont au cœur de la prise en charge. Le handicap place le patient dans une situation extrême dans laquelle il court le risque de voir son statut de sujet remis en cause. La personne souffrant d’aphasie sévère est exposée, au quotidien, au risque d’une forme de « négligence involontaire », pour reprendre une formule de Georges Saulus (Saulus, 2009), quand on ne lui reconnaît plus son statut d’interlocuteur : elle voit, entend et comprend que les autres parlent d’elle, parlent autour d’elle, sans parler avec elle. Elle subit une vraie violence lorsque autrui agit, parle à sa place ; souvent pour son bien. Dès lors, l’orthophoniste mu par un impératif éthique, le souci de l’autre et le principe de bienfaisance inhérent à la relation de soin, a une marge de manœuvre pour se positionner professionnellement : s’engager dans une posture où construire un projet de soin à visée rééducative et faire travailler le patient « pour son bien » dans un cadre pré-pensé sont moins la priorité que de laisser la place au sujet et à la rencontre en permettant au professionnel de mettre ses compétences au service des besoins singuliers de chacun.

Les analyses de séances montrent qu’un tel projet thérapeutique est faisable : il passe nécessairement par la négociation avec le patient, projet possible même quand le deuil du langage oral normalisé reste compliqué. Il se met en place grâce aux situations spontanées qui laissent la place au discours narratif en engageant la personne à donner d’elle, à se raconter et narrer le monde, parce qu’elle est placée en situation de communication authentique. Le statut d’interlocuteur entretenu alors en séance permet une prise de conscience des compétences communicationnelles : la personne éprouve, dans le lieu sécurisé de la séance, qu’elle peut s’appuyer sur ses capacités interactives, elle fait l’expérience des capacités extra-verbales qui ouvrent la voie à une dynamique d’échange permettant de communiquer encore. Elle acquiert axiologiquement une confiance essentielle qui peut lui donner la possibilité de rester active dans l’échange, dans la création de ses propos, même si elle reste dépendante de son interlocuteur. Les expériences vécues positivement l’autorisent à être interlocuteur à l’extérieur de la séance et, dans le meilleur des cas, à revendiquer même ce statut quand son partenaire ne le lui reconnaît plus. L’entretien de l’appétence communicationnelle ainsi que la possibilité de se raconter permet à la personne de moins subir les événements, d’être en capacité de les interroger et donc d’interroger le monde, de maintenir son statut de sujet pensant logiquement, « comptant » sociologiquement et « content » axiologiquement.

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Notes

[1Comme le suggère le rapport parlementaire remis à la Ministre des Solidarités et de la Cohésion Sociale en novembre 2011 par Jean-Fançois CHOSSY : Passer de la prise en charge… à la prise en compte. Accessible en PDF à l’adresse suivante : https://www.vie-publique.fr/sites/d....

[2Cette approche vise un rétablissement à l’état antérieur à la lésion. Elle est centrée sur le lieu d’expression des symptômes. En pratique clinique, cela se traduit par des exercices ciblés (répétition, dénomination …), répétés de façon intensive pour faire réapparaître le comportement perdu et disparaître le symptôme.

[3Le terme instrumental faisant référence, pour eux, aux aspects strictement glossologiques, phonologiques et sémiologiques, si l’on emploie le vocabulaire de la théorie de la médiation.


Pour citer l'article

Sylvie Portais, Claire Bessonneau & Christophe Jarry« Plans de rééducation : travailler sur le statut d’interlocuteur et le désir d’expression chez la personne souffrant d’aphasie sévère », in Tétralogiques, N°25, La déconstruction du langage.

URL : http://tetralogiques.fr/spip.php?article155